1985 |
"Dans la musique, il y a deux personnages qui m'ont marqué, Bécaud et Sheller. Gilbert Bécaud d'abord pour tout ce qu'il dégage sur scène et William Sheller pour son sens aigu de la mélodie. Aujourd'hui encore, quand je les écoute ils me font craquer."
Nicolas Sirchis, Best, 1985
"Question d'un fan : Je me suis demandé, dans votre jeunesse c'était qui vos idoles ?
Alors pour ma part, c'est un peu ce qui était sur la carte blanche, c'est vraiment David Bowie et Patti Smith. [...] Ça m'a pas inspiré dans la musique, ça m'a donné envie de faire de la musique. Ce qui est quand même plus intéressant, parce que je me suis dit c'est vraiment ce qui m'intéresse, ces émotions-là m'intéressent beaucoup, enfin c'était ça qui me parlait."
Nicolas Sirchis, conférence à la FNAC de Lyon en 2008
Pendant une longue période de discrétion médiatique, le chanteur d'Indochine a procédé à une correction de son image. À ce jour, David Bowie est peut-être l'artiste que Nicolas a le plus cité, il est même devenu incontournable dans son paysage de références, au point de devenir pour les fans un point de repère, une référence indochinoise.
Voir : Influences et références
Comme tout le monde de sa génération, Nicolas connaît depuis les années 70, et le nom du chanteur londonien est présent dans tous les livres officiels. Nous entendons depuis fort longtemps des reprises : "Heroes" clôturait les concerts au début du Wax Tour en 1996, ainsi que ceux du Dancetaria Tour (1999-2000), reprise ressortie en 2016 après sa mort (un décalque de la version originale à l'intérêt limité). Voir également cette reprise de "Rebel Rebel" avec El Presidente chez Nagui en 2006, sans oublier celle de 1993 avec Marc Toesca.
Nicolas déguisé en Thin White Duke (2013) |
"Oui, ouiouioui, ça a été une hécatombe, principalement sur David Bowie, alors même si l’œuvre de Bowie est éternelle, et j'écoutais beaucoup moins, et j'écoutais même pratiquement pas ses albums, cette carrière, after-Outside, où là j'ai un peu décroché... La première fois que tu vois David Bowie t'es... qu'est... Enfin il se passe quelque chose où... voilà. J'ai été un fan incroyable de Diamond Dogs, Aladdin Sane, Peanuts (sic)... Tous les... euhh... Station to Station qui était sa période berlinoise."
Nicolas Sirchis, interview pour Oui FM, 2017
"Mon premier contact musical fut avec mes copains de St-Sulpice, Doctor Feelgood, Supertramp. [...] C'est donc à Paris que j'ai eu mes premiers contacts avec la musique, avant je m'intéressais surtout au cinéma. [...] Mais mon premier vrai 'enthousiasme' pour la musique, où ça m'a plu assez pour que je veuille acheter les disques, c'est avec David Bowie. J'avais un copain qui était spécialiste, inscrit au fan-club, et il m'y emmenait."Nicolas Sirchis in Indochine, Jean-Eric Perrin, 1986
Diamond Dogs, 1974 |
"Ah moi j'ai aimé, ah j... mais avant, avant Bowie et Patti Smith j'écoutais Supertramp, parce que c'était beaucoup plus connu en Belgique... Quand j'étais là-bas, et, et euh, les deux premiers albums, avec Dreamer et Crisis, What Crisis ? ouais... Après y'a eu Good Morning America ou quelque chose comme ça ouais. Énorme, énorme."
Nicolas Sirchis, RTL, juin 2014
Cette affabulation met un coup au récit selon lequel Nicolas aurait été un jeune fan de rock écoutant les radios libres en Belgique, parachuté en France au milieu d'un paysage saturé par la variété avec les trois François. Il serait par exemple amusant de lui rappeler que Claude François avait rempli Forest National, donnant lieu à l'album Sur Scène (1974). Nicolas s'est bel et bien mis à la musique à Paris, intégrant des artistes internationaux, dont Bowie, à un paysage très variété française qui ne lui posait alors aucun problème.
"Moi c'est Bowie qui m'a donné envie de faire de la musique et de préférer des groupes qui ont une aura sexuelle à d'autres."
Nicolas Sirchis, Tribu Move, 2000
Il est plausible que les apparitions de David Bowie avec Placebo à cette époque, groupe alors envié par Nicolas, ait réactivé son intérêt. Revenant aux bases, relisant ses souvenirs de jeunesse, et construisant ce personnage d'esthète rock aux frontières du cinéma et de la littérature, Nicolas réintègre le mot glam dans son champ lexical. Ce sera le fil rouge de la promotion de Dancetaria.
Voir : Placebo, 1999 - Dancetaria
"Il faudra donc attendre 1982 et son spectacle 'Fantasmhallyday', dont la mise en scène spectaculaire s'inspire autant du shock rock d'Alice Cooper que de Mad Max, pour entrevoir tardivement ce qu'aurait pu donner un glam réellement assimilé par la culture hexagonale."Eric Cartron-Eldin, Glam de France, Audimat n°16, 2021
En plus du maquillage et d'une inclinaison pour les concerts très scénographiés, l'influence de Bowie se manifeste plus concrètement encore avec un titre, ici "Station to Station" (1976), dont Nicolas piocha un mot signifiant, pour Station 13. Un morceau pendant lequel une photographie de David Bowie apparaissait sur les écrans - ainsi qu'un Lou Reed période Transformer (!) pourtant jamais cité.
