"Ma drogue à moi, mon psychédélisme, c'est le surréalisme, le côté non formel de la littérature. On a une chance énorme avec la langue française de pouvoir faire des choses, je me permets de casser les codes, pour en faire quelque chose de nouveau. Mais, en revanche, je parle bien dans la vie ! Pas comme les gens de la télé-réalité, qui disent 'faut que je te voye' ou 'qu'on croive'... Je suis adepte du bon parler français, le langage mdr, ça me déprime."
Nicolas Sirchis in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011
Il existe une asymétrie entre cette sortie et les faits. Le phénomène est connu et reconnu, y compris par les fans : il est peu dire que le héros de ce blog entretient un rapport compliqué avec la langue française.
"Il m'avait confié plusieurs fois sa difficulté à écrire les paroles de ses chansons, mais aussi que c'était un exercice qu'il aimait, en dépit de la dyslexie dont il souffrait depuis tout gosse. Il faisait toujours appel à un correcteur orthographique, et un ami à lui revoyait la copie."
Jean-Claude Perrier, Le Roman-Vrai D'Indochine, Bartillat, 2005
"Je pense que Nicola a souffert d'une sorte de dyslexie : quand je lui ai donné des paroles, il a parfois inversé des syllabes. Ce n'est pas grave, pour "Ladyboy" il a mélangé deux de mes textes, et ça a marché. J'avais fait deux chansons différentes, sur deux "yaourts", et il n'arrivait à chanter aucune des deux telle quelle. Il a fait sa version hybride, sa cuisine, et m'a demandé ce que j'en pensais. J'étais circonspecte au début, mais en fait ça fonctionnait bien et ça a touché les gens."
Valérie Rouzeau in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2010
Nicolas serait donc possiblement atteint de troubles développementaux relatifs au langage, que l'on retrouve avec le préfixe "dys". Ces troubles des apprentissages n'avaient aucune existence officielle à l'époque où Nicolas était scolarisé, et n'ont été reconnus comme handicap que quelque trente années après sa naissance. La dyslexie est, parmi eux, le trouble le plus connu du grand public, qui abuse souvent du terme pour englober plusieurs de ces troubles en rapport avec l'utilisation du langage oral ou écrit.
Voir : Dys- (pathologie) (Wikipédia)
A la lumière des informations connues à ce jour et malgré quelques hypothèses, rien ne semble lui avoir été formellement diagnostiqué. Il est néanmoins possible d'observer des signes récurrents, durables et spécifiques de difficultés de maîtrise du langage chez Nicolas. Il est en effet fameux pour ses erreurs d'orthographe, de syntaxe et de grammaire à l'écrit, mais pas uniquement. Sa manière souvent laborieuse de s'exprimer oralement ne peut être ignorée. Ses interventions hésitantes sont ponctuées d'expressions toutes faites, noyées par des circonlocutions, des pantonymies, des manques du mot (quand on l'a sur le bout de la langue mais qu'il ne vient pas), des paraphasies et des erreurs morphosyntaxiques, parfois jusqu'à finir à côté de la plaque. Elles trahissent une difficulté à être informatif, organiser et encoder son discours, accéder à son lexique mental.
Nicolas se distingue par sa propension à inventer des expressions en remplaçant un mot par un autre.
"Vous prenez soin de vous.
- Non je tiens, je... je tiens soin du public."Nicolas Sirchis, 2010
Cela devient d'autant plus gênant quand cette tendance le pousse à des contresens dont il ne prend pas conscience, ou qu'il ne parvient pas à corriger.
[...] Nous on est une anecdote par rapport au 10 mai. C'est vrai que c'était notre première (sic) jour de répétition - Premier jour de répétition. - Après on est sorti et le monde a changé. 'Fin la France a changé. Les médias sont libérés, la peine de mort a été abolie, l'homosexualité a été abolie.
Nicolas Sirchis, 20h30 le Dimanche avec Robert Badinter, 9 mai 2021.
Bien évidemment, le mot que Nicolas cherchait était "dépénalisée" (en 1982, ndlr).
"La chasse aux sorcières elle a, elle dure encore aujourd'hui, quand on voit une moitié du parlement français crier à l'homophobie au niveau du Pacs."
Nicolas Sirchis, interview de 1999.
"Indochine a toujours été pour l'antiracisme, l'antisionisme..."
