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Placebo

Retour sur un énième malentendu beaucoup trop ancré.

La volonté d'association avec Placebo fut récurrente voire inévitable en interview à partir de 1999. Nicolas procédait comme il l'avait fait en 1996 avec Suede, Blur et Oasis : en livrant des analyses très personnelles sur le public de ses rêves, révélant au grand jour de grossières stratégies de communication. Nicolas s'engouffra dans cette nouvelle brèche avec un aplomb et une outrecuidance d'une rare intensité. Il fallait coûte que coûte que l'association rentre dans la tête des gens :

"On se sent plus proche de groupes anglo-saxons comme Placebo. Beaucoup de nos fans sont d'ailleurs aussi des fans de Placebo. On est musicalement un peu isolés dans le paysage francophone."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 1999


"Indo garde cette image forte en France de groupe des 80's, mais dans le reste de l'Europe on nous classe dans le même créneau que des groupes comme Placebo."

Nicolas Sirchis, XL, 1999

 

"J'ai vu quelques annonces l'autre jour : 'Guitariste cherche groupe. Influences Depeche Mode, Placebo, Garbage, Indochine'. Ça m'a touché, c'est la première fois que je voyais ça."

Nicolas Sirchis, Rocksound, juillet 1999

"Qu'aimes-tu dans la musique de Placebo, et voudrais-tu collaborer avec eux ?
Oui... Sauf que je suis moins important que David Bowie. ! (Rires) Brian Molko aime bien Indochine et il nous connaît parce qu'il a habité au Luxembourg. J'aime leur musique parce qu'ils prouvent que même si c'est à la mode de dire que le rock est mort, ils peuvent innover quoi qu'il arrive. Sur scène, ils sont d'une perversité à la fois guignole et très forte. Ils sont visuellement très intéressants, avec cette ambiguïté qui m'attire. C'est sûr qu'entre Elvis Costello et Placebo, je choisis Placebo ! (Rires) Pour moi, le rock doit être sensuel. On jouera peut-être ensemble dans des festivals..."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 2000
 
Il évoque ici le duo de Placebo et David Bowie sur "Without you I'm nothing".

Voir : David Bowie


Nicolas martelait tellement son désir d'affiliation avec Placebo qu'il finit par obtenir un concert en commun en 2000 aux arènes de Nîmes, et même une interview avec Brian Molko ! Le concert n'était pas complet, et les fans d'Indochine minoritaires mais bruyants. Les articles de l'époque mettaient forcément l'accent sur le caractère très incongru de cette association :
"En l'occurence, c'est Indochine (Nicola Sirkis est grand fan de Placebo) qui avait été choisi pour ouvrir le concert. Si pareille affiche, la foule n'a pas vraiment été au rendez-vous (dure concurrence du derby footeux Nîmes/Montpellier le même soir...) et que l'arène semblait loin d'être pleine, le public qui se préparait à réserver un accueil sans précédent au trio de 'Black Market Music', a commencé par faire un joli triomphe au groupe français en première partie, et pour qui la partie n'était a priori pas gagnée d'avance."

Thomas Vendenberghe, Rock Sound, octobre 2000
"21h30. Indochine joue et fait chanter les premiers rangs. Bonne surprise, le public semble également venu pour eux. Nicola Sirkis, en bon caméléon, est habillé en parfait sosie de Molko."

Basile Farkas, Rock & Folk, juin 2000

Voilà ce qu'on appelle faire les yeux doux à un nouveau public.

Nicolas Sirchis & Brian Molko à Nîmes en 2000
À force de le répéter, Nicolas finit forcément par provoquer cette hybridation tant désirée, entre des publics pourtant très différents et qui n'avaient qu'assez peu à partager. Les nouveaux fans d'Indochine, qui n'avaient pas pu échapper à la mode, virent alors en Placebo des sortes de cousins, et surtout un soutien crédible de la part d'artistes non-variété. L'intérêt fut en revanche - très logiquement - moins visible du côté de ceux qui avaient aimé les premiers albums de Placebo, n'ayant évidemment rien à voir avec quelconque production indochinoise quelle que soit l'époque.

Voir : 1999 - Dancetaria


Imaginez-vous de telles phrases dans la bouche d'un autre artiste ?
"Oui on se connaît bien, on parle de maquillage."

Nicolas Sirchis à propos de Brian Molko, 2000

"Nous, depuis dix ans, on n'est nulle part, on n'a pas de marketing, beaucoup ont l'impression de découvrir ce groupe : un peu marginaux, ne faisant pas l'unanimité, parce qu'il y a une sincérité dans ce qu'on a fait et dans ce que les gens ont capté. Si j'avais 15 ans aujourd'hui, j'écouterais Indochine, Placebo et les Smashing Pumpkins".

Nicolas Sirchis, l'Alsace, janvier 2001

"Notre public est celui de Placebo et Radiohead !
Nicolas Sirchis, Tribu Move, janvier 2001 

 
Interview après interview, Nicolas n'en démordait pas.

"Depuis dix ans, nous ne sommes plus programmés en radio, les médias nous considérant peut-être comme finis. Mais notre public peut aimer autant Placebo qu'Indochine."

Nicolas Sirchis, France Soir, janvier 2001


"Or nous on s'était aperçu au contraire il y a déjà quatre ou cinq ans qu'il y avait un tout nouveau public, pour Indo, qui n'était pas là par nostalgie mais parce qu'il associe le groupe à Placebo ou aux Smashing Pumpkins."

Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001

 

"Mais cette fascination pour l'ambivalence demeure. Tes costumes de scène en sont un exemple. Ton attirance pour l'univers de Brian Molko en est un autre...
- Oui, c'est vrai, grâce à lui d'ailleurs, je peux me remaquiller sur scène (sourire) !"

Nicolas Sirchis interviewé par Yves Bongarçon, Rocksound, février 2001

 

"Hier vous étiez les Cure à la française, aujourd'hui le Placebo francophone. Que pensent ces groupes anglais d'Indochine?
- Brian, je l'ai vu plusieurs fois. Ayant vécu au Luxembourg, il connaît bien L'Aventurier. Il a revu le groupe récemment. Quand je vois comment il est dans les loges et ce qu'il prend, c'est sûr qu'il est beaucoup plus rock que moi. Placebo est plus noisy, plus Sonic Youth qu'Indochine mais je sais qu'il nous aime bien. On a fait un concert ensemble et il se sentait mal à l'aise de jouer après nous. Ce qu'on fait ne le touche pas directement mais il est très respectueux de notre parcours et de notre public. Il se rend compte que beaucoup de nos fans aiment aussi Placebo. Il ne peut pas en dire du mal. C'est un malin, Brian.

