David Bowie

Le jeune Nicolas d'Indochine Mk1 n'a pas grand chose à voir avec l'actuel personnage médiatique.

"Dans la musique, il y a deux personnages qui m'ont marqué, Bécaud et Sheller. Gilbert Bécaud d'abord pour tout ce qu'il dégage sur scène et William Sheller pour son sens aigu de la mélodie. Aujourd'hui encore, quand je les écoute ils me font craquer."

Nicolas Sirchis, Best, 1985

"Question d'un fan : Je me suis demandé, dans votre jeunesse c'était qui vos idoles ?
Alors pour ma part, c'est un peu ce qui était sur la carte blanche, c'est vraiment David Bowie et Patti Smith. [...] Ça m'a pas inspiré dans la musique, ça m'a donné envie de faire de la musique. Ce qui est quand même plus intéressant, parce que je me suis dit c'est vraiment ce qui m'intéresse, ces émotions-là m'intéressent beaucoup, enfin c'était ça qui me parlait."

Nicolas Sirchis, conférence à la FNAC de Lyon en 2008

David Bowie est à ce jour un des artistes que Nicolas a le plus cités, il est même devenu incontournable dans son paysage de références et cela n'échappe plus à personne. Nous connaissons tous aujourd'hui un "fan de Bowie et de Patti Smith", mais comme souvent, il est intéressant de faire une rétrospective.


Pour Nicolas, David Bowie est loin d'être une référence récente ou calquée sur une quelconque mode. Sa mention est présente dans tous les livres officiels, et nous entendons depuis longtemps des reprises du chanteur londonien. "Heroes" clôturait déjà les concerts au début du Wax Tour en 1996, ainsi que ceux du Dancetaria Tour (1999-2000), reprise ressortie en 2016 après sa mort. Un décalque de la version originale à l'intérêt franchement limité. Voir également cette reprise de "Rebel Rebel" avec El Presidente chez Nagui en 2006, sans oublier celle de 1993 avec Marc Toesca.
 
Nicolas déguisé en Thin White Duke (2013)


Nous aurions pu nous attendre à ce que Nicolas ait des choses à dire sur ce qui ressemble à son idole de toujours, et c'est plus ou moins le cas. En 2016, il fut forcément questionné après la disparition de l'auteur de Blackstar...
"Oui, ouiouioui, ça a été une hécatombe, principalement sur David Bowie, alors même si l’œuvre de Bowie est éternelle, et j'écoutais beaucoup moins, et j'écoutais même pratiquement pas ses albums, cette carrière, after-Outside, où là j'ai un peu décroché... La première fois que tu vois David Bowie t'es... qu'est... Enfin il se passe quelque chose où... voilà. J'ai été un fan incroyable de Diamond Dogs, Aladdin Sane, Peanuts (sic)... Tous les... euhh... Station to Station qui était sa période berlinoise."

Nicolas Sirchis, interview pour Oui FM, 2017

Non. On parle de Pin Ups et non de Peanuts. Nicolas fait cette erreur au moins depuis 1993.

Pin Ups, 1973
 
Non plus. Bien que Station to station (1976) soit en effet influencé par la musique allemande de cette époque, la période berlinoise de Bowie regroupe les albums Low (1977), Heroes (1977) et Lodger (1979).


Nicolas est honnête en disant que Bowie ne l'a pas influencé au niveau musical, en effet il serait naïf de réduire les jeux d'influence dans la musique à la composition et aux sons. Il l'est moins dans la mesure où il en fait la base de tout son paysage musical. Dans le livre officiel de 1986, tous citent David Bowie, et Nicolas précise :
"Mon premier contact musical fut avec mes copains de St-Sulpice, Doctor Feelgood, Supertramp. [...] C'est donc à Paris que j'ai eu mes premiers contacts avec la musique, avant je m'intéressais surtout au cinéma. [...] Mais mon premier vrai 'enthousiasme' pour la musique, où ça m'a plu assez pour que je veuille acheter les disques, c'est avec David Bowie. J'avais un copain qui était spécialiste, inscrit au fan-club, et il m'y emmenait."

Nicolas Sirchis in Indochine, Jean-Eric Perrin, 1986

Nous parlons ici de 1974, année de son retour en France, et c'est vers cette époque qu'il a entendu "Rebel Rebel" sur Diamond Dogs, un choc musical évident qui en explique la citation récurrente avec le titre "Diamond Dogs".  
"Ah moi j'ai aimé, ah j... mais avant, avant Bowie et Patti Smith j'écoutais Supertramp, parce que c'était beaucoup plus connu en Belgique... Quand j'étais là-bas, et, et euh, les deux premiers albums, avec Dreamer et Crisis, What Crisis ? ouais... Après y'a eu Good Morning America ou quelque chose comme ça ouais. Énorme, énorme."

