Stéphane au synthétiseur dans "Troisième Sexe" (1985) |
"De groupe new wave synthétique, Indochine est devenu un groupe à guitares dans les années 2000. Les gimmicks avec réverb' des débuts façon The Shadows, ont laissé place à des grosses distorsions métal."
Sébastien Bataille, Rolling Stone, Hors-Série spécial Indochine, juin 2010
Voir : Étienne Daho
Voir : 2020 - "Nos Célébrations" & Singles Collection 2001-2021
Au cours des années 2010, la synthwave a ressorti des sonorités synthétiques et plastiques 80's, précédemment vues comme kitsch, et les a rendues de nouveau cool et hype. Le film "Drive" (2011) y fut pour beaucoup et inspira le clip de "Memoria" (2013).
"Les sonorités des années 80, le retour des synthés, une touche d’électro voilà pour la musique. 13 est un album résolument dansant."
Nicolas Lemarignier, France Info, décembre 2017
Nous pouvons remercier ce revival pour avoir dépoussiéré les 80's, même s'il a cristallisé un certain nombre de méprises, dont la sempiternelle confusion avec la new wave. Si 13 s'affranchit des clichés sur les synthétiseurs, il ne constitue pas pour autant un retour nostalgique, ce qui est une qualité pour un projet musical proposant une évolution dans les arrangements au fil des albums.
Les synthétiseurs n'ont jamais vraiment quitté Indochine. De "L'Aventurier" à "Go, Rimbaud Go!", en passant par "Canary Bay", "Unisexe" ou "Like a Monster" et jusqu'à "Europane", les musiciens qui y sont passés ont toujours su mêler les sonorités synthétiques aux guitares, fussent-elles claires ou saturées. Mais une fois pour toute, la présence de synthés n'induit pas un retour aux années 80. Sébastien Bataille remarquait déjà en 2003 que :
"Indochine a longtemps été catalogué 'groupe des années 80'. Ainsi, quand sortent quatre albums studio la décennie suivante, les journalistes parlent systématiquement du 'retour d'Indochine' alors que le groupe n'a jamais vraiment cessé d'enregistrer et de tourner. Une autre manie journalistique consiste à réduire les années 80 à une période bâtarde en matière de création musicale, où seul le look comptait, au détriment du reste. Bref, les années 80 étaient kitsch, un point c'est tout."
Sébastien Bataille, Indochine de A à Z, Les guides MusicBook, 2003
Olivier Gérard et Nicolas Sirchis, aux Stéthos d'or en 2019 |
"Moi je pense que les électros euh... les musiciens électro, en fait, se basent... enfin je pense que la new wave a toujours été et a ... c'est ce qui se dit, a été précurseur de ce que font les électros aujourd'hui. Moi j'aime beaucoup l'electro berlinoise, Helena Hauff, Paul Kalkbrenner, etc. Y'a des connotaissances (sic) depechemodiennes... enfin y'a plein de trucs qui se ressemblent. Ces instruments-là m'ont fait penser vraiment à la façon dont nous on a commencé à composer avec des MS-10 etc où on avait une note et on cherchait des sons. (...) Y'a même des trucs qui sonnent un peu comme Frankie Goes To Hollywood ou Dead or Alive. Mais nous on est issu de ça."
Nicolas Sirchis, Oui FM, 2017
"On retouche à nos sonorités passées (...) L'Aventurier est né à d'une mélodie à un doigt sur un vieux synthé."
Nicolas Sirchis, lors de l'avant-première de 13, 2017
Mais à une époque où les guitares étaient à la mode, Nicolas rappelait que :
"La raison pour laquelle on nous a affilié au rock synthétique, c’est parce qu’il y a eu cette vague qui a déferlé mais nous avons toujours basé nos morceaux sur la guitare. 'L’Aventurier' c’est avant tout un "gimmick" de guitare et tous les titres qui ont marché sont aussi basés là-dessus. La critique a trop oublié ça."Nicolas Sirchis, Rockstyle, février 1994
Indochine, septembre 1981 |
"On nous avait tellement assassinés parce qu'on utilisait des synthés machin et caetera, maintenant ça devient... c'est le dernier chic, c'est de réutiliser des Minimoog, enfin tous les synthés, les vrais synthétiseurs c'est ceux qui font des bruits bizarres, des bruits de laboratoire [...], et donc justement les sons bbzzzz ça nous intéresse depuis le début, parce qu'on utilisait ça."