Nicolas Sirchis, Télémoustique, janvier 2001

Si Brian Molko est en effet un personnage malin, Nicolas lui est rusé, fourbe voire insidieux. Et puis l'année suivante, il montra qu'il était possible d'aller encore plus loin :
"Le fait que Placebo connaisse un succès phénoménal et que son public suive Indochine, m'a réconcilié avec le rock. Tout le monde a en mémoire notre affiche commune aux arènes de Nîmes en août dernier. J'ai alors découvert que Brian Molko était fan d'Indochine quand il n'était encore qu'un jeune étudiant au Luxembourg. La longue tournée Dancetaria Tour nous a permis de rencontrer notre public : il est de plus en plus jeune, il écoute aussi bien Smashing Pumpkins, Nine Inch Nails, Marilyn Manson qu'Indochine. Ayant les mêmes affinités avec notre nouveau public, notre son a évolué normalement."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 2002

Non. Seule une partie du public de Placebo, la plus jeune, simplement le nouveau public rock de cette époque, suivait également ce nouvel Indochine matraqué en TV et radio. Quant à cette évocation lunaire d'un jeune Molko fan d'Indochine, elle est volontairement exagérée. Le francophone Brian Molko connaissait évidemment Indochine, mais n'a jamais évoqué autre chose qu'un souvenir agréable de "L'Aventurier" à la radio luxembourgeoise.
"J'ai l'impression que la France a toujours été plus branchée par la variété. Je me souviens d'avoir vu s'enchaîner le clip de 'L'Aventurier' d'Indochine - que justement, je ne compare pas du tout à la variété - avec un clip de Dalida ou de C. Jérôme. Ça fait une dichotomie un peu bizarre.
Je vois que tu es familier de la grande famille de la variété française !
- J'ai grandi au Luxembourg et j'ai beaucoup regardé la télé française. J'ai été confronté de près à la culture Michel Drucker ou Jacques Martin."

Brian Molko, interview croisée avec Nicolas Sirchis, Rocksound, août 2000


 
L'épisode des Arènes de Nîmes permet de comprendre les motivations de Nicolas, mais il fut à l'époque aussi dissonant que secondaire. La biographie officielle raconte encore aujourd'hui ce concert commun comme un highlight, et matraque infatigablement une filiation profonde entre les deux groupes. Aujourd'hui encore peut-on lire sur le site :
"Autre point d'orgue de cette tournée, le 12 août, un concert Indochine / Placebo est organisé aux Arènes de Nîmes. Une façon pour les deux groupes, qui s'apprécient mutuellement, de se rapprocher encore un peu plus."

Indo.fr

L'hagiographique Insolence Rock y va même à fond dans une sociologie de Hard Rock Café :
"Le public drainé ce soir-là par les deux formations est sensiblement le même, la génération des quinze-vingt ans (khôl et noir aux lèvres pour les filles), fatiguée des modes éphémères imposées par l'industrie du disque, et redécouvrant pêle-mêle les Cure, les Smiths ou Bowie dans la discothèque du frère ou de la sœur aînée... [...] Au delà de la différence d'âge, les deux musiciens cultivent à la fois le même respect pour le passé et le goût de l'innovation sonore... Mais Molko vit en Angleterre et Nicola en France... Pas évident, dans ces conditions, de mettre en parallèle le succès et l'exposition médiatique de ces deux groupes."  

Sébastien Michaud, Insolence Rock, Camion Blanc, 2004

Nicolas, très en confiance dans ce logiciel "Placebo", s'afficha dès le début du Paradize Tour en 2002, avec une Fender Jaguar flambant neuve. Exactement la même guitare que Brian Molko, et qui faisait partie de l'image scénique de Placebo. Il enchaîna même au cours de la tournée avec une Gibson SG, dans la même couleur que Molko également.

Voir : 2002 - Paradize

Elysée-Montmartre, 2002

Il n'est pas exagéré de dire que Nicolas s'était déguisé.


Ce choix avait bien sûr pour but d'installer une ressemblance entre les deux groupes, et nous devons observer que cela a très bien fonctionné. Visuellement, l'illusion était redoutable. Mais Molko sortait de sa guitare un son et un jeu tout à fait singuliers, alors que Nicolas était toujours - et resta - débutant et franchement mauvais. Si le public indochinois a volontiers écouté, nous nous permettons de douter qu'il ait franchement entendu grand chose.


Voir : Nicolas et la guitare


Mais à l'époque de l'Elysée-Montmartre, il allait falloir - très logiquement - encore un peu de temps au public d'Indochine pour intégrer cette nouvelle figure à leur représentation de l'univers d'Indochine. Brian Molko fut invité à la première date du Paradize Tour pour un DJ Set, mais la salle se vida aux trois quarts avant son arrivée. Un épisode gênant, soigneusement évité par les versions officielles qui préfèrent souligner encore et toujours que le chanteur de Placebo était là.

Sur un malentendu.


Comme Molko également, Nicolas alternait, au cours de la tournée, les tenues noires et blanches...





...allant même jusqu'à tenter la robe courte.


Nicolas allait vraiment très très loin dans l'imitation :

Brian Molko en 1999 / Nicolas Sirchis en 2002

"Tu disais, 'je suis moins important que David Bowie'. Alors, y aura t-il un projet en commun, un duo ?
- Honnêtement je ne sais pas. Moi c'est Bowie qui m'a donné envie de faire de la musique, et de préférer des groupes qui ont une aura sexuelle à d'autres. Brian Molko m'a donné envie de me remaquiller sur scène, chose que j'ai faite de 1981 à 1990. Ce côté sensuel me manquait. C'est vrai que Placebo a un côté beaucoup plus rock que nous, c'est ça qui justement m'intéresse ! J'aimerais qu'on reprenne 'Amoureuse' de Véronique Sanson. Je pense que ce sera un duo intime, dans le sens où on se connaît assez bien pour le faire."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, janvier 2001

 

"Nos routes sont parallèles, mais je pense qu'il ne faut pas qu'elles se croisent tout le temps... Tout le monde attend que nous fassions un duo, c'est trop évident ou alors sur "Amoureuse" de Véronique Sanson : "Une nuit, je m'endors avec lui...". La dernière fois qu'il est venu à Paris, nous avons passé la journée et la nuit ensemble ! Je vous vois venir, en tout bien, tout honneur bien sûr !"

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 2002

 

"Brian m'a téléphoné juste avant qu'il n'entre en studio et il m'a dit que ça les intéresserait de faire un remix pour Le Grand Secret, je lui ai envoyé mais je ne sais pas où ils en sont !"

Nicolas Sirchis, Rock Mag, novembre 2002

Nous attendons toujours ce remix.

En 2005, le désir de Nicolas et de nombreux indofans de l'époque se réalisa enfin : Brian Molko chante sur un album d'Indochine !


Thought donc, qui termine quand-même en sought sur la version anglophone.


"Pink Water" fut jouée sur l'intégralité de l'Alice & June Tour, mais la voix de Molko était remplacée par une ligne de basse six cordes, mixée en avant. Les fans attendaient le duo sur scène, mais ce fantasme ne se produisit jamais : ils durent se contenter de chanter eux-mêmes. Le morceau sortit un peu plus tard en single chanté par Nicolas seul, et l'affaire mourut à petit feu avec le temps.
"Pourquoi ne pas avoir travaillé ensemble auparavant ?
- Parce qu'on n'arrêtait pas de nous bassiner avec ça, et qu'il fallait que l'envie vienne de nous."