Nicolas Sirchis, RTL, juin 2014

Breakfast in America. Nicolas confond ici avec un mélange de Good Morning England et Good Morning Vietnam. "Dreamer" est une chanson parue sur Crime of the century en 1974 (!) et Crisis, What Crisis ? est sorti en 1975, respectivement les troisième et quatrième albums de Supertramp. Comme dit dans le premier livre officiel d'Indochine, Nicolas n'a pas écouté Supertramp en Belgique, mais parallèlement à Bowie, pendant ses années lycée à Paris.

Ce mensonge ne va pas spécialement dans le sens de ce récit selon lequel Nicolas aurait été un jeune fan de rock écoutant les radios libres en Belgique, parachuté en France au milieu d'un paysage saturé par la variété avec les trois François. Il serait par exemple amusant de lui rappeler que Claude François avait rempli Forest National, donnant lieu à l'album Sur Scène (1974). Nicolas s'est bel et bien mis à la musique à Paris, intégrant des artistes internationaux, dont Bowie, à un paysage très variété française qui ne lui posait alors aucun problème.

La séparation entre les musiques dites rock et la chanson française n'était pas aussi saillante qu'aujourd'hui, et "Un garçon pas comme les autres" (aussi connue comme la chanson de Ziggy), de la comédie musicale Starmania (1978), pouvait en témoigner. Le groupe Au Bonheur des Dames montrait déjà en 1973 que Ziggy, Roxy et Alice étaient largement connus et assimilés dans l'Hexagone.

 
Au sein d'Indochine, le grand bowiphile était Dimitri Bodiansky, qui le citait bien plus régulièrement. Le premier disque qu'il ait acheté est The rise and fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars, lorsque Nicolas parle de Poupée de cire, poupée de son de France Gall. Questionné sur ses goûts musicaux dans Indochine en 1985, il y cite "Bowie, Bécaud, Salvador pour le swing."

Nicolas confiait aussi dans Rock & Folk en mars 1988 avoir "complètement craqué sur certains albums, en particulier 'Lodger' qui m'a fasciné.". Il ajoute toutefois : "Maintenant, j'aime bien quelques titres comme 'China Girl' mais il est clair que ce n'est plus le Bowie de la grande époque."
 
C'est vrai, la seconde moitié des années 80 est souvent considérée comme une période maudite pour l'homme qui venait d'ailleurs, et cela peut expliquer que Nicolas ait, comme énormément de gens, pris ses distances.
 
David Bowie sur le Serious Moonlight Tour (1983)

 
Au crépuscule des longues années 90, alors que David Bowie avait vu sa crédibilité artistique remonter après Earthling (1997), Nicolas nous éclairait superbement sur son fonctionnement en matière de goûts musicaux.
"Moi c'est Bowie qui m'a donné envie de faire de la musique et de préférer des groupes qui ont une aura sexuelle à d'autres."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, 2000

Il n'est pas impossible que les apparitions de David Bowie avec Placebo à cette époque, groupe alors admiré par Nicolas, ait réactivé son intérêt. Revenant aux bases, construisant jusqu'à nos jours ce personnage d'esthète rock aux frontières du cinéma et de la littérature, Nicolas réintègre également le mot glam dans son champ lexical pour la promotion de Dancetaria.

Voir : Placebo, 1999 - Dancetaria


Mais un glam francophone serait plutôt ancien, et à chercher chez Patrick Juvet ou William Sheller. Nous pourrions même regarder du côté de Johnny :
"Il faudra donc attendre 1982 et son spectacle 'Fantasmhallyday', dont la mise en scène spectaculaire s'inspire autant du shock rock d'Alice Cooper que de Mad Max, pour entrevoir tardivement ce qu'aurait pu donner un glam réellement assimilé par la culture hexagonale."