Ici, Nicolas pense très plausiblement à la mode de l'easy-listening, sorte d'hommage post-moderne aux musiques de film des années 50, aux mélodies sirupeuses et aux vieux synthétiseurs. Nous pouvons entendre une telle influence sur Wax mais jamais le chanteur ne cita cette tendance, préférant se focaliser sur une certaine britpop. Quant aux bruits de laboratoire chez Indochine, pas vraiment au delà de "Dizzidence Politik". Il est cependant vrai que l'intégration de "nouvelles" technologies dans les musiques rock fut accueilli froidement par une grande partie du public, et ce bien au delà d'Indochine.
Voir : 1996 - Wax
Mais autant de contradictions sur - supposément - une seule discographie nous semble assez inédit.
"Il y a même deux trois titres où il y a pas de guitare pas de basse pas de batterie. C'est vraiment... Et ça, je pense que c'était pas arrivé depuis... depuis les albums le Péril Jaune ou 3 par exemple."
Olivier Gérard à propos de 13, Watt's In, 2017
"Il faut revenir à l'essentiel. À la new wave."
Nicolas Sirchis dans Black City Parade, Le Film, 2012
S'il existe bien des liens historiques entre de nombreux défricheurs post-Kraftwerk de la fin des années 70, il n'y a pas d'équivalence entre la pop synthétique et les musiques électroniques sous prétexte de technologies ou sonorités communes. Autrement nous y ajouterions le rock progressif, le nu-jazz ou la musique de jeu vidéo. Les démarches d'écriture du chansonnier même derrière un synthétiseur, du compositeur électronique et du mix d'un DJ sont fondamentalement distinctes.
Couverture de Sounds avec Florian Schneider & Ralf Hütter de Kraftwerk, novembre 1977 |
"J’ai toujours du mal à prononcer des phrases du genre 'Si le synthé sonne comme ci ou comme ça, c’est parce que nous étions à Berlin'. Je crois qu’il faut s’appeler David Guetta et être DJ pour s’exprimer ainsi."
Dave Rowntree (Blur), Air le Mag N°60, 2015
"Oui, ça a évolué, heureusement, c'est euhhh... La voix s'est améliorée, euh, on joue mieux, euh... On écrit mieux, on compose mieux, j'espère, en 40 ans, qu'on a fait un peu de progrès."
"Je suis beaucoup plus fier du Indochine de maintenant que de Indochine il y a trente ans. Pour la simple et bonne raison que euhhh... on s'est, on était totalement inconscient à l'époque, et de se présenter sur scène euh, sans savoir rien du tout euh, fallait un sacré culot quoi. Et euh, mais moi comme je suis très dur avec moi-même, là je trouve que, ça va là maintenant, euh... Le fait d'avoir euh, travaillé et... Je pense que... C'est digne d'être applaudi."Nicolas Sirchis, TV7, Foire aux Vins d'Alsace, 2010
"Pour le single 'Savoure le Rouge', lors de sa présentation à NRJ, ils avaient adoré mais n'en ont plus voulu quand ils ont entendu la voix de Nicolas."
Dominique Nicolas, Platine, 2004
"Le gros problème d'Indochine à ce moment-là c'est que chaque chanson aurait pu être un tube... mais pour d'autres artistes. Le problème, c'était Indochine, pas la musique."
Nicolas Sirchis à propos d'Un jour dans notre vie in Insolence Rock,
Sébastien Michaud, Camion Blanc, 2004
Non, le problème c'était lui, et il est difficilement pensable de lui faire accepter cette réalité, encore aujourd'hui. Pour Nicolas, les problèmes d'Mk1 se trouvent chez les autres...
"Vous seriez du genre à réenregistrer vos classiques?- Oui, mais ça choquerait trop les puristes. Pourtant, je sais qu’il y a des morceaux de notre première période qui sonnent mieux sur scène que sur album. L’aventurier, Trois nuits par semaine, 3e sexe, Canary Bay…
La nostalgie des fans tient justement sur l’aspect «imparfait» des sons de l’époque.- C’est bien pour cela que je n’y toucherai pas. Je remarque juste des défauts, des mauvais breaks, tout ça. Je suis exigeant, ce qui a fait ma réputation d’emmerdeur."Nicolas Sirchis, tdg.ch, septembre 2017
Nicolas sait, mais nous ne sommes pas d'accord. Les morceaux qu'il cite sont des exemples de compositions impressionnantes, de riches arrangements et d'une excellente production. Il serait intéressant de savoir à quels défauts et mauvais breaks il pense...