Nicolas Sirchis, Instantmag2 spécial Indochine, octobre 2006

Cette sortie est incroyable au regard des précédentes, notamment celles d'avril 2000 et janvier 2001 où il disait vouloir collaborer avec Brian Molko et avait même sa petite idée de reprise. Ici, Nicolas prétend qu'il n'a fait qu'accéder à la demande, alors qu'il avait créé cette affiliation de toutes pièces, et infatigablement matraqué le nom de Placebo pendant au moins six ans. Un moyen récurrent de se dédouaner, en projetant ses propres spéculations et calculs sur le public et les médias, et même confier un certain agacement. Décidément, personne ne comprend rien à Indochine !

Mais de la même manière qu'un "Tomboy" ou un "Gloria", "Pink Water" n'avait clairement pas été écrit comme un duo, puisque seul un couplet était dédié au chanteur invité. Il faut plutôt y voir un clin d’œil, comme un caméo. Une façon d'expliquer pourquoi "Pink Water" chanté par Nicolas seul est bien plus cohérent, à l'image de cette version apparue fin 2010, plausiblement pensée comme un enterrement définitif de la version album avec Brian Molko.

Voir : 2005 - Alice et June
 

Malheureusement, depuis le milieu des années 2000, Placebo a peu a peu perdu en crédibilité artistique. Passé le court épisode de "Pink Water", Nicolas n'en parla plus en interview. Toutefois, il n'en avait pas complètement fini, puisqu'une référence furtive apparut dans le clip de "Un ange à ma table", qu'il réalise lui-même :

Suzanne Combeaud et Nicolas Sirchis dans "Un ange à ma table", 2010

Placebo, Without you I'm nothing, 1998
"Dans le clip de 'Un ange à ma table', on voit Suzanne et moi de profil, dans les couleurs d'une pochette de Placebo."

Nicolas Sirchis in Indochine, le livre, Jean-Éric Perrin, 2011

Il osa en 2011 dans Kissing my songs une ultime comparaison :
"Je retrouvais en eux quelque chose de l'Indochine des débuts, et du coup, avec Brian on s'est pas mal rapproché. [...] Il y avait un truc qui se passait, je le voyais comme un petit Nicola."

Nicolas Sirchis in Kissing my songs, Agnès Michaux, Flammarion, 2011

C'est de la folie de dire un truc pareil, de faire preuve d'un tel narcissisme, d'une telle malhonnêteté et d'un tel manque de respect. Quel est ce "quelque chose" que Nicolas voyait, la présence d'une guitare rouge sur des vêtements noirs ? Les mèches de cheveux ? Du maquillage ? Un côté irrévérencieux ?

Nous pouvons lire cette extravagance comme un aveu grossier, selon lequel Placebo n'a jamais été vu autrement que comme un moyen pour éclairer Indochine de sa lumière, et que Nicolas s'aimait lui-même à travers l'intérêt qu'il portait au très respecté chanteur de Placebo.


Son coup de cœur pour le groupe londonien nous éclaire ainsi superbement sur son fonctionnement en matière de goûts musicaux.
"Pour moi, Noir Désir, c'est tout sauf sexuel ! À part la gueule du chanteur qui est intéressante... Enfin je veux dire, il est mignon."

Nicolas Sirchis, Rocksound, juillet 1999

 

"Pour moi, la pop, c'est quelque chose qui fait danser les gens, il faut qu'il y ait de l'énergie, du sexe. Noir Désir c'est tout sauf ça, car Noir Désir, c'est très sérieux. Bertrand Cantat ne se maquille pas. Et c'est vrai qu'on nous a représenté comme ça. Sur scène, maintenant, j'apparais en robe noire et ça produit un effet très fort sur les gens. Moi, j'aime ce côté pervers, ambigu que l'on peut, par exemple, retrouver chez Placebo."

Nicolas Sirchis, Rocksound, janvier 2000

 

"Il y a quatre ans, quand j'ai vu "Nancy Boy" de Placebo sur MTV, je me suis dit : 'Enfin !'.
Un vrai déclic de fan...
Absolument, qui a eu lieu sur le côté un peu arty du clip de 'Nancy Boy'".

Interview croisée de Molko & Sirchis dans Rocksound, 2000


Donc dans les faits, il a juste flashé sur le clip et les looks. Il n'y a dès lors pas à s'étonner de ne pas entendre d'influence musicale au delà d'une certaine distorsion. Plausiblement ce côté "pervers", mot qu'il employait alors assez souvent, alternativement à propos d'un son, ou d'une certaine attitude. Il n'y a pas non plus à s'étonner du fait que Nicolas ne connaisse pas les paroles de Placebo, sauf éventuellement lorsque le titre du morceau est prononcé.


Exception faite pour "Mars Landing Party" où là, oui, Nicolas connaît les paroles et ça lui parle. Même si comme à son habitude, il se trompe.
"Moi j'voulais chanter, embrasse-moi mets-moi un doigt dans ton cul... (sic)"

Nicolas Sirchis, MCM, 2004


"Moi c'est Bowie qui m'a donné envie de faire de la musique et de préférer des groupes qui ont une aura sexuelle à d'autres."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, 2000

 

"La première fois que j'ai vu un clip de Placebo, je me suis dit qu'enfin le rock anglais recommençait à être intéressant, dans ce côté un peu bowiesque, un peu sensuel..."

Nicolas Sirchis, Rock Mag, novembre 2002

Donc : Nicolas aimait Suede depuis plusieurs années, mais c'est avec un clip de Placebo qu'il estima que le rock anglais était redevenu bowiesque et sensuel. Les connaisseurs de Suede apprécieront l'analyse clownesque du chanteur d'Indochine.


Depuis longtemps, et surtout dans la rubrique hebdomadaire "La playlist d'Indochine" sur les réseaux sociaux, les goûts de Nicolas sont assez clairs : une attitude rock et provocatrice, de l'androgynie, du maquillage et si possible de jeunes filles. Comme si cette musique n'était qu'un moyen d'encanaillement, pour ce Nicolas petit-bourgeois qui ne s'est jamais montré mélomane.

Et en 2020, forcément, inévitablement, il flashe sur Yungblud.
"Placebo c'étaient les mêmes recettes que David Bowie au tout début, et puis après Marilyn Manson, et puis là Yungblud c'est les mêmes recettes. Maquillage, outrance, machin..." 
Nicolas Sirchis, Konbini, décembre 2020

Les mêmes recettes, trahissant une remise au second plan de l'aspect musical - rien que ça - doublée d'une ignorance voire d'un rejet des contextes culturels et langages très différents caractérisant les artistes cités. Nous vous renvoyons au reste du blog en ce qui concerne les recettes utilisées par notre héros.


