Ceux qui n'aiment pas Indochine


Indochine serait un groupe trop subtil pour les gros doigts de la critique et des non-fans.

Très souvent, des démonstrations sont employées, par Nicolas comme par ses défenseurs et communicants, pour forcer le respect de la part d'un certain public qui n'apprécie ou ne saurait pas apprécier Indochine. Comme s'il fallait contraindre le naturel, canaliser les ressentis, décrédibiliser un public moins dupe par manque de vrais arguments. Une souffrance de chaque instant pour les besoins de contrôle de notre héros incompris.

Florilège :
"Car n'en déplaise aux rabat-joie qui en sont restés à l'image d'une laborieuse parodie des Inconnus, Indochine affiche une belle santé et se conjugue toujours au présent."

Emmanuel Marolle, Le Figaro, avril 2000   

 

"Je ne la lis plus depuis très longtemps [la presse rock, ndlr]. Elle n'a pas changé : elle sert à informer et à faire découvrir. Son problème est que la plupart des journalistes de cette presse sont des gens qui auraient voulu un jour être star de rock mais ils n'y sont pas arrivés. On sent alors chez eux une aigreur et une ingratitude permanente. Maintenant, il y en a aussi de très bons..."

Nicolas Sirchis, Franco Scoop, "Qu'en pense Nicolas ?", juillet 2000

 

"Emmerder tout le monde ! Quoiqu’il arrive, on est là ! Et je n’ai pas besoin de serrer la paluche à Pascal Obispo ou autre chose pour être reconnu !"

Nicolas Sirchis, RFI Musique, avril 2002

 

"Les gens qui n'aiment pas Indochine aujourd'hui sont des gens qui sont éloignés de notre sphère et qui sont plus jaloux d'un succès qu'ils ne s'expliquent pas."

Nicolas Sirchis, Rockmag, novembre 2002

 

"N'en déplaise aux Inrockuptibles et à ceux qui nous crachent dessus, Paradize plaît aussi à ceux qui écoutent Placebo, Marilyn Manson, Smashing Pumpkins ou Mylène Farmer. Il fait exploser les arrière-pensées préfabriquées. Le fait que Gérard Manset et Jean-Louis Murat aient voulu apporter une chanson en est la meilleure preuve."

Nicolas Sirchis in Indochine de A à Z, Sébastien Bataille, 2003

 

"Non seulement Paradize est l'un des meilleurs disques pop de l'année, tous genres confondus, mais il est aussi l'occasion pour Nicola Sirkis d'affirmer son retour sur le devant de la scène en adressant un message fort à tous les détracteurs de son groupe. Un beau bras d'honneur bien rock'n'roll. Bien joué !"

Yves Bongarçon, Rolling Stone, janvier 2003

 

"Qui en effet aujourd'hui aura l'outrecuidance d'affirmer en pinaillant et sans se ridiculiser que Indo n'est pas rock ?

Yves Bongarçon, Rocksound, avril 2002

 

Ici, un décalque d'un des arguments de fans les plus courants :

"Indo est la cible éternelle des jaloux et des ignorants : 'Nico chante faux, ses textes sont nuls...' Les gens ne connaissent pas suffisamment Indo et jugent sur quelques chansons."

Christian in Indofans, Jean-Eric Perrin, Pop Culture, 2014


Le chanteur d'Indochine a toujours profondément méprisé la critique, et semble avoir transmis ce logiciel à son public : il n'y auraient que ceux qui bossent et ceux qui ne savent que commenter le travail des autres. Certes, l'immense médiocrité de la critique musicale en France nous mène à comprendre ce sentiment : Indochine est l'exemple parfait d'une musique souvent rejetée par principe.


Mais de son côté, Nicolas n'a jamais caché sa volonté d'infiltration dans les mécanismes de perception de son propre groupe, que ce soit pour cadrer l'écoute des albums que pour commenter les critiques. Il agit autant comme le chef d'un fan-club que le leader du groupe révéré : en ce sens, il s'est très souvent distingué par son emploi d'un vocabulaire et d'une rhétorique de fan plutôt que de musicien, notamment en rejetant l'analyse et en usant plus que de raison des thèmes de la persécution et l'incompréhension des autres.

Et ce, quitte à transformer les inévitables dissonances et malaises, en postures de vilain petit canard qui dérangerait un certain ordre établi. Un peu à la manière d'une Ségolène Royal qui pense déranger ou d'un Nicolas Dupont-Aignan qui croit gêner.