"EM : On voit que en quarante ans, sur les vingt premières années on a huit albums, les vingt suivantes cinq albums...- NS : Oui mais meilleurs ! Hahaha ! [...] Nan mais en fait, oui, ça prend plus de temps, pourquoi, parce que euhhh... Au début il y a une spontanéité, une inconscience d'écrire, par exemple quand on a écrit le troisième album, en 1984-1985, on a écrit euh, huit morceaux, pas un de plus, et on a gardé les huit. On aurait peut-être pas dû, y'en a peut-être certains qu'on aurait dû enlever mais c'est comme ça."
Les morceaux auxquels Nicolas pense ici sont certainement "Hors-la-loi" et "Le Train Sauvage" (composé par Stéphane), puisque ce sont les seuls qu'Indochine Mk2 n'a jamais repris parmi les neuf morceaux de 3.
[Tes Yeux Noirs ♫] Quand vous entendez ça vous avez l'air assez satisfaits je crois, et vous pouvez...
- NS : Oh nooon, satisfaits non, bah... Moi je suis super critique, vis à vis de, ouais ouais...
- BM : Pourtant y'a cet album qui va sortir...
- NS : Bah entre 'Le Grand Secret' et 'L'Aventurier' y'a une différence quand même de...
- BM : Ouais c'est pas pareil.
- NS : (dédaigneux) Ahhh non c'est pas pareil non..."
Nicolas Sirchis interviewé par Bernard Montiel, RFM, juin 2020
Voir : "3SEX" & Singles Collection 1981 - 2001
Voir : Black City Parade, Le Film
"Le nombre de groupes ou d'artistes qui cherchent leur son... C'est le premier truc qu'on nous a dit quand on a commencé à faire des albums en studio: 'vous vous avez déjà le son quoi !" [...] On ne l'a pas travaillé, c'était inné, et c'est ça qui est magique."
Nicolas Sirchis, Radio Lac, août 2020
Pourtant, il a déjà loué cette spontanéité chez Mk2 voire une certaine désinvolture :
"Un titre qui a été écrit à Paris en une journée. [...] Moi, pour le refrain, je voulais ce truc avec des lalala, donc on a tourné un petit peu, 5-10 minutes autour de ces accords, et puis c'est venu très, très vite."Nicolas à propos de "Black Page", Rockmag, décembre 2005
"Ça c'est un titre qu'on a composé comme ça en une journée."
"J'ai écrit les paroles en quinze minutes, et maintenant c'est un des morceaux que beaucoup de gens préfèrent."
Nicolas à propos de "Anyway" dans Black City Parade, Le Film, 2013
Ainsi, sélectionner les titres les plus potables parmi des dizaines de démos faibles serait une plus grande preuve d'exigence que garder un excellent album livré clé en main par Dominique. En fait, l'exigence fournie par Mk2 est compréhensible et maîtrisable par Nicolas, là où celle de Dominique lui était inaccessible. Mais quelles que soient les époques, l'inspecteur des travaux finis semble incapable d'estimer le travail fourni par les musiciens avec lesquels il travaille.
"Contre vents et marées, malgré des doutes, des disparitions et des coups durs, Sirkis a su faire tenir le cap à un navire âgé de plus de vingt ans. Mieux que ça : d'un boys band générationnel (en tout cas perçu comme tel) à date de péremption rapide, il a su faire un groupe de rock authentique qui ne cesse de se poser des questions et d'aller de l'avant."
Yves Bongarçon, Rocksound, avril 2002
"Comme pour beaucoup d'autres fans, c'est avec L'Aventurier que l'on a découvert Indochine au début des années 80. Et quelle découverte ! Plus besoin de se prendre la tête à essayer de décrypter les accords de Louis Bertignac ou de Nono de Trust. Avec Indochine c'était simple, amusant et vachement efficace."
Daniel C. Marcoccia, Rocksound, mai 2003
Les gratteux à disto, influencés par oLi De SaT, sont-ils capables de reproduire correctement les parties guitare de "Françoise" ou "Tonkin" ? Permettez-nous d'en douter - les partitions d'aujourd'hui sont infiniment plus faciles à décrypter, et ce d'autant plus qu'elles sont notoirement prévisibles.