En 2021, Nicolas s'engouffre dans un tunnel sur le plateau de Yann Barthès :
"Y.B. : Nicolas pourquoi vous avez jamais fait d'album en anglais ?
- N.S. : Bah parce que je parle anglais comme un français quoi. Si si. Nan mais on travaille en Angleterre. En Angleterre c'est incroyable parce que... Elle [Chris, ndlr] passe tout le temps. Euhhh, avant, pendant, après, enfin j'ai toujours entendu. Mais euh, non, parce que, en fait, moi j'aimais bien les versions originales...
- Y.B. : Parce que vous avez été vachement inspirés par l'Angleterre justement.
- N.S. : Oui, ouiouioui absolument, mais euh... On a des limites, euh, dans l'accent anglais, et donc euh, à un moment donné il aurait mieux valu rester chez nous... Mais non, en fait, les morceaux qu'on reprend comme ça, on aime bien, mais, euh. Comment dire. Euh, c'était plus euh... En fait, le rock c'est beaucoup plus compliqué, euh... Dans, dans, dans sa musique à elle c'est les nouvelles générations, c'est 3.0, ça va beaucoup plus vite, euh...
- Y.B. : Y'a du rock français, du rock britannique, c'est pas le même...
- N.S. : Ouais. Mais par contre on est respecté. Vachement. Euh, les Anglais ils nous respectent vachement euh, parce que la carrière, parce que et caetera, et puis y'a eu les Placebo qui sont venus, enfin y'a plein de choses qui sont venues euh, vers nous, parce que ouah, qu'est-ce que c'est que ce groupe là, comment ça marche..."

Dans les faits : Les Placebo ne sont pas venus, Nicolas est allé lui-même chercher leur chanteur pour s'en faire un ami. Comme au lycée, ça faisait bien de se montrer avec le gars le plus populaire dans la cour de récré.



Il est toujours fascinant d'écouter un musicien parler de ses influences, goûts et histoire personnelle en parallèle avec la musique. En revanche, il n'existe pas à notre connaissance d'autre exemple d'un chanteur dépensant autant d'énergie à parler des autres groupes à la mode pour essayer de s'y faire associer. Les interviews et citations sont claires : Nicolas n'a jamais su parler de Placebo et de ce que musique et paroles pouvaient représenter pour lui au delà d'un intérêt pour un aspect provocateur et un coup marketing.

Le lien entre les deux groupes ne semble basé que sur un certain goût pour la transgression, l'androgynie et les vêtements noirs. Une pareille affiliation ne semble possible qu'au pays de Johnny, où le rock est avant tout pensé comme un look et une attitude. Mais Placebo mérite bien mieux que cela.

Aujourd'hui encore, il est naturel pour une grande partie du public arrivé au début des années 2000, plausiblement très influencé par une campagne marketing redoutable, de mettre les deux groupes dans le même panier. Et aujourd'hui encore, nous ne comprenons pas pourquoi, puisque cette illusion permise par un mauvais tour de magie disparaît en appuyant sur "Play".


Voir aussi sur le blog :

1999 - Dancetaria

2002 - Paradize

2005 - Alice et June
 
 






Nicolas et la guitare

La maison vous propose aujourd'hui une chronologie de Nicolas à la guitare. Nous essaierons ici de ne pas rentrer dans un vocabulaire trop technique afin de ne pas exclure ceux qui n'auraient pas ces codes. Il reste malheureusement vrai que ceux ayant quelques notions en guitare et en musique se verront avantagés quant à la compréhension du problème.


"Vous étiez magasinier ? - Moi je mettais les cartons, et puis j'envoyais ça, pendant deux mois, pour me payer une guitare. Et j'ai été aussi employé aux écritures à l'EDF."

Nicolas Sirchis interviewé par Nikos Aliagas, Europe 1, 2017

L'histoire est satisfaisante à entendre : elle correspond au mythe rock du mec qui sue sang et eau pour se payer son instrument. C'est pourtant un grossier mensonge.
"Ensuite j'ai travaillé trois mois à l'EDF, pour me payer une école privée encore plus chère, l'école Port-Royal, pour passer mon bac."

Nicolas Sirchis in Indochine, Jean-Eric Perrin, Calmann-Lévy, 1986

Ce passage à l'EDF, pour se payer Port-Royal, est aussi relaté dans Le Septennat, sans jamais mentionner quelconque guitare.  Que ce soit clair : Nicolas n'a pas joué de guitare pendant les années 80, il était plutôt au synthétiseur. Starmustang nous apprend qu'il en a reçu une en 1973, en même temps que Stéphane. Ce dernier en a beaucoup joué à cette époque, apprenant et expérimentant en compagnie de leur grand frère Christophe. C'est ce dernier qui aura récupéré la guitare de Nicolas, vite abandonnée.


Nicolas achète sa première guitare, ou plutôt la fait acheter vers 1990, une Gibson ES-335.
"À cette boulimie de lecture, vient également s'ajouter un intérêt croissant pour la guitare, instrument jusqu'alors strictement réservé à Dominique et Stéphane.

Nicola Sirkis : 'À l'époque, je suis tombé amoureux d'une actrice qui était aux États-Unis. Quand elle s'est retrouvée à Nashville, je lui ai dit : achète moi une Gibson ! J'aurais très bien pu en acheter une moi-même avec l'argent que j'avais, mais je savais que c'était moins cher là-bas ! Elle me l'a ramenée, je me suis acheté des partitions, et pendant trois ans j'ai appris à en jouer tout seul.'"

Nicolas Sirchis in Insolence Rock, Sébastien Michaud, Camion Blanc, 2004

Le choix du vocabulaire est toujours très judicieux, dans cette hagiographie supervisée par Nicolas. Expliquer que la guitare était un instrument strictement réservé à Dominique et Stéphane suggère une idée selon laquelle Nicolas se serait émancipé des deux guitaristes qui le brimaient, et aurait alors pris son envol musical. La réalité est beaucoup plus simple : Dominique et Stéphane savaient jouer, pas Nicolas.

La Gibson ES-335 est une guitare luxueuse, bien plus que les fameuses et plus abordables Fender Mustang, destinées aux étudiants et ayant beaucoup fait pour le son d'Indochine avec Dominique et Stéphane. Ce choix par Nicolas d'une guitare plus typée blues/rock participe de sa volonté de changer le son d'Indochine, et aussi changer son image à lui.


1992 est donc la première année où Nicolas se pointe avec une guitare, et il avait une connaissance suffisante des accords basiques pour faire le taf. On voit aussi la Gibson dans le clip d'Alice dans la lune, mais cette fois avec un Nicolas mimant des accords imaginaires. Un comportement étrange, pour quelqu'un qui prétendait avoir appris à jouer en autodidacte pendant trois ans. Doit-on y voir un effet Dunning-Kruger ou le premier aveu que l'instrument n'est pour lui qu'un accessoire de mode, un vêtement parmi tant d'autres ?

