Indochine par Nicola Sirkis & Rafaëlle Hirsch-Doran

La nouvelle bible est disponible, 18,15€ le kilo.

"On ne réalise pas combien cette histoire d’Indochine m’appartient… Il y a des livres sur nous, des reportages, je n’ai pas envie de tout contredire… J’ai commencé à écrire ma version de l’histoire, peut-être que j’irai au terme un jour. Et à la fois, il y aura toujours des gens pour raconter une autre version."

Nicolas Sirchis, Paris Match, septembre 2017

 

"Comment ne pas tomber dans l’hagiographie quand on est soi-même fan d’un groupe et qu’on doit écrire son histoire ? « J’y ai énormément réfléchi, je me suis demandé si c’était légitime parce que je ne suis pas extrêmement objective. [...] Nicola me l’a dit, s’il a accepté de le faire avec moi, c’est parce que je suis une fan de troisième génération, et que c’est le point de vue de ma génération qui l’intéressait sur Indochine. » "

Rafaëlle Hirsch-Doran, Madmoizelle, octobre 2020


Nicolas parlait déjà d'une "troisième génération" de fans en 1997. A t-il vraiment "accepté" suite à une proposition, ou délibérément construit une nouvelle bible avec une jeune fan dévouée ? Tel que nous le comprenons, Nicolas a convaincu la jeune autrice que sa subjectivité n'était pas un problème.

La subjectivité a, depuis toujours, été du pain béni pour Nicolas, et il s'est maintes fois par le passé montré intéressé par des propositions extérieures. Il a été observé depuis longtemps, et dit sur ce blog, que la dévotion des fans de l'indosphère était incompréhensible pour les non-fans, et que Nicolas ne s'adressait toujours qu'à des gens déjà convaincus, ou à l'inverse totalement ignorants.

"Cette réputation, c'est quoi, d'ailleurs ? Intransigeant ? Méchant ? Dictateur ? C'est un peu facile, puisque personne n'ose me dire quoi que ce soit en face."

Nicolas Sirchis, p. 133

Sauf que Nicolas ne s'adresse qu'à des journalistes acquis à sa cause et/ou amis, et ne se rend jamais dans les émissions où pourraient être portées critiques ou contradictions. Lui dire quoi que ce soit en face est devenu impossible pour qui le souhaiterait, car notre héros est devenu inapprochable et les interviews sévèrement cadrées.

Ici, une fan a été choisie pour réaliser un nouveau livre "via un ami de mon père" (Olivier Dorangeon, ndlr) selon elle, "par l'intermédiaire d'une personne qui a changé le paysage du rock en général et en France" selon lui, sans préciser de qui il s'agit. Nous apprendrons plus tard qu'il s'agit de Pierre Lescure. Un classique piston par réseautage mais après tout pourquoi pas. Il n'y a aucune raison que Rafaëlle soit moins capable qu'une autre fan désignée du doigt parmi les premiers rangs.

Au contraire, début de la discussion.

Il semble évident, et ce fut même confirmé par l'autrice, que le choix d'une personne jeune était loin d'être anodin. Ce blog a beaucoup appuyé sur le fait que Nicolas travaillait continuellement à minimiser l'importance d'Indochine Mk1, au profit de son groupe à lui qu'il mène d'une main de fer et auquel il a donné le même nom.

Voir : Pourquoi Indochine Mk2 ?

"Qu'est-ce que Nicolas il a vu en moi, il faudrait lui demander hein... Lui il dit que c'est parce que j'étais une fan de la troisième génération, et que ce point de vue l'intéressait parce que dans les documentaires sur Indochine ou certains livres, on parle beaucoup beaucoup des années 80, et on parle très peu des vingt dernières années, alors qu'il y a eu des tournées incroyables, que les albums ont jamais aussi bien marché... Donc je pense que ça ça l'intéressait puisque moi je connais très bien cette époque-là, puisque c'est la seule que j'ai vécu. Donc je pense que c'est ça qui lui a plu, et puis de voir que je connaissais déjà très bien, même les époques où j'étais pas là, et que je connaissais aussi la dernière, euh... Et puis après c'est une affaire de, de... de feeling, tu vois. Quand tu rencontres quelqu'un et que tu lui fais confiance. Tu peux aussi rencontrer quelqu'un et ne pas du tout sentir cette personne. Bon bah là c'est l'inverse qui s'est passé. Donc je pense que c'est ça.
- Est-ce que tu penses que aussi Nicolas a regardé en toi, ta jeunesse, aussi... Est-ce que c'est parce que les fans qui sont de la première génération, la deuxième génération, sont toujours mélancoliques...
- Peut-être, je pense... Puisque ça va avec mon âge et avec le fait que je peux pas être nostalgique des années 80. Maintenant j'ai quand-même essayé de les raconter au mieux. C'est pas parce que j'y étais pas que j'ai fait l'impasse sur cette période-là, pour moi c'était très important, justement parce qu'Indochine a commencé à ce moment-là, et je voulais pas décevoir les fans de cette époque là. Et en même temps je voulais aussi que les gens de mon âge apprennent ce qu'il se passait à ce moment-là. Donc oui, il y a une partie qui est liée à mon âge, oui, c'est sûr."

Rafaëlle Hirsch-Doran, interview @Station Indochine, novembre 2021


Les dissonances sont assez amusantes dans les interviews péruviennes, entre des fans d'Mk1 et une jeune personne qui s'illumine quand on commence à parler d'Mk2. Il est revanche faux de prétendre que les documentaires et livres sortis depuis l'époque de Paradize privilégient les années 80. Qu'ils soient officiels ou non, ces derniers partagent tous un grand enthousiasme pour Indochine Mk2, et s'accordent à dire que les choses sérieuses commencent vraiment à partir de Dancetaria. Il faut croire que si cela ne tenait qu'à notre héros, l'on ne parlerait plus du tout de son groupe de jeunesse avec lequel il est si mal à l'aise. L'évoquer un tout petit peu semble déjà trop.


Avant l'existence de ce parpaing, le choix était déjà immense, pour qui souhaitait en apprendre davantage sur cet Indochine brumeux qui exista avant Internet. Enfin il est courant et presque normal, pour beaucoup de fans de musique, d'être nostalgiques de périodes anciennes. Qui plus est, à notre époque rétromaniaque où un revival en remplace un autre. Indochine est même assez seul dans son créneau, où même pour les fans actuels, il est ringard de préférer Dom & Stef à Boris & oLi !

Voir : Révisionnisme et malentendus

Contrairement à ce qui a été annoncé, ce n'est pas du tout le premier livre où Nicolas impose sa marque.

"C’est la première fois que Nicola Sirkis signe et porte un livre sur son groupe."

Indo.fr


Précédemment, dans le feuilleton des livres officiels :

Indochine (1986) et Le Septennat (1988) où les membres du groupe original s'expriment très largement. Le second est même assez largement dédié à des mises au point, après la bruyante Indomania.