Nicolas - en mode Brian Molko - "Electrastar", 2002 |
Pourtant, dans son souci de plaire à la fois aux jeunes adolescents amateurs de gros son et à la presse cultivée, Nicolas s'efforce d'effacer l'image du groupe pop banlieusard nourri de BD et de cinéma, et de promouvoir une chimère rock bien parisienne à la frontière de l'underground et des galeries d'art.
"On se fout pas mal de savoir si nous sommes rock ou pas. Le rock est une appellation rythmique. Nous n'aimons pas les étiquettes."
Indochine in Le Septennat, Marc Thirion, Carrère/Kian, 1988
"Indochine, malheureusement, ça relève de cette sous-culture, c'est-à-dire la récupération de la new wave à des fins commerciales."
Christophe Bourseiller, Ce Soir (Ou Jamais), 2008
En
considérant Indochine Mk1 comme un groupe juvénile et spontané, Nicolas
se pense t-il cohérent musicalement avec les morceaux balisés d'Mk2,
construits sur les mêmes suite d'accords, faits en une journée ?
"Moi, je dis que ça va être l'album punk d'Indochine ; c'est un peu une façon de parler mais il va y avoir de ça..."
Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001
Visuel du single de "Punker", 2002 (un titre composé par Nicolas) |
Assurément, le mot "punk" lui plaît. Mais le mouvement n'est-il pas évoqué ici comme une excuse à son incompétence musicale, lui à qui il faut systématiquement un acolyte musicien pour transformer ses limites au moins en fraîcheur ? Olivier Gérard permit en 2002 la synthèse entre cette candeur et une énergie power pop certaine : cette association engendra quelques titres efficaces, mais nous y voyons malheureusement une réinitialisation plutôt qu'une évolution naturelle. En d'autres termes : un tout nouveau groupe qui repart de zéro. Cela montre que Paradize est indéniablement le premier album, avec son côté do it yourself, d'un jeune groupe qui avait alors tout à prouver.
S'il s'agit d'une manière cohérente d'entendre l'aspect punk de Paradize, cela va néanmoins à l'encontre de la communication de l'époque qui présentait Indochine comme un groupe enfin mûr et éclairé.
Voir : 2009 - La République des Météors
Cela ne doit pas être entendu comme un défaut, simplement ce que nous considérons comme un fait. D'autant que Paradize ne rejette en aucun cas l'utilisation des synthétiseurs, au contraire, toujours dans la lignée post-indus des NIN & co, l'essai de 2002 emploie ces instruments avec le désir d'en prouver une utilisation intransigeante.
"Quand on écoute Daft Punk qui dit avoir rendu 'un hommage aux années quatre-vingt' en prenant le pire de cette période, je suis plutôt fier d’avoir fait cet album-là. Pour moi, le meilleur de ces vingt dernières années, ça passe par Cure, New Order, Depeche Mode et Marilyn Manson"
Nicolas Sirchis, RFI Musique, avril 2002
Indochine Mk2, Paradize+10 au Zénith de Paris, février 2012 |
"[Dominique] reste à mon avis l'un des plus grands mélodistes français. Avec sa guitare, en autodidacte, il a pondu des choses incroyables. Quand on décortique un peu les morceaux d'Indochine, on s'aperçoit qu'il y a un gimmick à chaque refrain, à chaque liaison, que sous des dehors de simple pop, c'est très riche."
Nicolas Sirchis, Rolling Stone, hors-série spécial Indochine, juin 2010
Nicolas s'exprime ici avec une sensibilité d'auditeur externe, et est totalement dans le vrai.
Nicolas est fondamentalement mal à l'aise avec l'Indochine pré-95 puisqu'il ne le maîtrisait pas, et à ce jour n'en maîtrise toujours pas la musique même comme auditeur. Ce sont donc ses souvenirs de simple chanteur, et sa vision personnelle des années 80 en France qui font office de nouvelle biographie officielle. Il a plusieurs fois insinué qu'il avait honte des débuts, comme si les clichés populaires sur les 80's ou même "Isabelle A les Yeux Bleus" fut la réalité de son groupe.