Voir : 1992 - Dans la lune

"On débute l'écriture des chansons, Dominique vient chez moi, on fait "Savoure le rouge", "Sur les toits du monde"... Entre-temps je m'étais mis à la guitare, pas jusqu'à rivaliser avec lui bien sûr, mais j'avais une guitare entre les mains, je faisais deux ou trois riffs... J'étais dans la simplicité et l'efficacité, et lui dans l'exact opposé, il voulait compliquer les choses au maximum, pour 'élever l'art mineur'. Donc ça a donné des résultats assez bien.
Nicolas Sirchis, in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011

Ici, Nicolas tacle Dominique en le faisant passer pour un compositeur outrancier, et se donne le rôle du punk privilégiant l'efficacité à la complexité. C'est aussi une manière de surligner une implication dans la musique, le tout dans un cadre évidemment officiel. C'est pourtant un mensonge : Nicolas faisait peut-être "deux ou trois riffs" avec "une guitare entre les mains", mais comme en témoignent les crédits, Dominique est bien le seul compositeur de l'album, qui n'a rien d'alambiqué ou d'excessif.
"À cette époque, je commence à vraiment toucher à la guitare et à m'apercevoir que je peux en sortir des choses. J'ai pris des cours et je me suis mis à jouer plus." 
Nicolas Sirchis à propos de Wax in Kissing my songs, Agnès Michaux, Flammarion, 2011 

Et c'est vrai, il avait emmagasiné un petit savoir-faire sur l'instrument, et plaçait même des accords au dessus du niveau d'un débutant. Malheureusement, par flemme, désintérêt ou présomption, ces acquis fragiles ne tinrent pas sur la durée.


Sur le trop fameux Indo Live, Nicolas tient une acoustique douze cordes sur trois titres. On peut dire qu'il fait le job, malgré quelques approximations et arythmies très audibles. Mettons ici les pieds ans le plat, et disons clairement que deux guitares suffisaient. Nicolas n'aurait aucunement eu besoin d'un instrument si Stéphane avait eu du son sur le sien. L'illusion commence à naître, selon laquelle ce serait Nicolas et seulement lui qui porterait la musique d'Indochine. Nous voyons sur des morceaux comme "Drugstar" ou "Révolution" (ses premières compositions pour Indochine) que le montage n'est pas avare de plans sur sa guitare. Les morceaux composés par lui sont en effet traités de façon particulièrement valorisante, ce qui est depuis devenu une constante.


En d'autres termes, sur Indo Live, Nicolas utilise à son avantage ce qui est fait pour décrédibiliser Stéphane, qui ne compte que très peu de plans sur lui et dont la guitare est délibérément absente. On voit largement plus Xavier Géronimi, ici simple musicien de scène.

Voir : 1997 - Indo Live titre par titre


Les Divisions de la Joie comporte beaucoup de points communs avec Indo Live. Le niveau de la guitare acoustique de Nicolas y est très faible, tandis que celui de sa nouvelle ES-335 rouge est inexistant
 
Nous vîmes aussi arriver à cette époque une belle Gretsch figurante, sur laquelle Nicolas faisait de grands moulinets, à la manière de Brian Molko. Ce sont pourtant les membres de The Cure qui semblent avoir influencé ce choix, Nicolas les ayant vus plusieurs fois à cette époque et estimé qu'ils avaient de belles guitares.

Voir : The Cure

"Manifesto", 2000

Quant à lui, le clip de "Stef II" réalise un petit tour de passe-passe : il offre une jolie succession de plans sur la guitare de Nicolas, pour créer l'illusion que c'est lui qui joue le gimmick, alors que c'est la guitare solo qu'on entend... La pirouette fut même réutilisée dans le film Les Divisions de la Joie ! Pourtant, une seule guitare suffit amplement pour jouer ce titre, Nicolas ne se sert de la sienne que pour le style.

L'année suivante, le passage d'Indochine au Hit Machine constitue un vrai instant gold. Boris Jardel ayant des obligations ailleurs, Nicolas dut remplir seul le rôle de guitariste pour ce playback. Nous voyons sur la vidéo que comme il a oublié son capodastre, il joue les accords qu'il connaît mais dans la mauvaise tonalité ! Sur la fin de ce morceau très influencé par Oasis, il mime le solo en faisant strictement n'importe quoi.


Voir : 1999 - Dancetaria


En 2002, une Fender Jaguar atterrit dans les mains de Nicolas, une pirouette pour ressembler visuellement au groupe Placebo sans les points communs musicaux, mais avec les autocollants. Et comme ça ne suffisait pas, l'autre guitare de Brian Molko, une Gibson SG rouge, rejoint peu après son arsenal.

Voir : Placebo


Sa guitare ne servait toujours à rien. Aujourd'hui encore, il n'en joue que sur les morceaux rythmiquement assez droits pour qu'il s'en sorte avec le chant. Il était par exemple impensable que le trop syncopé "Marilyn" ou encore "Adora" permette à Nicolas de chanter avec une guitare. De même, les partitions sont toujours recalibrées pour son niveau stagnant : des accords simples en haut du manche, parfois avec un capodastre pour simplifier davantage. Enchaîner des accords barrés, soit la première résistance que rencontrent en général les débutants, restera toujours pour lui une difficulté majeure.

"Electrastar", Solidays, juillet 2002

"Le doigt sur ton étoile" et l'intro de "Popstitute" (doublée au synthé pour épaissir le son et limiter la casse) furent à l'époque de Paradize ses seuls guitar moments. Des motifs qui tombent sous les doigts, d'une simplicité enfantine mais efficaces pour des plans indie rock. Le volume de sa guitare était alors monté par l'ingénieur du son au moment opportun, et Nicolas bénéficia sur DVD d'un montage vidéo très généreux.

On distingue légèrement le son de la Jaguar sur le "Electrastar" du 3.6.3, un son clair, très métallique, noyé sous le déluge. Contrairement à une idée largement répandue, le gros son saturé qui remplit l'espace est celui d'Olivier Gérard. Il jouait aussi à cette époque une version acceptable de "Un singe en hiver", bien qu'il oublie ici une partie des paroles - que le public chante pour lui. Soulignons la représentation du dernier ancien d'Indo à travers ce seul-en-scène très calculé, censé créer sympathie et compassion.

Voir : 2002 - Paradize


On trouve une séquence amusante dans les bonus du 3.6.3, un plan très flatteur de Nicolas avec sa Jaguar mais avec le son d'Olivier, créant l'illusion que c'est lui qu'on entend. Et devinez qui réalise le film ?

"Les Portes du Soir" avec un instrument figurant, 2006


En 2006, "Alice & June" et son rythme trop sautillant cantonnent Nicolas au chant. La Jaguar fut repeinte en noir - Nicolas le regretta - pour coller au visuel sombre de l'album, et servit comme accessoire pour "Les Portes du Soir", sans volume. Nicolas y jouait une transposition en accords basiques, alors que ce morceau à la couleur alternative rock ne se joue pas du tout comme ça. Les morceaux où Nicolas jouait étaient alors les plus droits rythmiquement, "Ladyboy", "June", "Sweet Dreams", "Starlight", "Black Page". Il utilisait tour à tour la SG et l'ES-335, changer de guitare n'ayant pourtant aucun intérêt sonore puisque son volume restait à zéro, sauf à quelques moments-clé.

Comme sur l'intro de "Black Page", parfois cacophonique !


Cette inaptitude à progresser n'empêche cependant pas Nicolas d'avoir une pleine confiance en lui, et une Gretsch luxueuse fit son apparition en 2007, baptisée à Arras sur la fin de l'Alice & June Tour. La guitare est très élégante sur les photos, mais il restait rare qu'on profite du son...