Eric Cartron-Eldin, Glam de France, Audimat n°16, 2021
 
S'il serait stupide de nier l'importance capitale du spectacle et de l'illusion au sein du phénomène glam rock, il nous semble assez étrange de remiser l'aspect musical à l'arrière-plan, à ce point-là. Adolescent dans les années 70, Nicolas semble avoir été marqué - voire formé par cette place immense donnée au management et au marketing dans la musique rock, métamorphosant son idéal révolutionnaire en communication rodée, ciblant un public jeune. Cela peut participer à expliquer pourquoi il donne une telle priorité à l'apparence, aux pochettes et au spectacle, au détriment d'un aspect musical compliqué à gérer pour ce non-musicien et non-mélomane. 

En plus du maquillage et d'une inclinaison pour les concerts très scénographiés, l'influence de Bowie se manifeste plus concrètement encore avec un titre, ici "Station to Station" (1976), dont Nicolas piocha un mot signifiant, pour Station 13. Un morceau pendant lequel une photographie de David Bowie apparaissait sur les écrans - ainsi qu'un Lou Reed période Transformer, pourtant jamais cité.

"Station 13" sur le 13 Tour, 2018
"La référence est une déférence mêlée d'un soupçon de gloire par procuration."
Simon Reynolds, Rétromania, Le Mot et le Reste, 2012

"Tous mes héros sont morts", certes, mais contrairement à une idée largement répandue dans notre société postmoderne, il ne suffit pas de se draper de l'image de ses héros pour en absorber le prestige. Le goût prononcé de David Bowie pour l'apparence, ainsi que sa propension connue à disséminer de petits mensonges en interview, afin de semer volontairement le trouble chez les auditeurs et journalistes, peut aussi avoir eu son petit effet sur Nicolas. S'il a indéniablement développé un penchant non-dissimulé pour la mise en scène de lui-même, influence possible des personnages bowiesques, une distanciation entre un Nicola Sirkis chimérique et la personne réelle n'a jamais été énoncée par ce dernier, qui ne s'est jamais montré très subtil en interview. Son inaptitude à expliquer ses choix, à discuter des mouvements culturels, et à s'éloigner d'un premier degré extrêmement ancré, nous éclaire sur l'absence manifeste de méta-commentaire via ses choix artistiques, et nous questionne sur leur pertinence au delà d'un simple alignement sur la mode.
"Il faut se remémorer quand Bowie est arrivé dans les années 1970 avec ses maquillages... Le nombre de gens comme moi qui se sont dit : 'Enfin, il se passe quelque chose, enfin ça me parle' [...] Je suis triste car ce type était quelqu'un qui sensiblement me touchait beaucoup. Je ne serais pas là si je n'avais pas écouté Bowie."

Nicolas Sirchis, RTL, septembre 2017

Il faut comprendre aujourd'hui que David Bowie est devenu dans les années 70 une superstar mondiale, qui a marqué énormément de gens de cette génération. Nicolas a comme quasiment tout le monde été marqué par l'image de Bowie, son attitude et ses looks, et en appréciait sans aucun doute une certaine idée. Mais cela semble avoir été si prévalent sur la musique que cette dernière ne surnage que via une poignée de singles.
"Ah oui alors, Bowie, c'est là où il y a un morceau incroyable, Ashes to ashes, Fashion... Mais ça c'était avant Let's Dance ? [...] Superbe album. C'est le dernier vraiment gros Bowie où.. où euh... enfin. Et puis surtout le premier clip de... Fort ! Avant même Thriller, Ashes to ashes c'était incroyable."
Nicolas Sirchis à propos de Scary Monsters, interview pour Hotmixradio, 2017

Pas de rapport musical avec le tube de Michael Jackson : si Nicolas l'évoque ici c'est pour le retentissement de son clip. "Thriller" (1982), avec sa narration et sa chorégraphie, constitue presque à lui tout seul le symbole de l'avènement du vidéoclip, pensé comme objet artistique quasi-indépendant du morceau qu'il accompagne. Mais deux ans avant, le très élaboré "Ashes to ashes" avait constitué le clip le plus cher jusqu'alors et fut même élu, avec "Fashion" justement, meilleur clip de l'année 1980. Des souvenirs visuels marquants pour un Nicolas passionné d'images.



En revanche vous imaginez, vous, un fan d'Indochine de toujours, demander si Le Baiser c'est bien avant Wax ?