Ce mépris de la critique semble venir d'une blessure plus ancrée. Sans entrer dans la psychologie de comptoir, Nicolas est un fils préféré qui a reçu dans sa jeunesse, de son propre aveu, les foudres des professeurs à propos de son maniement de la langue française.

Nous n'épiloguerons pas sur les défauts du système éducatif et l'intransigeance de certains enseignants face aux élèves ayant des difficultés avec ce conformisme social. Lorsqu'après cet échec scolaire, il forma un groupe montrant qu'il était capable de réaliser quelque chose, Nicolas a continué à subir des parti-pris qui n'allaient pas dans son sens. Et l'histoire lui a donné raison, car il a indéniablement réussi à construire une œuvre. Mais que ce fut difficile d'obtenir une certaine légitimité ou reconnaissance, et encore à ce jour ! 

Voir : Ramassage scolaire


Inévitablement, il est plus à l'aise face à des journalistes acquis  - et/ou des amis - que face à des gens plus éclairés qui pourraient le mettre en difficulté. Vu son excès de confiance, toute critique négative ne pourrait qu'être exagérément ressentie et remuer le couteau dans la plaie. Son rejet de la critique atteint même les indophiles plus éclairés, ceux-là même qui parfois essaient d'en apporter sur les forums.

"Personnellement moi je m'occupe de mon, de mon Twitter, Instagram, c'est ça... Sur les forums euhhh... J'y vais un peu de moins en moins, parce que y'a beaucoup trop de critiques. Ça me saoule. Ouais, ça me... ça me saoule, héhé, donc... Mais nan mais c'est parce que c'est des, ils sont assez euh... - Exigeants ? - Non, jamais contents. Tséhahahaha ! Oui nan mais après les modérations... Nan mais après tout le monde peut dire ce qu'il veut. Mais bon euh... Par contre, sur mon Twitter tout le monde me félicite et tout, c'est cool."

Nicolas Sirchis, Virgin Radio, novembre 2013


De la même manière, comme dans les sectes, les fans - ou les croyants - sont mieux entre eux à l'abri des emmerdeurs, toujours trop cons pour comprendre ce qu'il faut comprendre.


Nous l'avons beaucoup développé : Nicolas est le principal conteur de sa propre histoire. C'est la raison pour laquelle il semble vouloir ridiculiser les gens qui ne l'aiment pas, en les réduisant à des sortes d'ignares, manquant de culture pour apprécier Indochine, tout en canalisant sa communauté de fans autour d'un anti-intellectualisme béat. Celui-là même qui fonde le catéchisme indochinois à travers le fameux adage "ça ne s'explique pas, ça se vit", et permet l'adhésion totale à une doxa sans autre forme de discussion perçue comme hors-sujet.

Chez Indochine Mk2, rien ne semble subsister au delà d'une certaine idée lointaine de la musique et de la culture, ici largement satisfaisante pour des gens qui se voient suffisamment instruits, puisqu'ils ont su apprécier Indochine, eux !

Voir : Influences et références


Le drame, c'est que ce refus de la réflexion semble indispensable pour accrocher pleinement à Indochine Mk2, sans entraver la magie... De plus, cette mentalité ne fait que creuser le fossé existant entre ceux qui n'aiment pas Indochine et les fans : une grande partie de ces derniers forment une sorte d'armée de défense très active sur Internet, à la limite du lobby, se retrouvant autour de l'intime conviction qu'Indochine est le groupe ultime, et qu'il ne peut en être autrement. Et Nicolas le dit !
"Les fans du groupe font un lobbying très puissant, ils font écouter nos chansons à d’autres qui leur répondent : ah, on ne savait pas que c’était comme ça !"

Nicolas Sirchis, RFI Musique, avril 2002

 

"Il y a toujours des gens qui ont la haine. Moins qu'avant, mais quand même. Maintenant, les plus intelligents de nos détracteurs avouent au moins un respect pour ce groupe. Mais il y a une haine, une telle haine, que je n'arrive pas à élucider. Des crachats, des commentaires qui disent juste 'c'est de la merde'. Étienne Daho est un peu passé par là, par le côté 'non chanteur', mais ça n'a pas duré longtemps pour lui. Il y a une haine pour les gens qui ont du succès en France. On ne pardonne pas l'insuccès, mais encore moins le succès."