"Il y a eu ce grand malentendu, les Inconnus imitant Partenaire Particulier, et les gens - ils avaient raison - ont pensé à Indochine. Au début j'avais jamais vu le truc, et on faisait que m'en parler, et lorsque je l'ai vu je me suis dit 'Attends, c'est nous, ils ont vu juste'."
Nicolas Sirchis, Rock&Folk, décembre 1991
Le moment précis où Nicolas "se" vit à la télévision, via le prisme de la parodie, fut-il le détonateur qui provoqua cette avalanche de réécritures ?
Voir : 1990 - Isabelle a les yeux bleus
Nous l'avions vu chez Yann Barthès en 2020, trahir sa gêne face à la musique d'Indochine Mk1, et éprouver une immense fierté quant à celle d'Mk2. Mais une nouvelle fois, le seul défaut de la musique d'Indochine 81-94, c'est Nicolas. En a t-il conscience ? Est-ce pour ça qu'il est si mal à l'aise avec Indochine Mk1 ?
Faudrait-il dès lors comprendre que c'est la voix le plus important dans un groupe, et que c'est sa maîtrise qui détermine la qualité de l'ensemble ? Non, évidemment. Mais il faut bien observer que pour beaucoup d'auditeurs francophones plus familiers des chanteurs solo (Nicolas inclus), il apparaît comme naturel de réduire un groupe à la personne qui se trouve derrière le micro. D'où une situation où Indochine = Nicolas est considérée comme parfaitement normale.
"Y'a 'Suffragettes BB', les sons un peu à la OMD...
- Tout à fait, effectivement c'est un peu ça. Euh, peut-être moins tubesque que 'Enola Gay', mais c'est 'tatatatata', ouais les séquences basses... Ouais même ou Depeche Mode aussi ouais. Quand Dominique était avec sa guitare, ça a donné le son Indochine euh, mélange d'électro et, et, de pop. Mais Depeche Mode a intégré la guitare beaucoup plus tard."
Nicolas Sirchis, Oui FM, septembre 2017
Voir : Depeche Mode, 1990 - Isabelle a les yeux bleus
Voir : The Cure, Pourquoi Indochine Mk2 ?
The Smiths |
"Brian Molko : C'est [Johnny Marr] qui a inventé le son indie.Nicolas : Je trouve ce son très pervers. C'est un son qui vient du glam et de Mick Ronson, pour dévier des sons plus clairs à Rickenbacker."Interview croisée de Brian Molko & Nicolas Sirchis, Rocksound, octobre 2000
Johnny Marr, avec sa Rickenbacker |
"Sting est un des meilleurs compositeurs de ces cinq dernières années. Avec Police, il nous a beaucoup apporté. Indochine lui doit pas mal aussi, et on doit l'en remercier."
Dominique Nicolas, Stars Magazine, octobre 1986
"J'ai des influences mais je ne copie jamais rien ! Indochine n'est pas un sous-autre chose. Je crois que nous avons créé un style Indochine qui est tout de suite reconnaissable."
Dominique Nicolas in Le Septennat, Marc Thirion, Carrère/Kian, 1988
"Shoes : The Police.- Nicolas : Ah ouais...- Très fan de The Police. Grâce à eux j'ai pu continuer...- Continuer... [rire]- Continuer, et développer mon sens de la musique."
The Police |
The Police n'était-il pas assez provocateur ou assez sexuel pour Nicolas ? Quoi qu'il en soit, la parenté sonore avec la musique de Dominique s'entend encore aujourd'hui. Mais pour ici non, c'était simplement une manière de faire passer François Soulier pour un ringard.
"Si vous ne pouvez pas expliquer quelque chose simplement, c’est que vous ne l’avez pas bien compris."Albert Einstein
Dans les faits : un groupe new wave formé en 1980, branché BD, exotisme et rock, ayant diversifié ses influences au cours d'une quinzaine d'années et six albums avec Dominique Nicolas, directeur artistique de l'époque. Celui-ci étant parti en 1994, le projet se recentre sur les jumeaux Sirchis puis, suite à la mort de Stéphane, sur Nicolas seul. Celui-ci embaucha plusieurs musiciens professionnels pour faire survivre la marque "Indochine", restant alerte jusque dans les années 2010 sur les différentes modes qui entourent la pop et le rock.