Insolence Rock, le livre officiel de 2004, déjà élaboré dans un esprit fan et subjectif.

"Indo n'avait pas de biographie officielle depuis les années 80 et il y avait une grosse actualité autour du groupe. J'ai donc envoyé à Nicola ma bio de Depeche Mode, assortie d'une lettre. J'ai reçu un coup de fil trois semaines plus tard. Il avait aimé la façon dont je parlais musique, et lui avait envie de ne parler que de musique. [...] Nous nous sommes donné rendez-vous près de chez lui, dans une sorte de studio consacré à ses activités au sein d'Indochine. J'avais déjà travaillé sur un plan et mon questionnaire m'a servi de fil rouge ; mais je me suis rendu compte qu'il irait bien au delà de mes questions. Il a déroulé l'histoire d'Indo avec une mémoire étonnante. J'ai laissé le magnétophone tourner et ça a suffi... [...] J'aurais pu contacter d'autres personnes, mais Nicola m'avait déjà beaucoup parlé. De plus, je voulais aussi écrire un ouvrage personnel. Nicola m'a laissé carte blanche car il avait aimé le côté subjectif et impliqué de la bio de Depeche Mode."

Sébastien Michaud, présenté comme "l'auteur de la bio officielle" dans Instant Mag 2 Spécial Indochine, 2006


Un discours ressemblant énormément à celui prononcé en 2021 par Rafaëlle Hirsch-Doran.

Voir : 2002 - Paradize

En 2008, L'ombre des mots par Thierry Desaules semble avoir été une tentative de livre officiel. L'auteur dit avoir rencontré Nicola Sirkis en public et en privé à de très nombreuses reprises, et estime que son livre a la singularité d'être fait pour des fans... par des fans.

"Comme je connaissais bien Nicolas Sirkis d’Indochine à l’époque, je lui ai proposé d’écrire une biographie avec une analyse des textes et tout s’est enchaîné."

Thierry Desaules

Relayé à l'époque sur Indo.fr, puis disparu des pages de l'histoire. Thierry, après d'autres livres ridicules sur Placebo et The Cure et quelques romans, anima en novembre 2021 une rencontre avec Rafaëlle dans une librairie strasbourgeoise...


Le très officiel Indochine, le livre (2011) où Nicolas est à la baguette : l'argument de vente est ici le regard d'un ami de la première heure du groupe... Jean-Eric Perrin était déjà à l'époque un grand communicant de la légende dorée d'Indochine Mk2. 

"Nicolas voulait faire un bouquin justement pour fêter toute cette année prodigieuse, avec la tournée, le Stade de France et cætera, il voulait qu'il reste une trace un peu... Qui pèse quoi, un peu écrite, et donc il m'a proposé de faire ça avec lui. [...] Il m'a ouvert sa boîte de Pandore, c'est à dire il m'a filé des photos personnelles, des choses, des photos à lui quoi."

Jean-Eric Perrin, le JJDA, février 2011

Devons-nous oublier ce livre ? Nicolas n'avait-il pas filé assez de photos, d'infos et d'archives, ou n'étaient-ce pas les bonnes ? Peut-on savoir pourquoi il n'a pas ouvert ainsi sa maison à Jean-Eric Perrin, négligent et mondain mais pourtant plus journaliste que la jeune autrice, pour le livre des trente ans ?


Kissing my songs
 (2011), un entretien entre Nicolas et Agnès Michaux, appuyé sur les textes mais évoquant largement l'histoire du groupe.


Et donc le parpaing en 2021. Il s'agit en tout et pour tout du septième livre fait avec la collaboration de Nicolas Sirchis, et du troisième réalisé dans un esprit fan, avec une subjectivité assumée, plaisante pour l'intéressé et rassurante pour le lecteur. Il semble important de souligner ces faits en pleine promotion autour de ce nouvel objet prétendant avoir inventé le fil à couper le beurre.

"La référence incontestable sur Indochine."  (Indoshop)


Incontestable ?

De nombreuses indications montrent que Rafaëlle Hirsch-Doran n'a pas lu attentivement les livres précédents. Il ne semble pas non plus qu'elle ait questionné Nicolas sur le besoin d'un tel livre, à part faire un gros coup pour marquer les "quarante ans". Son inquiétude concernait plutôt sa légitimité à elle, une inquiétude largement justifiée mais vite balayée par le boss.

Voir : Les livres sur Indochine, Révisionnisme et malentendus


Il faut donc s'attendre à un livre de fan jamais rentré d'Indochine. Et ce deal est acceptable !... dans la mesure seulement où ce qui est avancé est correct. Mais avant même d'ouvrir cette nouvelle livraison, déjà les inexactitudes et légèretés fusaient de tous les côtés. Difficile dans cette situation de rester concentrés.

Inutile de revenir sur le choix d'un jeune Nicolas seul en couverture, le blog discute déjà très largement de cette constance réduisant un large collectif à un homme seul et sa vision. Idem pour la présence des musiciens actuels en quatrième de couverture, avec un Nicolas ouvertement gagnant de l'histoire.

L'objet, dans sa conception, semble inspiré des deux retentissants volumes de Rainbow Man par Jérôme Soligny. La biographie, mise en perspective et analyse de l’œuvre de David Bowie, montre qu'une carrière dite solo est toujours permise par des dizaines de personnes gravitant autour. (Voir annexes)

D'ailleurs, la communication n'oublia évidemment pas de préciser que "la maquette du livre est signée par Jonathan Barnbrook, le designer de légende qui a réalisé les derniers albums de David Bowie."

Voir : David Bowie


Comme tout beau livre, le parpaing est très illustré. Les photos sont très belles, dont une de Stéphane particulièrement élégante (p. 80). Beaucoup sont issues de séances déjà connues, mais il s'agit ici de poses inédites. En d'autres termes, de l'exclusivité à pas cher avec les restes d'époque - avec parfois des choix étranges, comme un Olivier masqué par Marc (p. 260).

Nous savons que les retours et commentaires de fans sur les livres concernent essentiellement la quantité et la qualité des photos, et le présent livre ne fait pas exception. Attardons-nous plutôt sur le texte.


Rafaëlle Hirsch-Doran ne se moque pas de ses lecteurs et a soigné son travail. L'écriture y est d'une qualité normale pour son cursus. Nous partageons avec l'autrice la douleur de devoir retranscrire Nicolas à l'oral et accoucher de phrases correctes.

Jamais un livre sur le groupe n'a été aussi riche sur la carrière de Nicolas et les gens qui y ont été affiliés. Le parpaing est énorme, les archives nombreuses et effectivement inédites, et malgré les réserves non-dissimulées exposées ici il y a déjà quelques mois, sa publication provoqua chez nous enthousiasme et stimulation.