Nicolas Sirchis, interview pour l'ambassade du Pérou, 2020
Il est même connu pour inventer des mots, comme le fameux "connotaissance", présent depuis les années 80. En 1987, Nicolas répondait à un téléspectateur sur l'origine du nom "Indochine" :
"C'est un hasard. Y'a aucune connotaissance chavirée (sic) de... C'est euh... C'étaient les syllabes qui étaient jolies."
Voir : Marguerite Duras et la bande dessinée
"On avait décidé de se produire nous-mêmes aussi, avec Joe Glasman, qui avait mixé le troisième album, on avait trouvé des bonnes connotaissances (sic) avec lui."
"Moi j'aime beaucoup l'electro berlinoise, Helena Hauff, Paul Kalkbrenner, etc. Y'a des connotaissances (sic) depechemodiennes..."Nicolas Sirchis, 2017
"Nos maîtres sont morts et nous sommes seuls notre génération n'est plus une génération mais juste celle qui reste... Le rebut et le coupon d'une génération qui promettait hélas plus qu'aucune autre... Voilà pourquoi sans doute tous nos amis sont morts notre seule faute c'est d'y avoir survi. (sic) Poaaaah ! j'adore ! c'est vachement bien !"
Nicolas avait le texte sous les yeux.Nicolas Sirchis in Black City Parade, le film.
Voir : Ceux qui n'aiment pas Indochine
C'est pourtant rare et inquiétant, un chanteur-parolier qui parvient à oublier ou mélanger les textes de morceaux qu'il chante en concert depuis 10, 20, 30 voire 40 ans. Sans compter les classiques erreurs de placement, tout cela en dépit voire à cause de la présence de prompteurs en grand nombre, un dispositif que Nicolas a toujours justifié par le "respect du public" !
"Ca avait commencé avec Françoise, c'est l'histoire d'une faille... d'une fille qui saute d'un immeuble, donc c'était pas très drôle."Nicolas aux Déferlantes d'Argelès, 2014
"Encore une fois, Eluard m'inspire, à moins que ce ne soit Baudelaire... Attends... Enfin bref, il y a du Baudelaire ou du Eluard là-dedans, ah ah ! Ca m'apprendra à piller les poètes !"Nicolas Sirchis in Kissing My Songs, Agnès Michaux, Flammarion, 2011
"Je sais plus de quelle chanson vous faites allusion là (sic), c'était laquelle... Ah c'est 2033 ! Nan c'est pas 2033... Si c'est 2033, sisi c'est 2033... Nan attends c'est, où est-ce que... Je commence avec [...] que j'arrive pas à faire, y'a un la qui dure... Suffragettes BB. Ouais. Euhhh... Nan c'est pas Suffragettes BB... Le la... - C'est pas Station 13 ? - C'est pas dans Cartagène ? - ....... Attends. Mais oui parce qu'on l'a répété là et puis y'a un la qui fait deux mesures sur le premier couplet, et une mesure sur le deux... UN ETE FRANÇAIS. Et tout le monde a encore besoin de moi ! Lalalalalala... Voilà."Nicolas Sirchis, Interview fleuve, Hotmixradio, 2017
Pourtant, les
"éléments de langage" (Incroyable, irrationnel, ce public nous donne la force, etc.) récurrents chez Nicolas, comme chez
un grand nombre de politicards et que nous avons beaucoup
critiqués sur ces pages, ne sont pas forcément qu'une astuce de communicant.
Non, c'est aussi souvent une astuce de personne atteinte de troubles du langage, pour qui toute sortie des sentiers battus entraînerait une aggravation des difficultés à s'exprimer.
Nicolas a donc ses phrases toutes faites, il arrive même qu'elles
sortent sans réel lien avec la conversation, comme un réflexe : ("J'suis assez optimiste..." ; "pas dupe..." ; "consciemment ou inconsciemment..."). A l'inverse, il
s'engouffre aussi souvent dans un tunnel verbal empêtré, franchement
déconcertant pour l'interlocuteur. Les exemples sont trop nombreux pour
s'embarrasser à en choisir un, encore que celui de 2021 chez Yann Barthès soit parmi les plus parlants à ce jour.
Voir : 2020 - "3SEX" & Singles 1981 - 2001
Bien que la présence de solécismes et néologismes dans les textes d'Indochine précède de loin la sortie du Baiser, c'est en 1990 qu'Yves Bigot provoque la colère de Nicolas en lui reprochant, dans un article assassin, un "Corrige-moi mes fautes" un tantinet maladroit.
