A la sortie d'Unita et des Versions Longues en 1995, le grunge appartient au passé. C'est aussi l'année où Nicolas prend les manettes d'Indochine suite au départ de Dominique. Unita reprend donc les tubes d'Indochine jusqu'à l'album Un jour dans notre vie, avec une grande refonte des visuels entièrement dirigée par Nicolas.
La compilation contient un inédit connu et reconnu, "Kissing my Song", dans le clip duquel Alexandre Azaria semble vouloir imiter le guitariste de Suede, Bernard Butler.
La compilation contient un inédit connu et reconnu, "Kissing my Song", dans le clip duquel Alexandre Azaria semble vouloir imiter le guitariste de Suede, Bernard Butler.
Rock&Folk à propos de ces visuels : "Indochine en t-shirt Seattle tout neufs !" |
Curieux mashup sur ces visuels, entre une Gwenaël adolescente qui semble tout droit sortie d'un clip de Suede, et portant un t-shirt Seattle pour rappeler le grunge. Vingt-quatre ans plus tard, on cherche encore le rapport entre la musique de Dominique Nicolas et Seattle. Mais surtout, il faut réexpliquer à Nicolas que la britpop constitue la critique britannique du grunge, selon l'histoire du rock faite d'un jeu de questions-réponses entre les cultures britannique et américaine. Mais selon cette citation de 2010 à propos de l'album de 1993, Un jour dans notre vie, on ne dirait pas qu'il fasse la différence.
"Savoure le rouge aurait pu être un méga-tube, mais aucune radio ne le passe, l'album est un flop total mais on voit qu'il y a des fans, un public qui commence à me plaire, qui aime Suede, Blur. C'était le début du grunge."
Nicolas Sirchis in Indochine, le livre, Jean-Éric Perrin, 2010
Expliquons également que le début du grunge se situe au cours de la seconde moitié des années 80, et certainement pas à Châtillon ni à Bruxelles, ni même à Londres mais au nord-ouest des États-Unis. On vous fait grâce du namedropping, mais Indochine ne fait pas partie de l'histoire du grunge.
Ça paraît évident mais ça ne l'est pas, pour un Nicolas prêt à raconter des absurdités au public des années 2010 pour les convaincre qu'ils écoutent un groupe important. De plus, curieuse manière pour le Nicolas de 1993 de considérer son public d'alors, qui devient à la fois un objet de jugement - il y aurait donc un public qui ne lui plaît pas ! - mais surtout un artifice au service d'une image de référence incongrue, presque délirante. Avec ce visuel, Nicolas se sert du public de ses fantasmes pour modifier artificiellement l'image de son groupe, qui était encore celui de Dominique. Non, le public de Suede et de Blur n'est pas le même que celui d'Indochine en 1993 et encore moins aujourd'hui.
De son côté, Jean-Claude Perrier relaie l'opportunisme de Nicolas :
"Stéphane, de plus en plus branché "rock" (il écoute beaucoup à ce moment-là le groupe grunge américain Nirvana, et son album désespérément beau, In Utero, sorti en 1992 [sic, sorti en 1993, ndla]) et Nicola souhaiteraient durcir la musique d'Indochine, pour la faire plus coller à l'époque."
Jean-Claude Perrier, Le roman-vrai d'Indochine, Bartillat, 2005
Correction, Stéphane aurait aimé que ses influences à lui se retrouvent dans Indochine.
La vie de Kurt Cobain est plus complexe qu'un trip un peu autodestruction, mais tout ça passe largement au dessus de la tête de Nicolas. C'est une sortie très parlante. D'autre part, on se demande si Nicolas a repris "Come as you are" pour Stéphane ou pour lui-même, sachant que ce devait être un des rares titres qu'il supportait.
Pour confirmer que Nicolas ne sait pas de quoi il parle, In Utero n'est pas un exemple d'album décrié, l'accueil de la presse française fut au contraire excellent. Le plus important pour notre héros, c'était de coller aux tendances encore en cours en France, alors qu'aux USA le grunge battait sérieusement de l'aile.
Tout ce qu'un groupe français était incapable de proposer, en somme. Parler de polyester, de glam et d'ironie est imbitable pour un non-anglophile. En revanche, une chemise à carreaux se trouvait facilement dans le commerce !
"Dans le trip un peu autodestruction, [Stéphane] se retrouvait un peu dans Kurt Cobain. Après, pour le groupe en lui-même, moi je l'ai découvert un peu avant que "Nevermind" ne sorte. Ce qui m'a attiré, c'était la pochette, parce que je n'avais absolument aucune idée de ce qu'était le grunge. J'ai découvert ça en écoutant l'album et je t'avouerai que la première fois que je l'ai écouté, je me suis dit mais qu'est-ce que c'est que ça? C'est tout ce que je n'avais pas envie d'entendre, c'est à dire du bruit. Et puis, petit à petit, j'ai entendu des notes, des petits trucs. Le clip de "Smells Like Teen Spirit" passait en boucle, mais moi, le titre qui m'avait le plus accroché, c'était "Come As You Are", qu'on a repris d'ailleurs sur scène car c'est un groupe que Stéphane aimait beaucoup, et puis c'est vraiment celui que j'aimais le mieux. Mais moi, en fait, l'album que j'ai adoré, c'est "In Utero", même s'il a été un peu décrié à l'époque (ndlr : par qui ? l'accueil presse fut excellent...)."