Le remaniement des souvenirs de Nicolas est allé tellement loin qu'un beau jour :
"Bah alors, je me rappelle plus le jour où la première fois où, je crois que c'était... Je suis arrivé, moi j'ai quitté la Belgique en 73, 74, donc je suis arrivé et effectivement le contraste entre les musiques qu'on écoutait à la radio et... en Belgique et en France c'était un contraste euh, assez violent... Et Bowie je crois que j'ai dû... à mon avis, je crois que c'est grâce à Yves Mourousi, euh... qui était fan de Bowie. Qui était quand même le présentateur... Je me trompe, parce qu'en fait je l'avais vu à Top of the Pops. On captait la BBC nous à l'époque en Belgique, parce que y'avait déjà le câble, et je l'ai vu à Top of the Pops, sur 'Starman'. Et euh, j'avais douze ans treize ans, et là ouaahh putain."

Nicolas Sirchis, Clique, 2018

Stop.

Nicolas fait ici référence au très célèbre passage de Bowie dans TOTP en 1972, qui fut un catalyseur pour des musiciens britanniques comme Ian McCulloch ou Robert Smith, et continue d'être cité par de nombreux auteurs comme un moment-clé de l'histoire du rock. Il est abracadabrant d'entendre Nicolas tirer aujourd'hui cet épisode de son chapeau, comme s'il avait fait partie de l'avant-garde des musiciens anglais. Il est pourtant bien plus plausible qu'il soit retombé dessus au détour d'une exposition ou d'un livre sur Bowie, et ait trouvé intelligent de prétendre l'avoir vécu en direct - le mensonge est d'autant plus risible que Nicolas se corrige au milieu de sa phrase.

D'ailleurs, il se démonte tout seul dans le livre de Rafaëlle Hirsch-Doran :

"Là, dans le VIe arrondissement, j'ai rencontré une autre jeunesse, parisienne, aisée, mais de gauche, très intellectuelle, pleine de musique. Il y avait dans ma classe un fan de Bowie, qui me l'a fait découvrir, ainsi que Warhol..."

Nicolas Sirchis in Indochine, Rafaëlle Hirsch-Doran, Seuil, 2021

Comme souvent, nous nous questionnons sur le niveau de conscience avec lequel Nicolas souffle ce mensonge : le fait-il sciemment, ou a t-il fini par croire sincèrement à ses fabulations ?


Une fois pour toutes : les références de Nicolas Sirchis, réelles ou inventées, sont les têtes d'affiches de "discothèques idéales", avec les tubes que tout le monde de sa génération écoutant du rock a connu et écouté, quelles que soient les sensibilités politiques et sexuelles. Ce n'est pas un problème en soi, mais cela est profondément discordant avec l'image qu'il souhaite donner en interview.


Avec une posture d'intellectuel à l'anglaise directement inspirée de ce qu'il avait vu chez David Bowie, et bien qu'hésitante, confuse et bourrée d'approximations, Nicolas arrive miraculeusement à passer pour un esthète et un érudit. Mais cela ne fonctionne qu'aux jeunes yeux d'un public novice et candide, ébloui par le namedropping et pour qui un certain charisme d'homme cultivé, bien fringué et bien coiffé, semble suffire. N'est-ce pas une influence assez contestable mais bien réelle du phénomène glam, avec ses stars très visuelles et ses groupies, malgré la lecture réductrice qu'elle impliquerait ?

Forcément, les citations ne servant que d'emballage à une image à vendre, les musiciens évoqués par Nicolas pourront difficilement intéresser ses fans. Et c'est normal, puisqu'il n'est pas un passeur voulant partager ses goûts, mais un publicitaire de lui même, sans aucune trace de second degré. À la différence d'un Bowie absorbant les tendances et proposant sur album le résultat d'influences digérées, il est inutile et vain de chercher des points communs entre Indochine Mk2 et les références données en interview, qu'elles soient musicales, cinématographiques ou littéraires. Réfléchir aux motivations quant à ces références est en revanche bien plus intéressant, puisqu'il est souvent question de révélations accidentelles d'une superficialité et/ou incompréhension.
Par exemple, il n'y aurait a priori pas de raison de ne pas croire Nicolas lorsqu'il prétend que son groupe s'est maquillé dès 1981 sur l'influence de Bowie, mais la photo la plus connue de cette époque le contredit. Le look d'Indochine est celui d'un groupe new wave à tendance minet, et Nicolas y arbore une coupe banane cohérente avec l'inclinaison musicale rockab' alors proposée ("Indochine", "Françoise", "Dizzidence Politik"...).
Indochine au Rose Bonbon, 1981

Au sujet du maquillage, plus tardif, ce sont plutôt les Comateens que Nicolas avait évoqués, et leur influence visuelle est en effet bien plus perceptible.