"Station 13" sur le 13 Tour, 2018 |
"La référence est une déférence mêlée d'un soupçon de gloire par procuration."Simon Reynolds, Rétromania, Le Mot et le Reste, 2012
"Tous mes héros sont morts", certes, mais contrairement à une idée largement répandue dans notre société postmoderne, il ne suffit pas de se draper de l'image de ses héros pour en absorber le prestige. Le goût prononcé de David Bowie pour l'apparence, ainsi que sa propension connue à disséminer de petits mensonges en interview, afin de semer volontairement le trouble chez les auditeurs et journalistes, peut aussi avoir eu son petit effet sur Nicolas. S'il a indéniablement développé un penchant non-dissimulé pour la mise en scène de lui-même, influence possible des personnages bowiesques, une distanciation entre un Nicola Sirkis chimérique et la personne réelle n'a jamais été énoncée par ce dernier, qui ne s'est jamais montré très subtil en interview. Son inaptitude à expliquer ses choix, à discuter des mouvements culturels, et à s'éloigner d'un premier degré extrêmement ancré, nous éclaire sur l'absence manifeste de méta-commentaire via ses choix artistiques, et nous questionne sur leur pertinence au delà d'un simple alignement sur la mode.
"Il faut se remémorer quand Bowie est arrivé dans les années 1970 avec ses maquillages... Le nombre de gens comme moi qui se sont dit : 'Enfin, il se passe quelque chose, enfin ça me parle' [...] Je suis triste car ce type était quelqu'un qui sensiblement me touchait beaucoup. Je ne serais pas là si je n'avais pas écouté Bowie."Nicolas Sirchis, RTL, septembre 2017
"Ah oui alors, Bowie, c'est là où il y a un morceau incroyable, Ashes to ashes, Fashion... Mais ça c'était avant Let's Dance ? [...] Superbe album. C'est le dernier vraiment gros Bowie où.. où euh... enfin. Et puis surtout le premier clip de... Fort ! Avant même Thriller, Ashes to ashes c'était incroyable."
Nicolas Sirchis à propos de Scary Monsters, interview pour Hotmixradio, 2017
En revanche vous imaginez, vous, un fan d'Indochine de toujours, demander si Le Baiser c'est bien avant Wax ?
Le remaniement des souvenirs de Nicolas est allé tellement loin qu'un beau jour :
"Bah alors, je me rappelle plus le jour où la première fois où, je crois que c'était... Je suis arrivé, moi j'ai quitté la Belgique en 73, 74, donc je suis arrivé et effectivement le contraste entre les musiques qu'on écoutait à la radio et... en Belgique et en France c'était un contraste euh, assez violent... Et Bowie je crois que j'ai dû... à mon avis, je crois que c'est grâce à Yves Mourousi, euh... qui était fan de Bowie. Qui était quand même le présentateur... Je me trompe, parce qu'en fait je l'avais vu à Top of the Pops. On captait la BBC nous à l'époque en Belgique, parce que y'avait déjà le câble, et je l'ai vu à Top of the Pops, sur 'Starman'. Et euh, j'avais douze ans treize ans, et là ouaahh putain."Nicolas Sirchis, Clique, 2018
Stop.
D'ailleurs, il se démonte tout seul dans le livre de Rafaëlle Hirsch-Doran :
"Là, dans le VIe arrondissement, j'ai rencontré une autre jeunesse, parisienne, aisée, mais de gauche, très intellectuelle, pleine de musique. Il y avait dans ma classe un fan de Bowie, qui me l'a fait découvrir, ainsi que Warhol..."
Nicolas Sirchis in Indochine, Rafaëlle Hirsch-Doran, Seuil, 2021
Comme souvent, nous nous questionnons sur le niveau de conscience avec lequel Nicolas souffle ce mensonge : le fait-il sciemment, ou a t-il fini par croire sincèrement à ses fabulations ?
Avec une posture d'intellectuel à l'anglaise directement inspirée de ce qu'il avait vu chez David Bowie, et bien qu'hésitante, confuse et bourrée d'approximations, Nicolas arrive miraculeusement à passer pour un esthète et un érudit. Mais cela ne fonctionne qu'aux jeunes yeux d'un public novice et candide, ébloui par le namedropping et pour qui un certain charisme d'homme cultivé, bien fringué et bien coiffé, est largement suffisant. Il est possible d'y voir une influence discutable mais bien réelle du phénomène glam, avec son marketing, ses stars très visuelles et ses groupies, malgré la lecture forcément réductrice qu'elle impliquerait.