Voir : 2005 - Alice et June


En 2009, l'intérêt pour Placebo ayant diminué, il n'y avait plus aucune raison pour Nicolas de se montrer avec une Jaguar, ce fut donc l'occasion de la ranger définitivement au placard. Nicolas préfère les guitares plus chères, et la Martin D-35 Johnny Cash qu'il s'offrit à l'époque se négociait à l'époque entre 3000 et 4000€. Nous l'entendions toujours rarement, sauf aux fameux moments-clé, par exemple le pont de "Little Dolls" ou "Bye Bye Valentine". Il était également audible sur la réorchestration de "June" : en effet il se mit au flanger, un effet que Dominique Nicolas avait beaucoup utilisé - le rendu reste pour autant incomparable.


Nicolas atteint une sorte d'acmé lors du concert de Colmar en 2010. Un motif inédit, tout bête mais correctement joué, avec un semblant de feeling et un effet de flanger qui installe une ambiance totalement inattendue venant de lui.


C'est pourtant le même genre de motif (corde à vide + tierce sur celle du dessus) que Nicolas avait balancé sur "Le doigt sur ton étoile", et qu'il resservira en pré-intro de "Traffic Girl" en 2013, gravant à cette occasion sur disque ses approximations et son arythmie.

En 2011 à Lausanne, sa guitare était mixée un peu trop fort par rapport à d'habitude, mettant en lumière la grossièreté de son jeu, bien que le visuel se suffise à lui-même.


Nous constations pourtant à la même époque qu'il s'en sortait mieux sur des morceaux plus intimistes, toujours à un niveau très amateur.


En 2013, le making-of de Black City Parade montre Nicolas à l’œuvre comme ici, très concentré sur ses trois notes, ici ou encore sur ce moment où le son ne correspond pas à l'image !

Pendant la tournée, il se blessa au poignet et dut faire le concert de Mâcon sans guitare. Vous entendez une différence, vous ?


En 2014, Nicolas se fit construire une guitare signature chez Meloduende. Pour quelqu'un qui jouait si peu, le projet ne manquait pas de sel :
"Nicola voulait une guitare élégante, épurée et efficace. Il fallait donc réussir à concevoir une guitare à la fois reconnaissable parmi mille sans pour autant tomber dans le "too much"."
Meloduende.fr  

Donc Nicolas voulait une guitare jolie et qui fasse du son, c'est un bon début. En effet, l'instrument ne propose aucune spécificité au delà du look métallique. Deux micros, un volume, une tonalité et six cordes, c'est ce qu'on demande à une guitare électrique.

"Electrastar" au Stade de France, 2014

Un instrument baptisé sur "Venus" au Main Square d'Arras où il lui était absolument inutile d'avoir une guitare, puisqu'il ne faisait que jouer, sans volume, les accords qu'Olivier jouait déjà. Voyez à 2:03 comme il prépare son accord plusieurs mesures à l'avance. Nous revîmes cette guitare pour le premier morceau du Stade de France de 2014, "Electrastar", ainsi qu'en 2016 sur "Heroes" toujours sans avoir la chance de l'entendre. Systématiquement en début de concert, et donc uniquement pour les photos.


Il se montra aussi la même année à la guitare figurante, sur "I wanna be adored" des Stone Roses. Sans être franchement compliqué, ce morceau montre une légère complexité rythmique... Soit du jazz pour un Nicolas complètement largué.



C'est à cette époque qu'il s'aventure sur "Hexagone" de Renaud, seul en scène avec sa Martin. Il raconte d'ailleurs la naissance de l'épisode au principal intéressé, mettant encore involontairement en lumière sa cancrerie sur le plan musical. Tout ça pour devoir arrêter un morceau à deux accords parce qu'il a pété une corde, ce qui pourtant n'interdit pas de le poursuivre.


Fin des années 2010, après quasiment quarante ans passés dans la musique professionnelle, et en théorie vingt-cinq ans de guitare, Nicolas reste dépendant de ses musiciens à un point affolant. Son prompteur lui indique même quels accords jouer, ce dont il ne se cache même pas, puisque les photos viennent de son compte Instagram.


Nous ne parlons ici que de guitare, mais Nicolas ne fait pas plus de merveilles au piano, ici il n'y a pas un accord qui tombe juste. Il était pourtant devant un stade tout entier, et pour nous une telle situation ne peut exister que suite à un excès dithyrambique de confiance en soi. En ce sens, il est étonnant de revoir le jeune Nicolas chantant et plaquant des accords affirmés sur un synthétiseur Jupiter-8. Pour la suite oui, c'est bien un snippet de "Poker Face" que nous étions censés reconnaître...

U2, que Nicolas a vu plusieurs fois, réalise souvent des snippets de morceaux comme autant de clins d’œil. Mais pour en faire, il faut quand même être un peu musicien. Bono est d'ailleurs un excellent exemple de guitariste limité - ce qui fut longtemps un sujet de plaisanterie - dont la présence à la guitare est dispensable, sauf que lui sait jouer en rythme, même de façon syncopée, et avec du volume. Car même si son instrument de prédilection reste la voix, et que l'on apprécie ou non le personnage, Bono est un musicien accompli qui a su récolter les fruits de son autodidaxie.


En 2017, "Station 13" et les quatre notes de synthétiseur allouées à Nicolas montrèrent que vraiment, il lui était devenu difficile de se servir d'un instrument de musique. Il ne réussit que très rarement, au cours du pénible 13 Tour, à jouer ce gimmick correctement.


En 2018, une Les Paul apparut, uniquement sur "Ceremonia" et toujours en figuration. Une jolie guitare certes, mais pourquoi ce modèle pour ce morceau précis...? Aucun début de réponse. Quant à 2020... Nous vous renvoyons au post sur "Ultra S" à la Coopérative de Mai. Les exemples d'approximations et d'erreurs étant bien trop nombreux, nous ne pouvons évidemment pas être exhaustifs.


Il semble assez inédit qu'un homme si peu mélomane se retrouve à occuper une telle place dans le domaine de la musique pop. Mais pour une ancienne et obscure raison, c'est de concerts de rock dont Nicolas rêvait, creusant au fil des années des chemins de traverse pour arriver à ses fins. Si près de quarante ans dans la musique ne l'ont jamais fait progresser d'une façon significative dans ce domaine, son opiniâtreté lui aura certes permis d'acquérir une certaine apparence de musicien. Mais ici, cela ne peut suffire que dans le cas d'une relation malsaine avec un public qui ne voit et n'entend rien, ou pire : pardonne tout par idolâtrie.

Vous connaissez maintenant la vraie raison pour laquelle il n'a pas fait de concert confiné.

Nicolas seul à la barre avec sa guitare dans "Nos Célébrations" (2020)


Voir aussi sur le blog :

2002 - Paradize

2020 - Ultra S à la Coopérative de Mai


À écouter par ailleurs, les reprises par les fans d'Indochine. Tous plus habiles et créatifs que Nicolas ! 