"La vache ! Je n'avais pas droit à la licence poétique."Nicolas Sirchis in Kissing My Songs, Agnès Michaux, 2011
Ainsi, c'est depuis cette époque que la "licence poétique" est devenue un élément de langage récurrent chez Nicolas. Il appuie souvent sur cette "liberté de casser les codes" dont nous jouirions dans la langue française. Alors oui, bien sûr, Nicolas a droit à la licence poétique (quoi qu'il veuille y mettre) et même à la faute volontaire. Souvenons-nous de "Wonderwall" (un mot qui n'existe pas), d'un Liam Gallagher à qui l'on reprocha un "the sun has rose" ("Morning Son", Beady Eye, 2011) ou encore du "because there ain't no one for to give you no pain" d'America dans "Horse with no name".
"Je lis beaucoup, et encore pas assez à mon goût. En troisième, j'étais tombé sur une prof de français qui me le faisait déjà remarquer : je bidouillais les mots et la syntaxe. Je pense que la langue permet de rentrer dans une sorte d'art contemporain, pour faire résonner la langue autrement, comme un tableau moderne."Nicolas Sirchis in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011
Nous sommes ici à deux doigts d'un Nicolas nous expliquant que son babil de nourrisson était en fait l'invention d'une nouvelle langue. Nicolas écrivait avec de trop nombreuses fautes d'orthographe et de syntaxe, et sa professeure le lui reprochait, point. Et en parlant de fautes, nous sommes certains que l'orthographe de Dancetaria vient d'une faute lorsqu'il voulut noter Danceteria dans un de ses carnets.
Rembobinons. Comme nous le savons, en
1973, Nicolas a été placé en classe de transition au collège
Paul Eluard suite à ses difficultés scolaires et langagières (un collège-lycée qui aujourd'hui propose un cursus dédié aux enfants dys). Aujourd'hui encore, il existe de nombreuses raisons de penser que le monsieur n'a jamais fait la paix, ni avec sa langue maternelle, ni avec l'école, ni avec ses semblables.
Voir : Ramassage scolaire
Cette intégration d'office dans ce qui était considéré comme une "voie de garage", ne menant qu'à des filières techniques ou à la sortie rapide du système public a représenté, selon ses propres dires, une profonde blessure pour l'enfant qu'il était. Starmustang le confirme avec une certaine précision. D'autant plus alors que Stéphane, son frère jumeau, continuait lui en filière générale !
"Un jour, je serai quelqu'un de connu et je reviendrai cracher sur la gueule de tous ces profs !"
Nicolas Sirchis à propos de son adolescence dans Indochine,Jean-Eric Perrin, Calmann-Lévy, 1986
Sans compter que nous
savons tous la cruauté à laquelle peuvent se livrer les autres élèves
dans une cour de récréation, notamment envers les classes d'enfants en
difficulté : voir aujourd'hui du côté des classes SEGPA et leur image en société.
Christophe Sirchis, que ce soit sur papier ou devant un micro, a beaucoup mis en relief un certain complexe d'infériorité que Nicolas aurait entretenu vis-à-vis de Stéphane. Il semble pertinent d'imaginer que ce complexe ait en partie pour origine le sentiment d'injustice d'un enfant au fonctionnement cognitif particulier, et qu'il se soit propagé bien au-delà de ses relations avec Stéphane.
"Au début il voulait pas trop, parce que il voulait montrer que c'était, lui, il arrivait à faire quelque chose... Mais après ça allait mieux, ça va, il est cool mon frère."
Stéphane Sirchis, Fréquenstar, 1992
Après avoir tant souffert de reproches et observations manquant sans doute de bienveillance, Nicolas a pris le contre-pied de ses détracteurs, et s'est servi de sa maîtrise fluctuante du français pour se forger l'aura d'artiste incompris que nous lui connaissons aujourd'hui. Une image, à n'en pas douter, que le nouveau roman et l'art contemporain auront aidé à consolider en lui fournissant une nouvelle lecture (même si servie toute prête) sur ce qui le complexait tant.