Forcément, les citations ne servant que d'emballage à une image à vendre, les musiciens évoqués par Nicolas pourront difficilement intéresser ses fans. Et c'est normal, puisqu'il n'est pas un passeur voulant partager ses goûts, mais un publicitaire de lui même, sans aucune trace de second degré. À la différence d'un Bowie absorbant les tendances et proposant sur album le résultat d'influences digérées, il est inutile et vain de chercher des points communs entre Indochine Mk2 et les références données en interview, qu'elles soient musicales, cinématographiques ou littéraires. Réfléchir aux motivations quant à ces références est en revanche bien plus intéressant, puisqu'il est souvent question de révélations accidentelles d'une superficialité et/ou incompréhension.
Indochine au Rose Bonbon, 1981 |
Au sujet du maquillage, plus tardif, ce sont plutôt les Comateens que
Nicolas avait évoqués, et leur influence visuelle est en effet bien plus perceptible.
"Les Comateens nous avaient donné cette idée. On se mettait du rouge à lèvres nous-mêmes pour affiner un peu nos visages."
Nicolas Sirchis in Le Septennat, Marc Thirion, Carrère, 1988
"Quand Cure est arrivé en France, tout le monde a dit qu'ils avaient tout inventé, mais personne n'a rien inventé du tout. Moi je me maquillais parce que j'aimais bien David Bowie."Nicolas Sirchis in Indochine de A à Z, Sébastien Bataille, Les Guides MusicBook, 2003
Voir : The Cure
"Genesis ils étaient maquillés hein, mais c'étaient des maquillages de théâtre, très théâtral, très mime machin... Lui c'était très, beaucoup plus, dans une sorte de violence sensuelle, forte... C'était rock quoi. C'était le glam avec T-Rex, etc."
Nicolas Sirchis à propos de David Bowie, Clique, décembre 2018
"Les Sparks étaient effectivement le dérivé de... de comment il s'appelle... de Bowie, avec l'album Kimono my house qui était extraordinaire."
Les Sparks ne sont absolument pas un dérivé de Bowie, quel rapport à part une certaine époque et un sens affirmé de la théâtralité ? Et Indochine, ce serait le dérivé de quoi ? Reste que Nicolas, comme avec Station, n'en a tiré une influence qu'à travers un mot, pour l'affligeant Kimono dans l'ambulance :
"J'adore moi l'album des Sparks qui s'appelait Kimono my house, et ça faisait très longtemps que je voulais faire [un titre] avec ce terme 'Kimono', et justement, avec le nom Indochine c'est un peu lourd à porter, Indochine, kimono, c'est un peu facile. Donc j'ai attendu, et là, kimono, ambulance, j'avais trouvé le truc."
Nicolas Sirchis, France Bleu, 2017
Nicolas tenta en 2010 une explication à la Bowie pour le choix du maquillage :
"Par exemple, j'ai pris très tôt l'habitude de me maquiller, j'ai été influencé par le théâtre nô japonais."
Nicolas Sirchis, Rolling Stone, hors-série spécial Indochine, 2010
Une justification clownesque, évidemment jamais énoncée auparavant - ni même après - au delà d'un goût affirmé dans les années 80 pour l'orientalisme de bande dessinée. En revanche, l'influence du théâtre nô et kabuki sur David Bowie est largement connue.
David Bowie habillé par Kansai Yamamoto, 1973 |
Pourquoi pas.
"Nicolas : Je me rappelle, la première fois que je l'ai entendue c'était à la radio euh... en Belgique, en 73, euh, c'était sur l'album euh...
- Montiel : Ça c'est Fashion. C'est l'album Fashion.- Euh, non c'est pas l'album Fashion ça.- Si si.- Rebel Rebel ?- Si si, ça date de 1982, tu paries.- 82, non non, alors là je parie tout ce que tu veux, c'est 'Rebel Rebel', extrait d'un album qui doit... Je me rappelle plus si c'est avant Diamond Dogs ou... Mais non, Fashion c'est une compilation de Bowie hein. Mille-neuf-cent-quatre-vingt [?] donc voilà, là il avait son bandeau noir sur son œil, en combinaison rouge, et euh voilà...- Il t'a bien inspiré aussi David Bowie, le côté rebelle tout ça.- Inspiré nan, c'est le côté androgyne, c'est marrant...- Ouais c'est ça c'était l'époque !- C'est que les deux choses qui m'ont le plus marqué moi, c'était Patti Smith et David Bowie. J'ai jamais pu le voir quand j'étais adolescent, mais c'était quelqu'un d'extrêmement important pour moi."
Pourtant,
même à propos d'un Diamond Dogs
cité et recité comme un de ses disques cultes, Nicolas arrive à douter de la présence de "Rebel Rebel" sur l'album, sorti en 1974 et non 73.
Plus tard dans l'émission, les informations sont vérifiées pour départager nos deux lutteurs : "En 1974, sur Diamond Dogs !"
"Ah, t'avais raison alors.- Voilà... AVEC DIAMOND DOGS […] Y'avait 'Diamond Dogs', y'avait euh, donc 'Rebel Rebel', y'avait un autre titre aussi.............. 'Sweet Thing' !- 'Heroes' ? Non c'est plus tard non ?"
Rainbow Man 1967-1980, Jérôme Soligny, Gallimard, 2019 |
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