Annexes :

2009 - La République des Météors


Mk2 en conférence de presse, Couvent des Cordeliers, 2009

Entre un album saugrenu vendu comme un concept mais qui n'en avait pas grand chose, et deux autres albums aux morceaux et aux thèmes interchangeables, se cache un disque bien plus pertinent. L'anomalie d'Indochine Mk2, qui prouve ici qu'il est capable de réaliser un album cohérent.
"Est-ce qu'il y a une thématique, un concept, comme il y avait sur le précédent ?
- Aucune. (rires)
Y'a aucune thématique, ni un concept, c'est vrai qu'Alice & June est un album conceptuel, y'a une série de morceaux mais ce qui en ressort un petit peu c'est le côté euh... Enfin je sais pas, il faut peut-être se poser la question... Enfin je sais pas, vous avez juste entendu des extraits et caetera donc c'est difficile, euh... C'est euh... Comment dire, en fait c'est quand même parti sur, je vais un peu me la péter intellectuellement, mais c'est parti de la lettre de rupture qu'a reçu Sophie Calle, euh, et donc elle a fait une exposition, que j'ai lue, relue, et analysée, et effectivement après, cette thématique s'est euh... s'est comment dire, j'ai travaillé un petit peu dessus, et puis ça a dérivé sur la séparation, les déchirures, les choses comme ça... La vie... Voilà."  

Nicolas Sirchis, conférence de presse au collège des Bernardins, 2009

Si Nicolas avait été plus malin, il aurait dit que oui, bien sûr qu'il y a un thème : la séparation, les déchirures dans la vie personnelle, avec la guerre, la grande Histoire en fil rouge, mais non. Curieusement il semble avoir préféré couper net avec le prétendu concept de l'album précédent, alors qu'il avait construit, sans le faire exprès, un album plus conceptuel qu'Alice & June. Peut-être est-ce au fil des interviews qu'il se rend compte qu'il y a quelque chose à dire, puisqu'il se corrige quelques jours plus tard :
"La République des Météors» est-il le plus «curieux» de vos albums? 
Curieux, je ne pense pas. Invraisemblable peut-être, car c’est devenu un de nos concept-albums les plus réussis par accident. Rien n’était prévu. On a tenté toutes les expériences possibles. La République des Météors  regroupe toutes nos influences. [...]

Quels thèmes abordez-vous ?
La thématique centrale est l’absence. L’idée m’est venue en allant voir l’exposition de Sophie Calle à la Biennale de Venise. J’avais été très touché par sa démarche artistique. Elle a réussi à magnifier quelque chose de totalement privé autour d’une lettre de rupture."
Nicolas Sirchis, CNews, mars 2009
Start Up lui demande en mars 2009 si "l'élément déclencheur de La République des Météors c'est la lettre de Sophie Calle ?" :
"Non, ce sont plusieurs choses. D'abord la musique. Je ne savais pas du tout de quoi j'allais parler après deux albums-concepts assez forts. J'étais dans le schwartz, comme on dit... Alors je me suis pris en main. Ça a commencé par une découverte de la Biennale de Venise, puis il y a eu les lectures, les voyages en Finlande ou à Berlin, la vie..."

Deux albums-concepts ? Avons-nous raté quelque chose ? 


Voir : Art contemporain


Restons sérieux et entendons-nous bien, La République des Météors n'est toujours pas un vrai album-concept comme le furent The Wall ou Tommy, puisque ce type d'album demande des personnages, une chronologie, une histoire racontée par les chansons, et qui ne tolère aucun remplissage. De plus, comment voulez-vous réussir un concept-album par accident ? En revanche s'il avait dû n'y en avoir qu'un à être défini ainsi, ça aurait dû être celui-là et non le foutraque Alice & June, dont Nicolas n'a jamais su expliquer la prétendue histoire. C'est bien ce qu'il semble confirmer à travers cette contradiction drolatique :
"Ce disque est un peu comme un météore. Il y a plein de morceaux qui partent dans tous les sens, sans liaison les uns avec les autres. Finalement, c’est devenu, par accident, l’enregistrement le plus conceptuel du groupe."

Nicolas Sirchis, L'Humanité, mars 2009

Que cela puisse tempérer les irréductibles qui continuent de croire qu'Alice & June constitue l'album-concept définitif d'Indochine Mk2, et par ailleurs que Nicolas élabore ses œuvres de façon lucide, avec des messages profonds et des niveaux d'interprétation savamment construits.

Voir : 2005 - Alice & June


Si nous laissons de côté les bricolages et improvisations du chanteur,
La République des Météors tient debout. C'est un album étrangement mature, aux thèmes adultes, et au concept audacieux car relativement peu vendeur. Contrairement aux albums précédents, celui-là ne correspondait pas aux thématiques rock à la française, à savoir la posture rebelle, le look, le visuel et le jeunisme à tous les étages. On était alors à la fin des années 2000 et les postures rock étaient encore très populaires chez le public cible d'Indochine Mk2. En cela, préférer des instruments acoustiques, originaux, et une posture plus pop (entendre ici un son plus soft et moins agressif) était un choix risqué pour un groupe qui avait ciblé un public emo et gothique pendant près de dix ans. Le Grand Soir, La Lettre de Métal, L World, Bye Bye Valentine, Le Dernier Jour et même Union War ne constituaient pas, pour ainsi dire, des appâts pour adolescents lookés. Quant à lui, le premier single Little Dolls rattrapait le revival post-punk en mimant les guitares d'Editors, un peu tard pour capter la mode mais suffisamment intelligemment pour ne pas en proposer un copié-collé. (Tom Smith, leader d'Editors, écrira The Lovers en 2013 avant d'en proposer sa propre version.)

Malgré ses qualités, l'album désorienta beaucoup de fans qui avaient aimé Paradize et Alice & June. La tournée fut pourtant impressionnante, d'une élégance inattendue de la part de l'auteur de "Vibrator", festive mais bien plus sage que les scènes d'hystérie qui avaient fait l'Alice & June Tour. Des vidéos documentaires sur le début du XXe siècle, souvent en noir et blanc, étaient projetées sur plusieurs écrans entourant une scène à l'aspect industriel. Entre les morceaux, on pouvait entendre des marches militaires et des sirènes menaçantes. Parallèlement, les clips de Little Dolls, Le Lac et Le Dernier Jour restèrent dans la thématique de l'album et de la tournée.


Les bonnes idées étant rares chez Indochine Mk2, le Meteor Tour fut immortalisé sur le très moyen Putain de Stade, concert en plein air avec un Nicolas autotuné, noyé dans ses onomatopées, et des choix de réalisation centrés sur les fans qui rendent le film difficilement supportable, malgré de très beaux plans de caméra. 


Histoire de rappeler à tout le monde que malgré les Meteors, Indo reste un groupe de jeunes.
  
Comme un seul gâchis ne suffisait pas, Nicolas a cru bon de ne publier Le Meteor sur Bruxelles qu'incomplet et dématérialisé, ce qui a participé à le faire tomber dans l'oubli alors que le concert est supérieur à Putain de Stade : le son est bien meilleur et Nicolas chante mieux tout en étant largement moins retouché.