Nicolas Sirchis, Rockmag, 2004
La vie de Kurt Cobain est plus complexe qu'un trip un peu autodestruction, mais tout ça passe largement au dessus de la tête de Nicolas. C'est une sortie très parlante. D'autre part, on se demande si Nicolas a repris "Come as you are" pour Stéphane ou pour lui-même, sachant que ce devait être un des rares titres qu'il supportait.
Pour confirmer que Nicolas ne sait pas de quoi il parle, In Utero n'est pas un exemple d'album décrié, l'accueil de la presse française fut au contraire excellent. Le plus important pour notre héros, c'était de coller aux tendances encore en cours en France, alors qu'aux USA le grunge battait sérieusement de l'aile.
Moins qu'au Royaume-Uni où il était totalement rejeté :
"Trop, c'est trop ! Dehors les Yankees ! Et emmenez avec vous votre lamentable accoutrement grunge et vos groupes de branleurs introvertis ! Vous êtes déjà devenus deux fois plus ennuyeux que le baggy sound, qui lui au moins était britannique. Nous ne voulons plus de chemises à carreaux, mais du polyester, du glamour, de l'humour, de l'ironie."
Stuart Maconie, "Yanks go home !", Select, avril 1993
Tout ce qu'un groupe français était incapable de proposer, en somme. Parler de polyester, de glam et d'ironie est imbitable pour un non-anglophile. En revanche, une chemise à carreaux se trouvait facilement dans le commerce !
Robert Smith, un autre musicien connu pour absorber des tendances sur le tard (mais avec bien plus d'élégance et d'intelligence) avait aussi sorti la chemise de bûcheron lors du concert de 1993 à Finsbury Park.
Mais dans Insolence Rock, Sébastien Michaud joue un rôle de scribe pour Nicolas. Le livre est sorti en 2004 chez Camion Blanc, une maison d'édition spécialisée dans les hagiographies et récits fantasques de fans français. L'auteur part en roue libre :
"Un an avant l'explosion d'Oasis, le groupe joue la carte de l'efficacité blues rock en imposant dès l'intro du morceau un son de guitare rugueux et terriblement efficace".
Sébastien Michaud, Insolence Rock, Camion Blanc, 2004
Pas besoin de commenter cette prétention ridicule de faire d'Indochine un pionnier du genre face à Oasis (!) rayant de ce fait en une phrase rien de moins que l'histoire de la pop et du rock. C'est en lisant de pareilles âneries qu'on regrette de ne pas avoir le point de vue de Dominique Nicolas, qui serait à coup sûr infiniment plus éclairé, réaliste, pragmatique et érudit. L'inverse des élucubrations d'un Nicolas Sirchis qui considère grunge et britpop comme des synonymes ne consistant qu'à saturer davantage les guitares et mettre des blousons en cuir.
Ce titre composé par un Dominique épuisé est correct, le son des guitares est effectivement plus saturé et organique, la production ne sonne plus années 80 et le look est d'actualité : à la scène comme à la ville. Mais ce n'est pas du grunge ni de la britpop même de loin, ça sonne comme du Indochine un peu plus brut et ça suffit à être respectable. On retrouve d'ailleurs dans ce clip un peu ridicule - entièrement réalisé par Nicolas - de forts emprunts à un U2 en plein dans le Zoo TV Tour et qui avait aussi, effectivement, saturé ses guitares. Rien que de l'écrire ça nous fait mal de mettre en parallèle un groupe à son meilleur niveau, qui propose alors un concert-spectacle d'une qualité immense, et le projet boiteux d'un Nicolas Sirchis complètement à la ramasse. Mais gageons que si vous êtes sérieux avec la musique, vous saurez faire la différence entre un groupe qui a construit tout un propos artistique, et un mec qui n'en a pris que quelques éléments visuels pour faire croire qu'il a accroché la navette supersonique des années 90.
Au cours des années 90, dernière décennie de modernité dans la pop music et époque magistrale pour le rock et la musique électronique, survit donc le fantôme d'Indochine... Quant à lui, Un jour dans notre vie a beaucoup souffert des tensions entre Nicolas et Dominique, c'est ce qui le rend si déstructuré avec cette impression d'un groupe qui ne sait plus où il va. Cependant, cet Indochine fatigué est encore un groupe, et propose quelques titres originaux (Savoure le rouge, Sur les toits du monde, Ultra S, Vietnam Glam, Crystal Song Telegram). Quant à ce qui allait être le futur d'Indochine, des choses tout à fait inédites se produisent à l'écoute des démos de Stéphane Sirchis au cours des années 90. Elles montrent que c'est un Indochine post-Dominique plus audacieux et atypique auquel on aurait pu avoir droit. Mais comme chacun sait, l'histoire ne s'est pas passée ainsi.
Concernant le titre Un jour dans notre vie, il y a aussi un original.
"Je me demandais pourquoi personne n'avait pensé à utiliser ce titre merveilleux des Beatles, A day in the life, en français. Alors je l'ai fait."
Nicolas Sirchis in Kissing my songs, Nicola Sirkis & Agnès Michaud, Flammarion, 2011
"Better be hated for what you are, than loved for what you're not."
Kurt Cobain sur la scène du Zénith de Paris, 1994
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