Voir : Marguerite Duras et la bande dessinée, Art contemporain
Ces imperfections langagières, voire ces non-sens qui truffent (volontairement... ou non) ses textes, il les considère désormais comme une poésie toute personnelle. Il semble
même éprouver un certain plaisir à placer des solécismes dans les
morceaux destinés à sortir en single : "Little
Dolls", "Memoria", "Belfast", "La vie est belle". Par défi, peut-être.
Il s'agit de sa part d'une souscription à l'idée que la liberté formelle prévaut sur tout, quitte à sacraliser des écritures désagréables ou incorrectes. Soit. Plus problématique, néanmoins, est une certaine tendance à confondre "avoir un style" et "faire du style", à savoir invoquer cette liberté formelle pour transcender toute possibilité de critique et, pire encore, pour dissimuler de la paresse ou une absence de sens et de contenu. S'il faut l'expliciter : faire des fautes de français ne constitue pas un style en soi. Pas plus que les trop nombreuses occurrences de formules décoratives : nous osons supputer que les "c'est moi", "là", "aussi", "ici", "tu vois", "c'est la vie", "voilà" et autres "poissons volants" servent surtout à combler des pieds manquants.
"Enfin à cause des maths hein. [...] 2. J'avais 2."
Et nous voulons bien le croire, puisqu'encore aujourd'hui, les comptes n'ont pas l'air d'être tout à fait réglés avec le calcul mental.
- Alors, ces années 2010 seront-elles aussi successful que les années 2000 ?
Nicolas : C'est vrai qu'on fonctionne... Ouais, c'est les, les trois décades. Eh ben, comme je ne peux pas écrire le futur, rendez-vous en deux-mille... vingt.
- Mais jusqu'ici tout va bien, quand même.
- Ah jusqu'ici, tout va bien. Déjà on est en 2013, plus que 8 ans.
Boris : 7.
[Nicolas fait mine de se flinguer]"
Monte le son, 16 février 2013.
Y.B. : "Vous aurez quel âge en 2033 ?
N.S. : - Euuuh... Je sais plus, là j'ai cinquante-huit, cinquante-huit plus douze, ça fait ?...
- Cinquante-huit plus douze, ça fait, euh, [Un chroniqueur : "Soixante-dix."] ça fait jeune, ça fait jeune."Quotidien, 13 septembre 2017.
Cadeau : en 2033, Nicolas fêtera ses 74 ans.
Peut-on parler des quarante ans d’Indochine sans évoquer la disparition de votre frère ?
N. S.: On peut poser la question. Je n’ai jamais dit grand-chose là-dessus car c’est extrêmement personnel. Sa disparition remonte à vingt-et-un ans… C’est dingue.Nice Matin, 29 mars 2022.
S'il fallait éclaircir : Stéphane est décédé en février 1999, il y a donc 23 ans.
Ces difficultés sont rapportées dans plusieurs livres, dont le dernier officiel, en date de septembre 2021, qui précise une nouvelle fois (!) que ses échecs au bac sont "à cause des maths". Dans un article de 1991, Nicolas affirmait avoir obtenu un 15 en français, puis un 16 en philosophie dans une interview de 1996, plausiblement alors qu'il passait un bac littéraire. Si ces bonnes notes dans des matières à si fort coefficient sont réelles et n'ont pu rattraper un 2 dans une matière secondaire, il est facile d'imaginer le désastre quant au reste du bulletin.
Voir : Ramassage scolaire
S'il peut par exemple exagérer sa jeunesse lorsqu'il est question d'un épisode un peu gênant, il est aussi possible que cela vienne d'une difficulté à se situer dans le temps et à réaliser rapidement de simples opérations, comme par exemple déterminer rapidement quel âge il avait en telle année.
"Mais moi j'ai sucé mon pouce jusqu'à... 45 ans, donc euuuuh....- Mais nan ?- Mais oui, mais oui, mais oui.- Comment ?- Comme ça. [il effectue le geste]- Mais... Pour dormir ?- Je, je m'rappelle plus... Mais parce que là tout d'un coup, t'sais, merde ! J'avais du gel dessus."
Une révélation qui n'est toutefois pas exactement une surprise, notamment pour les personnes qui se seront penchées sur Starmustang. Les archives ne manquent d'ailleurs pas concernant ce comportement parfois repéré face à la caméra. Sans se restreindre au pouce, Nicolas porte souvent les doigts à la bouche par réflexe, quitte à les retirer immédiatement. Le flou articulatoire, les tics de rétention salivaire et la mobilité labiale atypique de Nicolas sont sans doute causées par la succion répétée du pouce, et ce plausiblement au-delà de 45 ans.