Pour le très bavard chanteur, les choses sont différentes. Si nous avons déjà souligné ses approximations et erreurs sur son ancien groupe, il faut aussi comprendre le calcul dans ses interventions. Et par conséquent le changement de son discours selon la situation ou le besoin. Dans chaque communication officielle, la promotion et le matraquage étudié de mots-clés annulent et remplacent la précédente publicité. Pourtant, l'indophile qui n'aurait pas jeté la précédente bible y constatera probablement de nombreuses incohérences dans les descriptions et explications du chanteur-leader.
- met les synthés en avant : alors Indochine a toujours été synthétique / pop
- met les guitares en avant : alors Indochine a toujours été électrique / rock
- a un esthétisme sombre : alors Indochine a toujours été romantique / dark
"Il ne s'agit pas d'un nouvel univers. Celui-ci a toujours été 'dark'."
Nicolas en 2004 à propos du nouveau visuel d'indo.fr.
Voir : 1999 - Dancetaria, Indochine par Nicola Sirkis & Rafaëlle Hirsch-Doran
Mk2 au Grand Rex en 2011 |
Comment Nicolas cherche t-il à atteindre le crédit qui lui a tant fait défaut ? Pas en développant ses aptitudes musicales ou textuelles, mais par des choix marketing sur les arrangements calqués sur la mode, doublés de références artistiques et institutionnelles, éblouissant la jeunesse d'esprit de son nouveau public. Et, plus grave, certaines figures influentes de l'audiovisuel, estimant que oui, il est valorisant de fréquenter et défendre ce groupe-là.
Le rock et la pop ne faisant pas partie de la culture française, il y a forcément une certaine éducation inévitable voire indispensable, pour appréhender son contenu et sa signification culturelle lorsqu'on n'est pas soi-même anglo-saxon. Malheureusement en France, cette exigence est trop souvent confondue avec un certain snobisme, que Nicolas a pourtant pourfendu comme responsable de son manque de crédibilité, alors qu'il a lui-même profondément assimilé ce comportement.
Voir : Étienne Daho
- Compensation d'aptitudes musicales
Voir : Nicolas et la guitare - Compensation de culture générale et d'aisance intellectuelle
Voir : Art contemporain, Marguerite Duras et la bande dessiné - Compensation de crédibilité par le look et l'attitude
Voir : 1999 - Dancetaria, 2002 - Paradize, 2005 - Alice et June - Compensation de sa "francité" par des références anglo-saxonnes compilées
Voir : Influences et références, 1996 - Wax
Ce sont ces compensations qui sont perçues par le public - et affirmées par Nicolas - comme l'essentiel du contenu d'Indochine Mk2.
N'oubliez pas que, conformément au phénomène de l'idole, le système de pensée de Nicolas se réfléchit très largement chez ses fidèles. Les plus vierges musicalement parlant découvrent parfois groupes et artistes uniquement au sein des interviews ("Qu'est-ce que vous écoutez en ce moment ?") et réseaux sociaux. Le discours d'Indochine Mk2 devient donc le cadre de pensée au sein duquel se développe leur représentation du paysage musical, avec pour chacun la sensation naissante de devenir, comme Nicolas, un soi-disant initié. Cela est très perceptible au sein du fandom, où différentes formes de hiérarchies basées sur une sorte de "capital indochinois" sont observables.
"La France a une perception différente du rock de celle des pays anglo-saxons. [...] Il est assez ironique, d'ailleurs, de constater que le rock, pilier de la culture populaire britannique ou américaine, joue en France un rôle inverse : musique d'initiés, il crée une hiérarchie entre ses amateurs revendiquant à travers lui une certaine éducation culturelle, et le grand public, parfois assimilé avec mépris à la 'France profonde', dont les seuls divertissements seraient Intervilles ou les disques de Johnny."Julien Demets, Rock & Politique, l'impossible cohabitation, Autour du Livre, 2011
- Les enfants et les beaufs liraient des bandes dessinées, regarderaient la télévision et écouteraient de la musique commerciale.
- Les esthètes liraient des romans, iraient voir des expos et écouteraient du vrai rock, David Bowie, Patti Smith, Lou Reed.
Indochine Mk2 au moment de Paradize était bien un tout nouveau groupe, qui n'avait même que très peu à voir avec le collectif de Wax. Mais avec le prétexte de l'histoire, de la carrière, une attitude de survivant revanchard et grâce à la marque Indochine, les adolescents de 2002 purent écouter un tout jeune groupe avec l'impression d'écouter un vieux groupe culte.