La communication se situe d'ailleurs majoritairement autour des archives. Celles de Nicolas seulement bien sûr, qui dut toutefois faire appel à des fans pour combler quelques tiroirs vides. Mais les dites archives ne sont pas franchement intéressantes pour toutes les époques, et cela ressemble énormément à du cherry picking.

Pour qui a lu Starmustang (l'autrice a t-elle eu le sérieux de s'y confronter ?), il est difficile de rester insensible aux lettres des jumeaux depuis le pensionnat d'Estaimpuis. Il est également dur de ne pas penser que cette première intervention de Michèle Sirchis en quarante ans fait suite aux déclarations fracassantes de Jean Sirchis sur la chaîne YouTube de son fils aîné. Autant dire tout de suite que ses banalités ne présentent aucune espèce d'intérêt. Et ajouter que manifestement, Rafaëlle ne sait pas ce qu'elle fait en abordant la sombre époque d'Estaimpuis...


Moins important mais un questionnement tout de même : le prénom "Nicola", orthographié ainsi dans des carnets datés de l'année 1976 ! Quiconque a déjà ouvert un livre sur Indochine sait que l'absence de S viendrait de l'erreur d'un journaliste, gardée par le chanteur comme un pseudonyme. Et le présent livre le répète :

"[...] Sirkis Nicola sans s, oui, ça y est, il s'appelle officiellement comme ça. Un journaliste pressé ou peu zélé a écorché son nom dans un article et Nicolas l'a adopté."

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 51


Ou croit savoir, donc. Le zèle a aussi manqué à l'autrice. Nicola s'est-il en fait appelé ainsi si tôt (et dans ce cas, pourquoi ce mensonge régulier), ou a t-il osé retoucher une archive ? Précisément, un scan de l'article en question aurait été intéressant.

L'orthographe archaïque de "fantasme" avec "ph" est même érigée en référence à Phantom of the paradise !

Certes il y a des copies de lettres et de carnets, mais le livre brille par son absence totale de citations issues d'interviews d'époque. Un choix impensable pour n'importe quelle monographie un temps soit peut rigoureuse ou documentée ! Révélateur d'une vision erronée du travail de journaliste, ayant une confiance aveugle dans une source plutôt que dans l'investigation, et d'une survalorisation du travail de communicant.

Voir : Biais d'ancrage (Wikipédia)

Le livre donne l'impression que l'autrice n'a même pas pensé à regarder de ce côté-là, pourtant les magazines abondent en brocante et de nombreux scans sont disponibles sur plusieurs sites en ligne dont l'indispensable Indo-Wiki. Seul le discours officiel perçu comme d'autorité compte, et certaines époques seraient bel et bien révolues... Il semble possible pour l'autrice de faire sans. Malheureusement, il faut bien en parler d'une façon ou d'une autre.


Les carnets de Nicolas sont amusants à lire. Ils montrent la grande médiocrité de ses notes ou phrases qui ne sont pas encore des textes, et confirment une superficialité très marquée. Comme par exemple les idées jetées pour le futur "June" ("Bulimia !"). Les vieux fans observateurs regretteront également de ne pas retrouver le fameux carnet où Nicolas écrivit "Cléo en vélo, Colette en chaussette" et "Et elle se casse, qu'est-ce que vous voulaient que j'y fasse".

Le brouillon du "Grand Secret" fait notamment sourire, et consiste en une liste arbitraire de "Laisse moi être ton/ta [une partie du corps]". Ce caractère profondément aléatoire des paroles de Nicolas pourrait participer à expliquer pourquoi un stade n'est pas capable de chanter la chanson en duo avec lui, plus de dix ans après la sortie de cette chanson culte. Et cela dépasse de loin le seul "Grand Secret".


(Fun fact, Nicolas chanta la chanson en entier le lendemain.)


Nous avions déjà remarqué que Nicolas montrait aujourd'hui plus ouvertement sa manière de travailler, résultante possible de l'accroissement de sa confiance provoqué dans les années 2000, et très observable dans Black City Parade, Le Film (2013).

Lignes de chant en yaourt, fragments anglophones, dictionnaires de rimes... Le rituel était déjà connu mais beaucoup moins assumé. Aujourd'hui, Nicolas semble ne plus avoir de problèmes de conscience quant à la bonne manière de travailler, que cela concerne la musique, les textes ou autre chose. 

Et Rafaëlle non plus.

Comme se distinguaient déjà les éditions Camion Blanc et d'autres récits de fans, souvent non-officiels ou publiés chez des éditeurs peu regardants, le livre brille par son absence de bibliographie ou documentation permettant une mise en perspective. Une nouvelle fois, la sphère Indochine n'a pour référence qu'elle-même et continue de s'autoalimenter. Les "remises en contexte" s'arrêtent à des dates et événements choisis et sans rapport direct avec le sujet, comme dans le clip de "Nos Célébrations", avec de vagues allusions à des modes passées, figures et événements marquants. La frise chronologique de fond ne semble être que cette vidéo mise à l'écrit, à moins que ce ne soit le contraire ?

Voir : 2020 - "Nos Célébrations" & Singles Collection 2001-2021


Indochine est décrit comme étant le centre de tout. Comme si il n'y avait eu qu'Indochine en France, que l'Indomania fut le seul phénomène générationnel, alors que les tendances musicales citées sont bien plus vastes que ce qui est ici touché du doigt. Dans le très mauvais Insolence Rock, l'auteur est tout de même un auditeur de musique. D'une ascendance  alternative, aimant inévitablement The Cure, Depeche Mode et Nine Inch Nails, il proposait au moins un échiquier représentant un paysage musical donné, sur lequel Indochine se déplaçait et cherchait sa place.

Chez Rafaëlle Hirsch-Doran tout est plus simple : Indochine est l'échiquier. Sa connaissance de la musique des années 70, 80 et 90 est extrêmement superficielle, au mieux scolaire. L'autrice confessait d'ailleurs ne connaître d'autres groupes que par le prisme d'Indochine. Et comme chez de très nombreux fans, ça se voit.

Voir : Influences et références

Le graphisme de L'Aventurier serait notamment une référence à Sonic Youth ! Comme si réaliser un simple assemblage était forcément une référence aux new-yorkais (formés en 1981) pourtant plus versatiles que ça. Un graphisme pré-Photoshop est inévitablement un collage, mot qui sent bon les ateliers d'école d'art et dont l'emploi ressemble ici à une pose arty.

Nul besoin de préciser qu'il n'y a aucun point commun visuel avec les premières pochettes et affiches des débuts de Sonic Youth, et que ces derniers n'ont été connus en France que bien plus tardivement dans la décennie.  De plus, si comme nous le craignons, les travaux pour la pochette de L'Aventurier lui évoquent celle de Goo, c'est que la situation est plus grave que prévue. L'album, dont le visuel est très populaire en t-shirt, est sorti en 1990.