Quant à elle, la pochette de La République des Météors est une réussite esthétique, bien qu'elle nous inspire plusieurs commentaires. Premièrement, elle ne compte que les références personnelles de Nicolas dont il s'entoure encore une fois pour embellir son image. Cette pochette résume sa manière de penser sa culture : il se place au centre d'un patchwork de références comme autant de lumières tournées vers lui. Elle montre encore une fois qu'Indochine Mk2 est un projet solo, puisqu'elle ne montre que des références choisies par Nicolas. Si Mk2 était un groupe, les musiciens auraient des influences communes et digérées collectivement, mais à l'image de la pochette, ils sont juste là pour servir l'univers de Nicolas.
"Il y a une référence notoire à Sgt Pepper. Je voulais présenter un patchwork de toutes nos influences. Sur la pochette, on voit Patti Smith, David Bowie, un zeppelin en hommage à Led Zeppelin. On aurait aussi pu mettre aussi Brian Ferry, les Sparks, Sid Vicious, Joe Strummer Et puis, il y a toutes nos références littéraires: Salinger, Simone de Beauvoir, Apollinaire, Rimbaud et Marguerite Duras, qui nous a inspiré le nom d'Indochine. Des personnalités scientifiques aussi, comme Freud, Pierre et Marie Curie. Toutes ces figures, c'est un peu la république d'Indochine. Pour le meilleur et le pire, avec des dictateurs comme Staline. D'où le titre La République des Meteors. Toutes ces personnalités ont, chacune à leur niveau, marqué notre époque."

Nicolas Sirchis, La Presse, mars 2009

D'une référence voulue à la pochette de Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band, on est plus proche d'une peinture religieuse à la gloire d'une seule idole. 

Les Noces de Cana, Véronèse, 1571

Mais le Dig out your soul d'Oasis sorti en 2008 a également dû jouer. Le groupe mancunien y référençait déjà l'esthétique psychédélique de la fin des années 60, ainsi que sa musique.


Deuxièmement, cette pochette pensée comme un résumé des influences du groupe occulte totalement celles d'Indochine dans les années 80. Pas de trace de Gilbert Bécaud, William Sheller, ni Henri Salvador que Nicolas citait à l'époque. The Clash dont Stéphane et Dominique étaient fans, Joe Jackson, Hank Marvin sont absents. Serge Gainsbourg, Jacques Higelin et Renaud également.

Nicolas n'a pas eu le droit de mettre la photo de Bowie de 1975 qu'il voulait (voir annexes), c'est donc celui de Heathen qui apparaît en tout petit, un album de 2002 qui ne l'a pas intéressé du tout. Aucun auteur de bande dessinée non plus, pas même Henri Vernes, l'auteur des romans Bob Morane, à qui seront préférées des figures plus littéraires. Simone de Beauvoir quant à elle, n'apparaît qu'en rapport au jeu de mots de "Troisième Sexe"...

Voir : Marguerite Duras et la bande dessinée


On voit à l'inverse des personnalités dont Nicolas n'a jamais parlé (voir annexes). Nous nous demandons par exemple en quoi Pierre et Marie Curie constituent une influence. La présence de Sigmund Freud, fondateur de la très controversée (scientifiquement et moralement) psychanalyse, nous pose davantage question sans pour autant nous étonner. Ladite pseudoscience et ses bienfaits refont d'ailleurs surface dans le parpaing de Rafaëlle Hirsch-Doran, et il nous semble souhaitable de ne pas prendre cela à la légère.

Voir : Indochine par Nicola Sirkis & Rafaëlle Hirsch-Doran


Il semble que Nicolas n'ait pas su aller plus loin que ça pour trouver des références "scientifiques" à ajouter au patchwork. Est-ce une revanche sur son échec scolaire ? N'a t-il trouvé personne d'autre que  Sigmund Freud en cinquante ans ? Et comment faut-il entendre sa mention d'un dictateur comme faisant partie de la république d'Indochine, pour le meilleur et pour le pire ? Avait-il quelqu'un en tête ?


Cette compilation sortie à la même époque présente 11 titres choisis par Indochine, entendre "choisis par Nicolas", comme une énième occasion de faire un peu de namedropping. On y retrouve d'ailleurs Suede et David Bowie. Quant à la présence des copains d'Asyl, nous imaginons qu'ils devaient avoir besoin de ronds.


Dès 2013, le jeunisme fut définitivement de retour avec Black City Parade, Nicolas décidant même au cours de la tournée de relancer la mascarade de Tallula, réactivant la compétition entre fans pour attirer l'attention du leader. Pourtant, le premier single abordait la douleur pérenne de la séparation et l'envie de revenir auprès de l'être aimé. En ce sens, il n'aurait pas détonné en clôture des Météors, et en tant que premier titre audible de Black City Parade, il constitue un maillon entre les deux disques, ce qui ne semble pas avoir été fait exprès non plus. Malheureusement, la majeure partie des titres de l'album de 2013 ne suivirent pas la direction de cette pop solennelle qui montre que parfois, cette entreprise musicale arrive à avoir une personnalité. Par accident ?


"Ce serait oublier pourquoi les aficionados d’Indochine restent fidèles: aux initiés, aux patients auditeurs qui attendent avec ferveur chacune de ses apparitions scéniques (la prochaine ce samedi à l’Arena est déjà sold out!), Indochine livre un univers complexe, musical certes, mais avant tout littéraire. Enfin, littéraire, s’entend : dans la mesure où la prose labyrinthique de Nicola Sirkis tient lieu de révélation poétique. Ce qui reste discutable.

Ce qui lie Sirkis à l’imaginaire d’Indochine, c’est bien sa plume. Une écriture qui tient lieu de confidence, si ce n’est de thérapie. Le beau Nicola (quoique, renseignement pris auprès des fans, certain(e)s pensent le contraire) a fait de la chanson pop un parfait dévidoir de ce qu’il nommera à maintes reprises son 'mal indéfinissable'."

Fabrice Gottraux, La Tribune de Genève, avril 2010


Voir aussi sur le blog : 
 


À lire également :

Psychanalyse : sale temps pour les charlatans (Sophie Robert pour L'Express)


Annexes :
Version avec Marc Bolan (pochette de The Slider) et le Bowie de 1975.

 
photo non-inversée
 
Réalisation de l'affiche du Meteor Tour (source : isuro.net)

Une liste non exhaustive des personnalités présentes sur la pochette, relevée par Christian Eudeline dans L'Aventure Indochine (Prisma, 2018) :

André Breton
Arthur Rimbaud
Betty Page
Brigitte Lahaye
Chloé Delaume
David Bowie
Guillaume Apollinaire
Hirohito
Jacques Dutronc
Jean-Paul Sartre
Joséphine Baker
Mao Zedong
Marguerite Duras
Mohandas Karamchand Gandhi
Patti Smith
Paul McCartney
Pierre & Marie Curie
Sid Vicious
Sigmund Freud
Simone de Beauvoir
Sue Combo