Indochine Mk2, 2002 |
Une nouvelle fanbase se constitua, et au fur et à mesure que Nicolas reprenait confiance en lui, sa parole devenait de plus en plus empreinte de maturité et de charisme.
Les fans d'Indochine Mk2 sont connus pour être très bruyants, et pour leur attitude lobbyiste et dogmatique sur Internet. Pourtant peu sont capables d'éveiller un intérêt auprès de ceux qui auraient suivi d'autres directions musicales, à l'instar de Nicolas qui n'a jamais su se rendre intéressant auprès d'un public non-fan.
"Mais même quand on n'en parle pas, quand ce n’est pas l’événement du moment, les gens sont attirés par Indochine et vont chercher la musique, par eux-mêmes. Les fans du groupe font un lobbying très puissant, ils font écouter nos chansons à d’autres qui leur répondent : ah, on ne savait pas que c’était comme ça !"
Nicolas Sirchis, RFI Musique, avril 2002
Comme souvent, ce sont ses rêveries et spéculations qui font office de factualité.
Indochine Mk2, 2020 |
Nicolas en discussion avec Émilie Mazoyer, Europe 1, 2020 |
Adolescent dans les années 70, Nicolas semble avoir été marqué au fer rouge par les aspects les plus superficiels de cette époque, qui vit l'idéal révolutionnaire du rock des années 60 se fondre dans sa récupération capitaliste. Soit le début d'une perception de la musique rock comme produit culturel, une importance capitale donnée aux vêtements et au spectacle, et la transformation des auditeurs en consommateurs de hypes. Sa manière de parler des vêtements et des pochettes de David Bowie est profondément éloquente quant à la priorité non dissimulée conférée au visuel. Et même si Nicolas fait sienne la dimension punk d'Indochine Mk1, elle ne lui sert finalement qu'à cautionner une très profonde incompétence, même comme directeur artistique. À la différence d'un David Bowie ou d'un John Lydon qui ont toujours su commenter pertinemment leur époque et diriger leurs musiciens, les interventions de Nicolas ne font bien souvent que révéler une incompréhension notoire des phénomènes culturels cités.
Voir : David Bowie, 1996 - Wax
La simplicité artisanale que le punk et la new wave défendaient était surtout une façon de mettre en valeur un discours, une prise de position générationnelle. Nicolas, lui, trahit un manque de contenu flagrant, notamment lorsqu'il réalise devoir se servir de l'actualité de ces quarante dernières années pour implanter un peu de matière dans le discours indochinois, manifestement assez insignifiant. Au mieux quelques postures morales, fondées sur un discours aussi convenu qu'instable.
"On a traversé ces quarante dernières années comme des observateurs, on a vu des choses bien, des choses moins bien."
Nicolas Sirchis, France Bleu, juin 2020
Pourtant, Indochine est toujours seul dans son créneau : cela aurait dû continuer d'être salué, mais depuis Mk2 cela est devenu très problématique. Le savoir-faire des musiciens ayant pris part au projet, y compris ceux encore présents, doit être souligné, mais Nicolas est aussi omniprésent qu'indéfendable. S'accaparant toute la lumière, ayant peu à peu évacué toute possibilité de contradiction, il remise dans l'ombre ou ridiculise les musiciens qui ont joué pour lui. Leur musique et leur travail s'en voient alors ignorés par tout un public, qui tourne systématiquement le dos à Indochine du fait de la présence de Nicolas. Et nous ne pouvons pas lui en vouloir. À ce jour au sein d'Mk2, les musiciens qui l'entourent ne servent qu'à déguiser sa carrière solo en groupe, et à mettre en forme ses plans. Indochine a été aspiré par Nicolas, sa légitimité récupérée et son histoire réécrite pour ne garder que lui.
Voir : Ceux qui n'aiment pas Indochine, Indochine par Nicola Sirkis & Rafaëlle Hirsch-Doran
"Oui oui mais je vais les amener faire de l'accrobranche là, juste un peu avant... Du saut à l'élastique, tout le truc... Pour ressouder le groupe, tu sais."
Nicolas Sirchis interviewé par Émilie Mazoyer, Europe 1, septembre 2020
À lire également :
Hagiographie d'Indochine sur le site du X Festival (plausiblement écrite par Nicolas)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bien que la modération soit activée, nous vous faisons confiance pour rester civils et courtois dans vos commentaires et éventuels échanges.