Goo, 1990

Serait-ce encore un symptôme d'une génération de fans n'ayant connu qu'un Nicolas ne fonctionnant que par références et hommages à des figures institutionnelles du monde artistique, sans que personne ou presque ne s'attarde dessus ?


Wax
est notamment traditionnellement montré comme l'album britpop. Et la riche et fascinante histoire de cette dernière se dissout dans des phrases vides évoquant une époque lointaine et obscure sans autre référence qu'une vague impression sur ce que devait être le milieu des années 90. L'écriture trahit un passé connu uniquement à travers les mots de Nicolas et une vague lecture des hagiographies. Peut-être également quelques pages Wikipédia françaises. Les boys bands, nécessairement responsables de l'échec d'Indochine à cette époque, sont encore une fois vilipendés.

"La mode n'étant qu'un éternel recommencement, la nouvelle génération a récupéré les codes de l'ancienne, a digéré les Cure, les Smiths, a mixé T-Rex et Bowie, distordu les Clash et Madness, bien enregistré les Beatles, ajouté des guitares acoustiques en surdose, et engendré la mouvance britpop. Le public français, sensible à ces groupes-là capte ce qu'Indochine produit avec Wax, ces sons plus lisses, plus pop, sans tomber dans le boys band."

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 219

La voix de son maître.

"Qu'importe, le public est au rendez-vous, le noyau dur qui reste envers et contre tout, même face au gospel, même sans Dominique, même alors qu'Indochine laisse la britpop l'influencer, effaçant - temporairement, mais ça personne ne le sait encore - la new wave qui a fait leur nom."

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 222


Wax
était même calibré britpop comme le dit la biographie d'Indo.fr ! Pourtant, quiconque connaît son sujet sait que Wax n'a que très peu à voir avec cette tendance de la musique britannique, très proche de la new wave et très incomprise par un Nicolas alors complètement largué. À l'inverse de ce qu'avance Rafaëlle sur la base des racontars de Nicolas (quitte à réutiliser ses tournures et tics de langage !), Nicolas a beaucoup appuyé sur le fait que le public français n'avait pas su apprécier Wax, contrairement aux Belges, qui seraient moins variété et plus rock.

Voir : 1996 - Wax

Il n'est pas question ici d'invoquer des arguments d'autorité liés à l'âge. Cependant, il est forcément difficile d'évoquer des époques pré-internet en vrac sans un réel travail d'historien, rigoureux, méthodique et chronophage. Ne capter que de vagues fragrances via des revivals et autres hypes de sa génération n'apportent que clichés et lieux communs, et ce parpaing en est un cas d'école.

Voir : Avant-propos


L'étude du cas "College Boy", que Nicolas désigne maintenant comme son morceau préféré, montre aussi le manque de perspective du livre. Le mot new wave, employé par Rafaëlle comme un simple épithète, semble avoir été appris dans Black City Parade, Le Film, ou avec la communication du premier album de Mathieu Peudupin (Lescop). Le thème du morceau serait ici "novateur", alors qu'il est question non pas de harcèlement scolaire, mais de tabou et d'initiation sexuelle, comme à l'habitude du chanteur. Le morceau est même défendu comme une "déclinaison adaptée et actualisée" de "Troisième Sexe"... Ou simplement un événement marquant de l’œuvre de Nicolas (pour son clip - la chanson ne souleva aucun enthousiasme particulier) mis en parallèle avec une autre grande chanson des années 80.

Voir : Troisième Sexe

"Les textes coécrits pour Indochine ne sont jamais, sauf rares exceptions, ce qui a été couché sur le papier en première instance. Ils sont plutôt un mix de celui qui entend bien préserver sa chanson, ses idées, et de ceux qui tentent de s'en approcher, de se coller à Indochine en fonction de ce que le groupe leur évoque."

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 278


Un extrait très éloquent dans lequel nous pouvons lire le résultat d'années de communication par Nicolas, comme quoi lui saurait exactement ce qu'il faut faire, pendant que d'autres auraient pollué le processus par leurs ambitions personnelles. Pourtant, c'est bien ce que Nicolas demande à ses coopérateurs, et il a souvent été valorisé comme sachant laisser carte blanche !

"D'autre part à sa grande stupéfaction, [Valérie Rouzeau] retrouve des morceaux entiers de 'Comateen 2' dans 'Comateen 1', dont le texte est pourtant co-attribué à Camille Laurens. Nicola, forcément seul maître à bord et surtout pour les textes, est responsable de ce pataquès. C'est lui qui a dû bricoler le texte de la romancière, lequel ne le satisfait pas vraiment, le rafistoler avec celui de la poétesse, pour arriver à un résultat présentable, et chantable."

Jean-Claude Perrier, Le Roman-Vrai d'Indochine, Bartillat, 2005


Valérie Rouzeau n'est pas créditée sur le dit morceau, et ce n'est pas le seul exemple de crédits attentatoires. Présenté dans le parpaing comme protecteur d'un univers vertueux, nous y lisons plutôt un Nicolas sans-gêne estimant que ses décisions même les plus scandaleuses, parfois insultantes pour les autres, sont invariablement légitimes du fait de son autorité patronale. Chloé Delaume s'exprimait aussi en 2012 :

"Nicola Sirkis est revenu vers moi cet été en me proposant quatre morceaux, mais aucun texte ne lui a convenu.

Chloé Delaume, entretien avec Barbara Havercroft, "Le soi est une fiction"


Tel ce vieil ami qui réapparaît quand il a besoin d'un service... Et cela concerne autant les apports d'éléments littéraires que musicaux.

Voir : Black City Parade, le film

Il n'est pas non plus discordant d'y lire une nouvelle pique envers Alexandre Azaria ("entré sans s'essuyer les pieds") et Jean-Pierre Pilot ("il s'agit d'Indochine, pas de lui"), rien de moins que ceux qui ont permis la survie d'Indochine dans les années 90, et systématiquement décrits à ce jour dans les biographies tolérées comme des obstacles à l'envol du génial chanteur.

Évidemment, les visages des protagonistes impliqués sont quasiment absents du livre, et leur nom cité du bout des lèvres, par obligation. Jean-Pierre Pilot notamment, malgré l'immense énergie déployée pour Indochine dans une période très difficile, semble ici n'avoir servi qu'à dérouler le tapis rouge à Olivier Gérard, dont l'implication même minime est en revanche très largement soulignée dès les pages de Wax !

Stéphane Sirchis & Jean-Pierre Pilot, Comme deux frères, Paris Première, 1996

Les documents papier et photographies peuplant les pages de l'ère Wax sont même majoritairement datées de 1998, et intègrent les deux guitaristes actuels bien plus tôt qu'il ne l'aurait fallu, alors que même le nom de Xavier "Tox" Géronimi est absent. Les boîtes des cassettes d'Olivier, connues depuis longtemps pour qui a déjà ouvert un livre sur Indochine, nous sont ici carrément montrées, comme si cet inédit strictement visuel suffisait. Mais pourra-t-on les entendre un jour ?