Comment conjuguer ce conflit interne aux fans, entre honte et admiration ? Que révèlent les fans de façon remarquable en refusant la critique avec une telle véhémence, à la manière de Nicolas ?
Tu avais bien une envie, un désir, en dehors de cette capacité en droit ?- Oui, je voulais être photographe, journaliste, écrivain... Chanteur, non.
Kissing My Songs, Agnès Michaud, Flammarion, 2012
"C'est Nicolas qui s'occupe de tout ce qui est visuel, bon, il nous impose strictement rien hein... Et ça peut arriver, c'est arrivé hein, on lui dit ça va pas... Tu dégages avec ton idée c'est hors de question."Stéphane Sirchis, Comme deux frères, 1996
En effet, si notre héros - quelle chance ! - arrive à être perçu de la façon
dont il le souhaite, ce n'est pas grâce à ses qualités. L'illusion
fonctionne grâce à une communication rondement menée auprès d'un public
candide et souvent ignorant, donnant l'impression d'être bien ciblé. Il a trouvé auprès de qui, et de quelle
façon, passer pour tout ce qu'il n'est pas : un musicien, un littéraire,
un poète, un bienfaiteur.
Les troubles de Nicolas peuvent-ils avoir encouragé le control freak qu'il est devenu et dont traite le blog ? C'est plus que possible. La menace que Nicolas percevait enfant chez "les professeurs" s'est élargie à tout un monde extérieur, froid et intolérant, et il continue de l'écrire dans ses paroles à grands coups de première personne. Tout dans Indochine Mk2 n'est qu'une projection spectaculaire du psychisme d'un seul homme, fonctionnant sur la prise de revanche et la compensation.
Voir : Moi je, Ceux qui n'aiment pas Indochine
"Le leader d'Indochine s'est aussi déniché un surnom qui vous assoit une réputation: 'le pitbull', car «il mord dès qu'on le contredit». Dans le milieu de la musique, certains énumèrent volontiers comment il a usé chefs de produit, guitaristes, batteurs et tourneurs."
Lena Lutaud, Le Figaro, 2018
Comme dit auparavant, il est possible que les méchants du monde indochinois soient en fait les vilains des blockbusters
que Nicolas se raconte dans sa tête. La bulle qu'il s'est construite
pour se protéger a pris des proportions gigantesques, de la taille de
stades de football. Et ses fans, plus que jamais, constituent une muraille et une véritable armée. Cela peut expliquer pourquoi sorti du fandom d'Indochine,
Nicolas donne une impression inverse à celle dont il jouit chez les convertis. D'où des conflits saillants entre fans et non-fans, et un comportement bravache et souvent lobbyiste de la part des défenseurs de Nicolas.
Voir : Ceux qui n'aiment pas Indochine
Un projet musical basé sur de telles fondations doit inévitablement fédérer autour de lui certaines formes de personnalité plutôt que d'autres, qu'il serait intéressant d'étudier. Un travail sociologique poussé, méthodique et sérieux, auprès du fandom d'Indochine, serait immensément parlant et donnerait sans nul doute de nombreuses clefs de compréhension sur ce qu'est véritablement ce projet.
C'est dans les années 90, au plus fort de la traversée du désert d'Indochine, que Nicolas semblait avoir montré de réelles velléités de progrès, et ce dans tous les domaines. Il avait produit des efforts payants devant un micro - on remercie au passage Jean-Pierre Pilot, pas assez crédité pour son gros coup de pouce - et commençait à apprendre la basse puis la guitare. Ses textes prenaient une nouvelle dimension. Et même dans les médias, il s'exprimait notablement mieux, sur la forme comme sur le fond. Réentendre le Nicolas de l'époque, avec l'habitude de celui du vingt-et-unième siècle, est très étonnant.
Et depuis ? À mesure que le succès est revenu, nous n'avons pu que constater que Nicolas se reposait sur ses acquis, jusqu'à les perdre. Le tsunami d'approbation populaire et médiatique semble l'avoir "revalidé", au point que toute idée de progression est devenue accessoire. Si ce n'est celle des chiffres de vente et de la taille des infrastructures, qui constitue aujourd'hui le sujet central, alors que la musique a été reléguée au second plan depuis bien longtemps.