"Les Comateens nous avaient donné cette idée. On se mettait du rouge à lèvres nous-mêmes pour affiner un peu nos visages."
Nicolas Sirchis in Le Septennat, Marc Thirion, Carrère, 1988

"Quand Cure est arrivé en France, tout le monde a dit qu'ils avaient tout inventé, mais personne n'a rien inventé du tout. Moi je me maquillais parce que j'aimais bien David Bowie."

Nicolas Sirchis in Indochine de A à Z, Sébastien Bataille, Les Guides MusicBook, 2003
 
Voir : The Cure
"Genesis ils étaient maquillés hein, mais c'étaient des maquillages de théâtre, très théâtral, très mime machin... Lui c'était très, beaucoup plus, dans une sorte de violence sensuelle, forte... C'était rock quoi. C'était le glam avec T-Rex, etc."
 Nicolas Sirchis à propos de David Bowie, Clique, décembre 2018

En effet T-Rex, avec Marc Bolan, fut à l'origine de ce phénomène glam bien connu : les fans s'habillant et se coiffant comme leur idole. Bien sûr, cela fut aussi inévitable chez ceux du resplendissant David Bowie. Habitués des concerts d'Mk2, cela vous évoque t-il quelque chose ?

En revanche, Bowie a été depuis les années 60 dans "le théâtre d'avant-garde, le mime et la commedia dell'arte, et développe un intérêt pour son image et l'idée de personnages à présenter au public."


Le voici donc en grande démonstration de "mime machin", une pratique extrêmement respectable et qui demande beaucoup de travail. Une séquence du cultissime dernier concert des Spiders from Mars qui avait apparemment échappé à la mémoire de Nicolas. Pourtant, il s'en est souvenu plus tard chez Claire Chazal


Nicolas, qui avait parlé de Pina Bausch et Wuppertal en 2013 après Les Rêves Dansants (Anne Linsel, 2010) et Pina (Wim Wenders, 2011), devrait, nous semble t-il, se montrer plus sensible à l'expression artistique par le langage du corps.


La suite de l'interview avec Mouloud Achour est amusante : 
"Les Sparks étaient effectivement le dérivé de... de comment il s'appelle... de Bowie, avec l'album Kimono my house qui était extraordinaire."

Les Sparks ne sont absolument pas un dérivé de Bowie, quel rapport à part une certaine époque et un sens affirmé de la théâtralité ? Et Indochine, ce serait le dérivé de quoi ? Reste que Nicolas, comme avec Station, n'en a tiré une influence qu'à travers un mot, pour l'affligeant Kimono dans l'ambulance :
"J'adore moi l'album des Sparks qui s'appelait Kimono my house, et ça faisait très longtemps que je voulais faire [un titre] avec ce terme 'Kimono', et justement, avec le nom Indochine c'est un peu lourd à porter, Indochine, kimono, c'est un peu facile. Donc j'ai attendu, et là, kimono, ambulance, j'avais trouvé le truc."

Nicolas Sirchis, France Bleu, 2017

Un Nicolas aussi creux qu'incompréhensible, à propos d'un disque dont nous sommes prêts à parier l'existence du blog qu'il l'aime pour sa pochette. Malgré un visuel attrayant pour un fan d'Indochine, il sera difficile d'y déceler des points communs musicaux.

Sparks, Kimono my house, 1974

Voir : Art contemporain, avec l'exposition Kimono, au bonheur des dames début 2017.


Nicolas tenta en 2010 une explication à la Bowie pour le choix du maquillage :
"Par exemple, j'ai pris très tôt l'habitude de me maquiller, j'ai été influencé par le théâtre nô japonais."

Nicolas Sirchis, Rolling Stone, hors-série spécial Indochine, 2010

Une justification clownesque, évidemment jamais énoncée auparavant - ni même après - au delà d'un goût affirmé dans les années 80 pour l'orientalisme de bande dessinée. En revanche, l'influence du théâtre nô et kabuki sur David Bowie est largement connue.

David Bowie habillé par Kansai Yamamoto, 1973

De nos jours, les échanges à la radio sont de plus en plus souvent filmés. De quoi apprécier un échange entre Nicolas Sirchis et Bernard Montiel en 2020, virant au combat de coqs pour déterminer qui aura le mieux appris sa leçon. Malheureusement, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Reconnaissant "Rebel Rebel" à l'antenne, Nicolas estime qu'il s'agit-là du "meilleur gimmick du rock fran... du rock en général, pour moi, 'Rebel Rebel', Bowie."