Voir : 1996 - Wax, 1997 - Indo Live titre par titre


D'ailleurs, Olivier n'a t-il pas lui aussi fait son Indochine avec ce que le groupe lui évoque ? N'est-il pas dit et valorisé dans le livre, que chacun voit dans Indochine ce qu'il veut, et que c'est ce qui ferait la force et la singularité d'un tel groupe ? Doit-on y comprendre que cela n'est valable que dans la mesure où cela est autorisé et cadré par le boss ? Rafaëlle n'a t-elle pas écrit tout un livre en fonction de ce que le groupe lui évoque ?

Ainsi, le pop-glam-goth de Dancetaria devient alternativement pop-glam-sex et gothico-sexy-glam. Les gens qui connaissent le glam rock apprécieront ces élucubrations. Quant à Rafaëlle, elle s'imagine - via les mots de Nicolas - une année 1999 où Britney Spears et Eminem auraient fait le jour et la nuit, et où Indochine aurait inventé une attitude moribonde. Et se reprend plus tard en précisant que 1999 est l'année du goth par excellence en citant Sleepy Hollow, comme une réalisation tardive de l'existence d'une tendance passée. Oui, cette année où Nicolas délaissa ses Converse et autres vestes en jean pour des robes noires, le goth et le edgy étaient alors plus à la mode que jamais, et Gareth Jones le précise : "on était tous fans de Nine Inch Nails..."

Voir : 1999 - Dancetaria


Bien vite, le nom de Jean-Pierre Pilot s'efface des mots de Rafaëlle, dont l'écriture laisse percevoir la montée de son enthousiasme, au cours des pages noires de l'histoire, sur l'arrivée de son groupe à elle.

Indochine Mk2, 2006

Voir : Pourquoi Indochine Mk2 ?


Les pages de Paradize débutent à l'exacte moitié du pavé, et nous ne savons pas si cela a été fait exprès. Ce faisant, il ne serait pas honnête de dire que l'autrice a volontairement privilégié Mk2.

Rafaëlle précisait sur Twitter n'avoir pas pu discuter avec tout le monde comme elle l'aurait souhaité. Nous ne pouvons pas l'accuser de n'avoir sciemment pas contacté certaines personnes gênantes, malgré ses préférences dont elle ne fait pas secret. Les personnes en question ne veulent plus participer aux communications de Nicolas dès lors qu'ils ont quitté son giron, chose connue depuis bien longtemps mais que l'autrice semble n'avoir pas exactement fini de découvrir :

"La raison est simple, c'est qu'il a pas voulu. Je lui ai envoyé plusieurs fois des mails, et il a dit non, tout simplement, malheureusement."

Rafaëlle Hirsch-Doran sur le refus de Dominique,
entretien pour Indochine Peru, novembre 2021



Comme avec les auteurs précédents.

"Effectivement, je n’y interviens pas. J’ai pourtant été sollicité par l’autrice, à laquelle je n’ai pas répondu favorablement… Ses recherches ayant majoritairement pour source les archives et les souvenirs de Nicolas, d’une part, et les liens de 'subordination' et de fan entre eux, d’autre part, ne m’ont pas convaincu de son impartialité journalistique…"

Dominique Nicolas, Ouest-France, juin 2022


La situation est regrettable sur de nombreux aspects. Mais quoi qu'en pense Rafaëlle : s'il n'y a pas ces gens (Dominique Nicolas, Jean-Pierre Pilot, Alexandre Azaria, Rudy Léonet, Jean-My Truong, Diego Burgard, Gérard Lenorman, Lio, Virginie Borgeaud, Yves Bigot, François Soulier, François Matuczenski, etc.), alors le livre ne peut qu'être profondément biaisé.

Le refus de Dominique, tout comme celui supposé d'autres anciens membres (ont-ils été contactés ?) devrait semer le doute, au moins une certaine réserve, chez les auteurs comme auprès du lectorat. Mais une nouvelle fois on fait sans, et cela ne pose de problème à personne. Nous n'avons rien contre les fanfics, mais cela ne peut pas approcher la réalité comme il le faudrait.

Au lieu de ça et comme dit auparavant, les nombreux musiciens ayant permis Indochine ne sont présentés que comme des moyens de donner corps au bel univers issu de la tête du chanteur démiurge.


Pourtant, Nicolas s'inscrit en faux :

"Peut-être que je regrette d'avoir fait de trop nombreuses concessions, d'avoir été trop naïf, trop gentil. Mais comme je ne voulais pas m'imposer en tant que leader..."

Nicolas Sirchis, p. 488


Non, bien sûr. Rafaëlle, racontant ici l'aventure d'un homme seul qui rêve d'un groupe de rock (pour reprendre l'excellente expression de Jean-Claude Perrier dans Le Roman-Vrai), a t-elle osé questionner le patron sur cette sortie ?

1996 

De nombreux passages du livre reproduisent  au contraire un problème méthodologique certain : opinionner et développer des certitudes dans des dizaines de pages avec trop peu de rigueur épistémologique pour se défaire de biais cognitifs. Malheureusement, cela aurait dû demander plus d'implication et de volonté d'exactitude qu'un dossier de L1. 

Une importance notable est donnée dans le livre à l'autofiction, un élément apporté pour résoudre une équation particulièrement velue, alternativement présent chez Nicolas comme chez Rafaëlle.

"C'est de l'autofiction effectivement mais je ne m'invente pas un personnage. C'est ma vie, ce sont mes émotions, mes ressentis que j'ai eus dans ma vie privée, professionnelle, dans la situation du monde, dans des expositions."

Nicolas, p. 357


Qui des deux a découvert le mot en premier ?

L'autofiction consiste en un mélange entre autobiographie et roman, où la frontière entre mise en forme, fantasme d'une autre vie et mythomanie, est extrêmement poreuse.

Il est aussi possible de faire le lien avec les tropismes beaucoup liés au Nouveau Roman avec Nathalie Sarraute (une influence majeure pour Chloé Delaume), et parler du Nouveau journalisme dont "l'écriture se rapproche davantage de la littérature dans sa forme". Les deux partagent un certain rejet du réel et du concret pour ne se concentrer que sur le ressenti.

Nous ne savons pas si l'autrice a employé cette forme consciemment ou si c'est juste par habitude culturelle, mais le ressenti prime très franchement sur tout le reste. A t-elle souhaité créer une mise en abyme, faire un livre durassien sur un groupe perçu comme durassien ?

"J'ai essayé d'aborder ça, pas trop de manière journalistique, parce que c'était trop formel, le côté journalistique. Là on parlait d'une histoire que j'adore, que je connais. Et donc, en fait, je l'ai abordé  (Dominique, ndlr) avec beaucoup de... presque de la naïveté. C'était-à-dire je posais toutes les questions, même les questions cons qui me passaient par la tête quand j'étais ado, par exemple. Je savais que j'avais accès à la source de toutes les réponses que je voulais avoir."