Comme le prouve cette étrange parenthèse des années 90, des troubles des apprentissages, tout en représentant un désavantage certain, n'auraient pas dû empêcher Nicolas d'être ce qu'il voulait
être. On peut
rencontrer de telles difficultés et être esthète, cultivé, littéraire.
Mais Nicolas a préféré dépenser son énergie dans autre chose que de
potentiels progrès, et cela nous amène à la personne d'aujourd'hui,
vénérée comme un demi-dieu mais gauche et creuse dans les faits. Malgré
une communication rodée appuyant plus que de raison sur ce point, non,
Nicolas n'est pas particulièrement cultivé, en tout cas pas tel qu'il voudrait le montrer. Et ce n'est pas grave, car beaucoup de gens s'en sortent très bien sans que leur mode de vie soit validé par Télérama.
Cette fameuse qualité souvent valorisée chez Nicolas : aller de l'avant,
a aussi ses failles, et cela semble aller de pair avec sa volonté
systématique d'oublier le passé, et de le réécrire au moment de l'évoquer. Une nouvelle fois, il se peut que cela soit en partie inconscient, mais en partie seulement.
"Indochine c'est que des malentendus... Mais justement c'est ça qui nous intéresse."Nicolas Sirchis, Konbini, 2020
"Non, le bonheur absolu n'existe pas, sinon ça se saurait ! Il faut juste se fabriquer son paradis à soi... Envers et contre tout."Nicolas Sirchis, Rocksound, avril 2002
La clémence et l'aveuglement dont font souvent preuve les Indofans, qui disent régulièrement être fiers de Nicolas, ressemblent beaucoup à ce que certains parents pourraient éprouver pour un enfant-roi. Au vu de l'histoire familiale de Nicolas, de son comportement, de l'ensemble des analyses proposées sur ce blog mais aussi dans Starmustang, c'est extrêmement logique.
Plus qu'un rapport conflictuel avec la seule langue, c'est un rapport au monde d'une infinie complexité dont il est question. Nicolas se rend-il encore compte de ses difficultés, tant le succès l'a en quelque sorte "réparé" et "revalidé" ?
Que ce soit le cas où non, il nous encourageait dans le parpaing, et c'est très compréhensible au vu de la situation, à ne pas analyser (surtout pas, malheureux !). Pourtant, son cas peut être traité point par point. Ce qui prétendument ne s'explique pas peut au contraire et doit
s'expliquer. Mais en ce
qui nous concerne il est temps d'arrêter, car nous n'avons pas le goût
de l'ultracrépidarianisme.
Voir : Épilogue
Extrait "Les Champions", Claire Bretécher, Les Frustrés 2, 1978.
Dans les 90's, Nico bosse dur, améliore ses textes (je n'ai pas honte de reconnaître que je trouve nombre d'entre eux, datant de cette époque précise, magnifiques), apprend à jouer d'un instrument, et son groupe subit une traversée du désert presque létale.
RépondreSupprimerPuis, quand il simplifie son propos, refonde quasiment le groupe avec un fan qui n'est pas musicien, c'est un carton.
Évidemment qu'il ne pouvait plus revenir en arrière : il ne pouvait que creuser ce sillon, à mon humble avis.
On en parle du "et elle m'éprend" de La Machine à Rattraper le Temps ? J'ai longtemps cherché la signification de cette phrase, usage assurément singulier du verbe s'éprendre (ou était-ce se méprendre ?), d'ailleurs les seules occurrences sur Google renvoient au texte de la chanson. Globalement à partir de 7000 Danses Sirkis donne l'impression d'écrire avec un dico ouvert sous les yeux, d'où il piocherait quelques mots savants pour les insérer au chausse-pieds dans ses textes... Sans forcément en comprendre le sens et ça se sent douloureusement. C'est aussi pour ça que de mon point de vue Tranxen 200 est une parodie visant plus spécifiquement Indochine qu'Isabelle A les Yeux Bleus, car l'usage déviant du vocabulaire vise cruellement dans le mille ! Qu'on ne se méprenne pas : ce n'est pas un reproche que je fais à Sirkis, au contraire, s'il y avait quelque chose à sauver de ses (premiers) textes c'était précisément leur spontanéité et la façon créative qu'il malmenait la langue. A partir du moment où ses fautes de français sont dictées par un dictionnaire de rimes, tout ça m'intéresse beaucoup moins...
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