Pourquoi pas

"Nicolas : Je me rappelle, la première fois que je l'ai entendue c'était à la radio euh... en Belgique, en 73, euh, c'était sur l'album euh...

- Montiel : Ça c'est Fashion. C'est l'album Fashion.
- Euh, non c'est pas l'album Fashion ça.
- Si si.
- Rebel Rebel ?
- Si si, ça date de 1982, tu paries.
- 82, non non, alors là je parie tout ce que tu veux, c'est 'Rebel Rebel', extrait d'un album qui doit... Je me rappelle plus si c'est avant Diamond Dogs ou... Mais non, Fashion c'est une compilation de Bowie hein. Mille-neuf-cent-quatre-vingt [?] donc voilà, là il avait son bandeau noir sur son œil, en combinaison rouge, et euh voilà...
- Il t'a bien inspiré aussi David Bowie, le côté rebelle tout ça.
- Inspiré nan, c'est le côté androgyne, c'est marrant...
- Ouais c'est ça c'était l'époque !
- C'est que les deux choses qui m'ont le plus marqué moi, c'était Patti Smith et David Bowie. J'ai jamais pu le voir quand j'étais adolescent, mais c'était quelqu'un d'extrêmement important pour moi."
David Bowie en 1974

Face à Bernard Montiel, même Nicolas ne paraît pas si inculte. Si nous avions déjà remarqué qu'il avait du mal à dater les albums, il ne se laisse ici pas totalement avoir par un animateur très mal informé : Fame & Fashion (et non "Fashion") est bien une compilation de Bowie, sortie en 1984 et non 1982. Mieux encore, "Rebel Rebel" ne fait pas partie du tracklisting !

Pourtant, même à propos d'un Diamond Dogs cité et recité comme un de ses disques cultes, Nicolas arrive à douter de la présence de "Rebel Rebel" sur l'album, sorti en 1974 et non 73.

Plus tard dans l'émission, les informations sont vérifiées pour départager nos deux lutteurs : "En 1974, sur Diamond Dogs !"

"Ah, t'avais raison alors.
- Voilà... AVEC DIAMOND DOGS […] Y'avait 'Diamond Dogs', y'avait euh, donc 'Rebel Rebel', y'avait un autre titre aussi.............. 'Sweet Thing' !
- 'Heroes' ? Non c'est plus tard non ?"

C'est à ce moment-là que Montiel achève d'excéder Nicolas, qui s'empresse de corriger :



Raté, c'est 77. Comme dit plus haut, et bien que la période berlinoise soit une trilogie, elle compte deux albums parus en 1977, Low et Heroes, ainsi que Lodger en 1979. Nous remarquons aussi que Nicolas lutte pour citer trois titres de son album de référence, Diamond Dogs, dont il aurait été un "fan incroyable" !

Ce qui nous interpelle encore davantage, c'est à quel point David Bowie est devenu un artiste institutionnalisé, dont nos protagonistes ne parlent qu'à travers des impressions et informations totalement vides : "c'était l'époque !" Il n'est question ici uniquement que d'un savoir scolaire et superficiel sur une figure lointaine, bêtement rabâché. Les dates citées à tort et à travers ne sont plus inscrites dans la temporalité : ce ne sont que des nombres accolés à des images, reliques d'un passé muséifié, duquel il est facile de se prétendre expert après un passage sur Wikipédia.


Détail amusant, c'est le Bowie de Heathen (2002) qui apparaît discrètement dans le panthéon de la pochette de La République des Météors en 2009, Nicolas n'ayant pas eu le droit d'utiliser la photo de Ziggy Stardust qu'il souhaitait à la base.



En 2019 et 2020, Jérôme Soligny, connu des fans d'Indochine pour "Like a monster", et reconnu par ailleurs comme musicien, journaliste et très grand spécialiste de David Bowie, sort deux impressionnants volumes de Rainbow Man. Il s'agit d'une encyclopédie chronologique de son œuvre, rendant au factuel son importance primordiale face aux nombreux malentendus et légendes, et dans laquelle de nombreux proches du chanteur et personnalités du monde artistique sont interviewés. On peut y lire entre autres les interventions, souvent passionnantes, de musiciens français comme Catherine Ringer ou Nicolas Godin.

Rainbow Man 1967-1980, Jérôme Soligny, Gallimard, 2019

Nicolas Sirchis en est absent.


Voir aussi sur le blog :

Placebo




 
 
Annexes :