Rafaëlle Hirsch-Doran @ Librairie Kléber Salle Blanche, "Indochine le livre / the bible"


Le fait d'aimer et de connaître un sujet devrait-il supprimer la rigueur et le sérieux...?

Rafaëlle semble se penser dans un champ entre littérature, essai et brûlot, et définit elle-même les limites de sa liberté de discours. Elle va même plus loin en assumant cette subjectivité au point d'en faire une arme, dont elle entend se servir pour faire un manifeste féministe : l'angle principal du parpaing.

Nicolas, photographié par Rafaëlle

Revenons un an plus tôt, sur le plateau de Yann Barthès avec Héloïse Letissier (Chris).

"HL - Nan, aussi le personnage de la fille dans la chanson est hyper fierce ! (féroce, ndlr)
NS - Ouais.
HL - 'La petite fille est une guerrière, elle joue à ce qu'il ne faut pas faire', j'étais là 'yes' ! J'avais dix ans j'étais là 'yes, that's yes' ! Nan mais toujours y'a des personnages de femmes hyper forts dans les chansons d'Indochine.

NS - Oui c'est ce qu'on était en train de... Y'a un livre qui est en train de se faire sur nous, et effectivement euh, les gens ont remarqué ça, enfin la personne
... et que, les, les, je parle que de filles qui veulent se battre.
HL - Beh oui des femmes puissantes. Des fierce ladies."

Nicolas Sirchis et Héloïse Letissier à propos de "Kao Bang", Quotidien, décembre 2020


Même Nicolas n'avait pas remarqué ça.


Mais
:

"Est-ce que le fan d'Indochine, bon on va pas euh... généraliser parce que ça veut rien dire, mais est-ce qu'il y a pas une certaine fragilité ?
- Sans doute. Sans doute. Y'a, mais j'pense que pour être fan faut être fragile, parce que pour pouvoir aduler quelqu'un, euhmmm... Enfin entre, fan hardcore hein, enfin s'ils ont, pour voir euh... 'Fin, moi, justement je suis en train de lire aujourd'hui, enfin j'ai lu hier le prochain livre de Chloé Delaume, qui va sortir bientôt, et qui... raconte son histoire de fan d'Indochine. Bon Chloé Delaume c'est une écrivain je pense que vous connaissez... Et j'ai été bouleversé par ce livre. Parce que je ne savais pas tout ce que pouvait endurer une fan, ou un fan, et la façon dont elle l'écrit m'a profondément troublé. Elle est fan depuis 25 ans, pour être dans une fidélité, comme ça sur un groupe, faut... J'crois pas que ce soit une, enfin... Y'a une fragilité certainement, y'a une demande. Et elle explique vraiment très très bien, les fragilités, le fait d'être détesté par d'autres amis, etc... Euh... Je pense que si là, aujourd'hui, la seule explication doit venir de ce livre à mon avis.
-
D'accord. Donc pour les réponses, le bouquin de Chloé Delaume.
- Franchement, oui, ça explique tout.
"

Nicolas Sirchis dans En Aparté, Canal+, 2006


Chloé Delaume parlait effectivement d'une fragilité certaine, et arrivait - elle - à évoquer des images certes lyriques mais déjà plus appropriées :

"La musique d'Indo elle apporte cet espèce d'univers qui est un petit peu cotonneux, qui est un peu carte postale tonkinoise ancienne, avec un peu de sang dessus, avec un peu de sperme dessus, mais qu'on garderait comme un doudou."

Chloé Delaume, Un flirt sans fin, 2006


Donc, il y a un problème. Cette contradiction semble exposer la présence d'un fil invisible et très coupant, traversant le petit monde des fans d'Indochine. Chloé Delaume écrivait ainsi dans La Dernière Fille avant la Guerre :

"Je m'appelle Chloé et je suis indochinoise depuis 23 ans. J'avais dix ans quand j'ai commencé, c'était dans un camping, l'été de la mort de ma mère (...) Ca m'apaisait autant que ça me rendait forte. Comme du ciment qui m'engrossait, affermissant les fondations. Je n'étais qu'un drame iodé, soudain l'épique m'envahissait, pulsations, neurotransmetteurs. C'est devenu vital, plus que les Lexomil."

"Mon premier sevrage, je l'ai subi dans une clinique où je me trouvais suite à une tentative de suicide qui n'avait rien à voir. Là bas impossible de me fournir. Je l'ai très mal vécu. J'ai replongé de plus belle au lendemain de ma sortie, la VHS du Zénith en intraveineuse."

Chloé Delaume, La Dernière Fille avant la Guerre, Naïve, 2007


Nicolas n'a pas décrit que des suffragettes et c'est, au contraire, parce que des filles fragiles, blessées voire détruites, sont omniprésentes dans son œuvre, que beaucoup s'y sont reconnues. De jeunes femmes - et de jeunes hommes - dans un état allant de la confusion adolescente jusqu'à des troubles plus graves, y ont trouvé une figure apportant soutien et compréhension. Et le chanteur cultivait cela :

"Dans 'Justine', vous faites le portrait d'une jeune fille malheureuse. Que savez-vous des jeunes filles malheureuses ?
- J'en sais ce qui se dégage du millier de lettres que je reçois régulièrement. Elles se posent beaucoup de questions. Elles mûrissent plus vite que les garçons. Maintenant, je ne me prends pas pour Alexandre Jardin ! Je ne suis pas un sociologue des jeunes filles.
"

Nicolas Sirchis interviewé par Joëlle Lehrer, Soir Illustré, 1999

"Et l'anorexie c'est quelque chose de très difficile à gérer, je pense. Parce que c'est une maladie qui énerve beaucoup les Occidentaux. Ce qui est incompréhensible parce qu'on est dans un monde d'opulence, de gratuité quelque part, de facilité. En plus, écrire là-dessus c'est super compliqué. J'en ai rencontré des filles anorexiques, elles ont un tel désespoir en elles. J'y suis donc allé franco, sans aucune censure de ma part."

Nicolas Sirchis sur "June", Rock One, 2006

Son public n'a pas toujours été celui d'aujourd'hui, confiant et conquérant. Il est même possible de spéculer que l'explosion médiatique d'Indochine Mk2 vienne justement d'une capitalisation sur les jeunes milléniaux d'alors, perdus entre la décadence nihiliste post-grunge et la mélancolie plaintive emo-gothique.