Nicolas Sirchis in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011


Donc, Nicolas en est carrément à juger l'intelligence des gens qui commentent ses activités. Doit-on avoir la férocité de lui rappeler qu'il n'est pas exactement le couteau le plus affûté du tiroir, lui non plus ?


Définitivement selon lui, c'est bien par manque d'intelligence ou de culture que certains n'aimeraient pas, ou ne sauraient pas reconnaître une bonne fois pour toutes qu'Indochine, c'est bien. Mais peut-être comprendra t-il un jour que le problème constant des groupes ayant porté le nom Indochine, c'est lui. Il est la raison principale de ce rejet récurrent de la part de ceux qui n'aiment pas Indochine, et que si peu de fans arrivent à concevoir.

S'il existe pléthore de mauvais professeurs, de chroniqueurs consternants et de détracteurs primitifs, la critique musicale n'est pas une activité de frustrés ou d'artistes ratés. C'est une activité intellectuelle qui n'a rien d'aisé et qui est surtout nécessaire, tout comme le travail d'historien ou encore de journaliste d'investigation : déboulonner les mythes, pour se concentrer sur les faits. Un travail à faire impérativement face à Nicolas.


Nous avons plusieurs fois avancé que Nicolas ne parlait de rien en particulier dans ses chansons - au delà de l'exercice d'un certain effet Barnum - mais ce n'est pas tout à fait vrai. Non seulement il fabule lorsqu'il prétend ne jamais parler de lui, mais nous pouvons surtout aisément dégager des thèmes très redondants parmi lesquels l'héroïsme, l'incompréhension des autres, la persécution, la hardiesse, l'impertinence et la mobilisation de jeunes gens en bande. Ce qui est très parlant sur sa personnalité et l'état d'esprit transmis aux fans.

Les méchants du monde indochinois ne seraient-ils pas les vilains des blockbusters que Nicolas se raconte dans sa tête ?

Il semble également que le rapprochement voulu par le chanteur d'Indochine avec d'autres domaines musicaux pour changer son image, aient provoqué des interactions entre des publics qui n'avaient qu'assez peu à partager. Au vu des dissonances provoquées par ces hybridations incongrues, en plus d'un comportement systématique d'aboyeur opprimé, Nicolas et ses fans ne pouvaient in fine que passer pour des moutons noirs.


Mais vue la foi des fans actuels en Nicolas, toute critique sur le groupe, argumentée ou non, ne peut que passer pour hérétique. Comme dans les pratiques religieuses les plus extrêmes, ceux qui n'aiment pas Indochine doivent être vues comme de mauvaises personnes et leur mentalité au minimum douteuse. S'ils écoutaient, ils comprendraient...! Mais vous savez, on peut ne pas aimer Nicolas Sirchis et être quand-même quelqu'un de bien.

"Le rock, pour moi, doit être avant tout sexuel. Prince, Bowie, Patti Smith, ça transpire le sexe. Le rock, c'est la morale, le sexe et le social. Alors oui, je fais ça, mais sans tomber dans l'obsession non plus. C'est vrai que ça passe inaperçu, mais je ne peux pas écouter les albums à la place des critiques..."

Nicolas Sirchis in Kissing my songs, Agnès Michaux, Flammarion, 2011


Ce rejet d'un revers de la main systématique reste à l'image de cette citation aberrante, aussi consternant qu'insuffisant. Mais alors, s'il n'y a que ceux qui ont compris d'un côté, et de l'autre les ignorants, les jaloux et les rabat-joies, vous nous mettriez dans lesquels ?

Voir aussi sur le blog :

Ramassage scolaire

Révisionnisme et malentendus

Indochine par Nicola Sirkis & Rafaëlle Hirsch-Doran

2002 - Paradize

2005 - Alice et June


Voir aussi :

Les chapitres "Hostilité" et "Mépris" dans Indochine de A à Z de Sébastien Bataille, Les Guides MusicBook, 2003

"Popstitute", une page dédiée à ceux qui n'aiment pas Indochine sur Une Indochine Affaire.

La critique est aisée (La Tronche en Biais), avec François Theurel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Bien que la modération soit activée, nous vous faisons confiance pour rester civils et courtois dans vos commentaires et éventuels échanges.