Influences et références


Le namedropping de musiciens et de groupes est passé, au milieu des années 90, de la liste d'influences au catalogue de références. C'est un moment de l'histoire que nous avions déjà traité, en soulignant les méthodes de communication visuelle que Nicolas commençait à mettre en place, alors que Dominique était encore là !

Petite mise au point sémantique via le Larousse:
Influence = Action, généralement continue, qu'exerce quelque chose sur quelque chose ou sur quelqu'un
Ainsi dans le cadre d'une production artistique (ici la musique et la chanson), il s'agit des éléments ascendants agissant sur la forme de l’œuvre, par exemple le bon vieux "ça sonne comme untel".

Pour les curieux, voici une petite playlist concoctée par nos soins qui regroupe les influences revendiquées, et qui s'entendent vraiment, chez Indochine (Mk1).


Vous serez probablement surpris à l'écoute, car cet héritage est occulté par l'histoire officielle centrée sur Nicolas et Indochine Mk2, dont Indochine (Mk1) ne serait que le brouillon.

Voir : Révisionnisme et malentendus

Référence Action de référer, de renvoyer à un document, à une autorité.
Ici, il s'agit de preuves pour reconnaître une valeur, voire une base de comparaison, à partir de laquelle un positionnement peut être défini. Nous sommes pratiquement dans du vocabulaire de ressources humaines ou l’entre-soi des gens de bonne compagnie : "Vous connaissez tel ?"
Si tu étais ado en 2007 serais-tu fan d’Indochine ?
Aucune idée en tout cas les références de ce groupe me plairaient beaucoup.

Nicolas Sirchis, interview pour indo-paradize, 2007

Citation aussi aberrante qu'extrêmement révélatrice puisqu'elle montre que les références sont plus importantes que les morceaux ou les paroles. On comprend alors l'importance capitale pour Nicolas de s'entourer de références, puisque ce sont ces dernières qui font le gros du contenu pour Indochine Mk2. Comme dans cet exemple tiré de l'époque de Paradize :
"C'est vraiment un hommage à toutes les musiques qu'on a aimées, tout ce rock là, ça, y'a des références, comme un metteur en scène fait ça dans un film, et, et refait une scène avec, en hommage à tel vieux film, nous c'est un peu la même chose, y'a des hommages à Cure, y'a des hommages à Depeche Mode, à des choses plus comme Nine Inch Nail (sic), enfin plus des trucs comme ça."

"Je crois que la... la motivation principale du rock en général c'est la morale, la sexualité, la religion, c'est tout ce que nous on a subi quand on était adolescent euh, une éducation euh, judéo-chrétienne pour la plupart, euh, la découverte de la sexualité, et la morale fais-pas-ci fais-pas-ça donc c'est un peu le thème central du rock en général. N'importe quelle chanson de Cure ou Depeche Mode, de Blur ou de Placebo c'est ce genre d'invectivation (sic) qui nous intéresse."

Nicolas Sirchis à propos de Paradize, Arte TV, 2003

Si les liftings calqués sur la mode datent du début des années 90, Paradize constitue la refonte d'image la plus radicale. Il ne s'agit plus uniquement d'être en phase avec les tendances pop et rock plus contemporaines, mais de s'affirmer comme étant un groupe éclairé par de nombreuses références, et capable d'apprécier des musiques plus dures et saturées. En d'autres termes, Nicolas a souhaité exprimer une street cred rock.


Il arrive en effet  que sur un morceau, la citation soit incluse dans la composition, mais il s'agit comme le dit Nicolas d'un "gimmick". Donc une simple accroche, où l'allusion ou clin d’œil plus ou moins complice est collé grossièrement sur la composition comme un sceau d'authenticité avant distribution. On retrouve ainsi sur des titres comme "Paradize", "Electrastar", "Marilyn" et "Dark", des codes ou emprunts à respectivement Depeche Mode, OMD, Marilyn Manson et The Cure.

Nous sommes très loin d'une digestion d'influences et de codes d'écriture musicale et textuelle. L'attention de Nicolas se porte sur ce que fait le rock en général, et ce que feraient (selon lui) les groupes auxquels il souhaite être comparé. Restant en surface dans un plan marketing, il ne peut aller plus loin que la citation qui devient l'élément fondamental du discours du groupe. L'image d'Indochine n'est plus qu'une compilation de signifiants glanés ici et là parmi les modes.


Ce logiciel est cristallisé à un point absurde en 2003, avec un sketch connu des fans : Paradize Airlines. On y voit Nicolas déguisé en hôtesse de l'air, distribuant aux passagers du vol des morceaux de musique qu'ils auraient commandés. Cela n'a aucun sens, mais c'est bien ça.
 

Nous cherchons encore où nous sommes supposés rire dans ce sketch écrit par Nicolas, festival de prononciations incorrectes qui ne sert, devons-nous le préciser, qu'à matraquer des noms.

Voir : 2002 - Paradize, The Cure

"J’ai lu Duras grâce à Indochine, j’ai écouté David Bowie et Patti Smith parce que c’était ses références, si j’ai écouté Oasis, c’est parce que Boris en parlait, Nine Inch Nails c’est grâce à Oli de Sat…"

Rafaëlle Hirsch-Doran, Madmoizelle, octobre 2021


Une constante depuis plus de vingt ans, devenue quasiment la discothèque idéale pour la filiation virtuelle d'Indochine Mk2 dans l'histoire du rock :

  • Les disques "Boris" : Morning Glory (Oasis), Sergent Pepper (Beatles) et My Generation (Who)
  • Les disques "Oli" : With Teeth (NIN), Antichrist Superstar (Manson) et Doppelgänger (Curve)
  • Les disques "Nicola" : Horses (Smith), Diamond Dogs (Bowie) et Kimono My House (Sparks)


À ranger avec les disques d'Indochine et les livres de Duras sur l'étagère dédiée.


Lors des questions/réponses avec les fans, il est devenu impossible d'échapper à un "qu'écoutez-vous en ce moment ?". Symptôme de notre époque post-moderne ou comportement classique de dévots écoutant le catéchisme, l'énonciation de nombreux artistes par Nicolas Sirchis semble être nécessaire, et même suffisante pour que son public se sente connaisseur à leur endroit. L'évocation même lointaine, approximative voire erronée d'œuvres, souvent limitées à un nom ou un titre, transférerait spontanément leur contenu vers le fan. Comme si savoir que cela existe offrait magiquement le grade d'esthète ou d'expert.

Plus besoin de se montrer curieux : écouter Indochine suffit. Les autres groupes ne servent qu'à donner l'image d'un groupe curieux et alerte que les fans ont raison d'écouter.
 
 
Loin d'être un passeur voulant partager ses goûts et amener son public à plus d'ouverture et de curiosité, Nicolas lui a simplement transmis sa superficialité. Passionné d'art contemporain, il arrive à appliquer la même astuce : seul le nom de l'artiste et son discours compte : c'est au public d'y trouver de la substance voire de l'inventer.

Voir : Art contemporain


Voir aussi sur le blog :

1993 - "C'était le début du grunge..."

1996 - Wax