Justine - supposément - dans les visuels de Dancetaria (1999)

Nouvelle évolution pour le personnage public qu'est Nicola Sirkis, devenu maintenant un homme qui saurait quitter son regard masculin et parler comme une fille qui enlève sa robe... Dans le parpaing, l'attrait trivial de Nicolas pour de jeunes femmes très érotisées est transformé en women empowerment. L'autrice l'impose :
"Indochine serait, semble t-il, un groupe de mecs qui ne racontent que des histoires de filles, par les yeux des filles. C'est rare, l'absence de male gaze, cette déformation du point de vue masculin sur les femmes. Assez rare pour être souligné, surtout lorsque tissé tout au long d'une discographie sans jamais être décrypté."

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 168


STOP.

Première nouvelle, nous qui avions connu pendant si longtemps un Nicolas obsédé par le corps féminin, la puberté, et l'opposition fille/garçon. Encore une fois, jusqu'à cette mise à jour personne n'aurait su comprendre ce qu'il fallait comprendre ? L'époque n'est certes pas la même, mais la réécriture commence à ressembler à la malhonnêteté. Pas besoin de faire les poubelles de Nicolas pour relativiser cette idée sortie de nulle part.

"Votre idéal féminin ?
- Les filles à la sortie de l'école ! (rires) Non, je déconne. J'aime bien les petites qui jouent de la guitare, un peu androgynes avec les cheveux courts. [...]
Ce que vous n'aimez pas du tout chez une femme ?
- Les filles qui ont un chien. Parce que les filles qui ont un chien, elles doivent toujours aller le faire pisser, et ça, ça me casse mon rêve. Une femme, ça doit rester un mythe.
"

Nicolas Sirchis, Rock & Folk, mai 1994


Les femmes chez Nicolas sont majoritairement des objets esthétiques muets, et son attirance celle d'un hétérosexuel complet, notamment pour les lesbiennes.

"Avec Canary Bay, on nage en plein fantasme hétéro ?
- J'avoue, oui. Avec un côté Sa Majesté des Mouches, transposé dans une bande de gamines de vingt ans. Canary Bay, c'était la république des filles, des Amazones. L'île fantasmée où j'aurais bien aimé passer du temps." 
Nicolas Sirchis in Kissing my songs, 2011

 

"Oui, c'était une vision un peu adolescente Canary Bay, c'est pas le truc dont je suis le plus fier, un peu une vision un peu adolescente du fantasme euh, un peu masculin...
- Oui j'ai vu ça, mais pourquoi, un peu macho ?
- Masculin, masculin, rêver d'être sur une île déserte avec que des amazones... J'avais 17 ou 18 ans à l'époque."

Nicolas Sirchis interviewé par Bernard Montiel, RFM, 2021


Non, Nicolas n'a pas écrit "Canary Bay" à 17 ans.

"C'est toujours du hasard inconscient ! Et le chiffre trois... c'est vrai que c'est un fantasme de faire l'amour à trois, je le dis plusieurs fois dans des chansons, pourquoi pas ?"

Nicolas Sirchis, Tribu Move, janvier 2001


Oui, Nicolas a déjà eu une expérience de threesome, documentée dans Rock&Folk.

Mais selon les impressions de Rafaëlle, il ne serait donc question dans ses textes que de femmes fortes, de battantes, qui prennent et obtiennent. Certes, cet aspect batailleur peut s'observer dans certaines chansons de Mk1 :

  • "Leila" et sa  laponne émancipée, qui sans se soucier du qu'en dira t-on, devient reine de tous les Lapons...  (1982)
  • "Docteur Love" et son "héroïne", "armée jusqu'aux dents, les cheveux au vent face aux chiens, aux miliciens"... (1982)
  • "Kao Bang" et sa guerrière qui joue à ce qu'il ne faut pas faire (1983)
  • "Alertez Managua", et les caprices de sa protagoniste qui mord les garçons (1990) (Pas exactement un discours féministe...)
  • "Candy" qui prend son fusil et jette des bombes sur tout ce qu'elle trouve immonde(1993)

C'est tout.


D'ailleurs, l'autrice s'interroge au cours des pages de Wax, et propose une succession d'antithèses en guise de réponse, en abusant du pluriel :

"Que s'est-il passé dans les textes d'Indochine depuis les Lapones extasiées et les guerrières de 'Kao Bang' ? Rien. Indochine a toujours été comme ça, la violence en sous-texte, déguisées en sautillements, les pulsions de vie et de mort travesties en légèreté, les pensées intrusives contrefaites en impertinence prépubère."

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 221


Le sujet d'un Indochine qui aurait toujours été ceci ou cela selon le besoin du moment, a été largement développé dans Révisionnisme et malentendus. Mais un féminisme vieux de quarante ans n'avait pas encore été détecté.


Nicolas a beaucoup justifié ses textes, et ce à toutes les époques, comme des images, petits films, cases de bande dessinée et autres états d'âmes, envies et désirs. Ses personnages existent comme de simples photos : il est profondément abusif de prétendre qu'un message féministe a été tissé sur quarante ans sans être décrypté, et malvenu de chercher à injecter une narration et un discours qui n'existent pas dans l’œuvre originale. Qui plus est, sur la base de quatre chansons.

Marc Thirion dans Le Septennat, parlait de "Pavillon rouge" comme d'un hymne au féminisme.


Une lecture confondant ouvertement féminisme avec fascination pour la féminité. Jean-Eric Perrin, dans son livre officiel à lui, parlait d'une "ode au cunnilingus". Nicolas était de son côté bien plus terre-à-terre dans Kissing my Songs :
"J'attendrai quelques années pour devenir romantique... [...] J'avais acheté un recueil de contes érotiques chinois et j'avais été ébahi par la variété de termes utilisés pour parler de sexualité. Cela ouvrait des possibilités qui me correspondaient bien. Être provoc sans être grivois. Rester léger. Ce texte marque le début d'une envie d'écriture sexuelle."

Nicolas Sirchis sur "Pavillon Rouge" in Kissing my Songs, Nicola Sirkis & Agnès Michaux, Flammarion, 2012

Par ailleurs, si l'autrice a lu dans ce même livre que "Okinawa" était effectivement inspiré d'Annabella Lwin, le scandale autour de la trop jeune et très sexualisée chanteuse de Bow Wow Wow n'est pas abordé, pas même effleuré.

Voir : Le dernier tabou


Aveuglement et contorsions d'une fan voulant faire correspondre un coup de cœur pré-adolescent avec sa sensibilité ? Ou tentative éhontée d'introduire son héros dans un monde post #metoo par la grande porte au moyen de pirouettes rhétoriques ? Quelle que soit la réponse, tout le champ lexical féministe y passe.

Pourtant, les faits et les archives contredisent largement cette nouvelle mise à jour de la psychologie du chanteur. Selon celle qui a justement écrit pour Psychologies Magazine, comment doit-on comprendre le texte montré page 239 ?


Et en parlant de psychologie : les séances de Nicolas chez le "psy" sont évoquées, notablement pour justifier - encore une fois ! - son comportement dans les années 90. L'autrice ne souligne toutefois pas la différence fondamentale - la connaît-elle seulement ? - entre psychologie, psychiatrie et psychanalyse, qui ne sont pas des synonymes ! Cette dernière dont les bienfaits sont valorisés en sous-texte, mériterait pourtant que l'on s'y attarde davantage, notamment parce qu'elle est à la source de nombreuses controverses, pas uniquement d'ordre scientifique mais aussi moral.

En très bref : la psychanalyse a été reléguée depuis bien longtemps au stade de pseudo-science par la psychologie scientifique. Sigmund Freud n'est pas ce découvreur de l'inconscient auxquelles de nombreuses hagiographies voudraient faire croire.

Mais comme notre héros, il a mené sa vie sous le signe de la persécution et du défi face à des personnes soi-disant bornées et bien-pensantes, qui ne "comprennent pas" car elles ne souscrivaient pas à sa vision du monde toute personnelle et largement problématique. Si la psychanalyse a prouvé quelque chose, c'est bien sa dangerosité et ses dégâts sur la société, notamment à l'époque dite de la libération sexuelle où elle servit souvent de prétexte pour justifier ou encourager des comportements plus que déviants. Elle est en revanche toujours populaire dans les hautes sphères de la société (c'est très cher), entourée d'une mystique certaine et souvent vue comme la Rolls des psychothérapies qui irait au plus profond des choses. Elle est aussi souvent pointée du doigt pour affûter l'ego de personnalités publiques qui continuent à en faire la promotion face à des gens qui ne connaissent pas le sujet.

Beaucoup de points communs avec notre sujet préféré, assez pour finir sur la pochette d'un de ses albums. Quand bien-même son amour pour Marguerite Duras et son intérêt pour les jeux de mots et l'écriture automatique le rapprocheraient d'un Jacques Lacan : autre charlatan notoire adepte du vide déguisé en littérature, que toute approche sérieuse et scientifique doit renvoyer au musée de la psychologie.

Voir : 2009 - La République des Meteors

Sigmund Freud

Les étudiants ou travailleurs dans ce domaine (que nous ne sommes pas) ayant des affinités avec le monde indochinois, seraient inspirés de s'emparer de ce sujet à très haut potentiel : si Nicolas est un grand psychanalysé, alors il devrait y avoir encore beaucoup à dire. Et si nous décidions de jouer à ce jeu-là : que peut-bien raconter sur son divan un tel fils à maman, qui a tué son père il y a déjà bien longtemps ? Nicolas a-t-il résolu son complexe d’Œdipe ? Que peut-il bien lui avoir été conseillé pour sa vie personnelle ?

Voir : Annexes pour plus de sources, Le dernier tabou

Que pense l'autrice de la nouvelle Justine, à l'heure dite, et de l'inspiration du morceau du même nom ?

"Aujourd'hui ce qui m'intéresse dans la chanson 'Justine', c'est de parler des petites gamines d'à peine quinze ans qui se prostituent devant chez moi."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, janvier 2001

 

"Justine est une nouvelle fille sur la photo de classe des filles tristes d'Indochine, des filles tristes et fortes, parce que comment sont les filles ?"

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 245
 
Ou lorsque l'essentialisme le plus grossier révèle toute son imprécision, avec le toupet de ne même pas finir son énoncé pour laisser libre cours au fantasme. L'autrice est tout de même gonflée ! Est-on certain à 100% d'être dans un lieu safe ?
"Aujourd'hui, où en es-tu sexuellement?
- Pas mal, merci.
Je veux dire, tu es marié, tu as des enfants?
- Comme toutes mes fiancées sont trop jeunes - enfin, elles sont réglées, hein - je n'en ai jamais eu. Je me suis marié jeune avec une actrice, et divorcé jeune aussi. Il ne faut jamais se marier avec une actrice, des petites princesses qui s'évanouissent si elles n'ont pas leur thé à 5h !"

Nicolas Sirchis, 20 ans, septembre 1999

 Voir : Le dernier tabou


Comme une fille qui enlève sa robe
, vraiment ? Vue la nouvelle lecture, le clip de "Marilyn" - le préféré de Rafaëlle, selon une récente interview - serait-il donc inspiré par de la pornographie pour femmes ? Ce n'est pas exactement ce que nous avions compris.

"Marilyn", 2003

Au contraire, la pornographie féministe traite du désir et du plaisir féminins, et rompt avec le phallocentrisme et la virilité agressives, soit le male gaze dénoncé.

Mais il est forcément difficile de réévoquer ces années Parental Advisory avec le prisme proposé dans le parpaing. L'autrice donne l'impression de se réfugier dans l'abstraction pour expliquer la trivialité de cette époque, entièrement placée sous le signe du sexe et de la provoc.

"Marilyn, d'après Marilyn Manson - pseudonyme lui-même mixé de la blondeur virginale et de l'horreur - est un gang bang avant l'heure. Les murs cloutés du clip réalisé par Peggy M se rapprochent, alors qfilles et garçons se mêlent. Si le corps est un temple qui ne doit offrir aucune satisfaction, s'il ne doit être utilisé que pour la procréation, alors autant hacker le système et faire des enfants.
Le besoin de croire en quelque chose existe, malgré tout, et peut s'incarner dans la naissance, événement divin et unique ; encore une fois, le sale et le beau peuvent coexister, c'est le propre de l'art, et c'est probablement pour cela que l'on se retrouve à écrire des textes aux reflets échangistes avec un papier à en-tête Winnie l'Ourson.
"

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 281


En réalité, il est plutôt question d'un fantastique numéro d'équilibriste autour d'un album dit vierge et putain, qui dénonce une hésitation criante. Le commentaire décomposé ne raconte rien mais en beaucoup de mots, typique des discours délirants de l'art contemporain. La posture rappelle l'improvisation cafouilleuse de Nicolas sur ce sujet face à Léa Salamé. Les cartels verbeux sont déjà de trop pour vendre des œuvres vides, mais une posture esthétique brumeuse n'est pas une caution suffisante pour des comportements bas de plafond, même pour sauver les meubles. Surtout quand le shock rocker cité a été récemment accusé de manipulation et d'abus sexuels.

Le gang bang n'est d'ailleurs pas exactement la plus féministe des pratiques. Nicolas a toujours préféré ce terme à celui de partouze, qui est plus plausiblement ce qu'il avait en tête lorsque telle ou telle salle de concert devait s'apprêter à se transformer en "gang bang géant"...

Le monde pré-#metoo semble aujourd'hui très lointain. En ce temps-là, il était possible de se présenter comme un défenseur de la liberté des mœurs, en évoquant un certain regard d'artiste sur une sexualité extrêmement hétéronormée et des fantasmes adolescents. Nicolas se réjouissait alors de faire "grincer des dentiers" avec ses textes, et l'explique très largement dans Kissing my songs.

Le livre montrait encore en 2012 qu'Indochine était un groupe sex, rock & provoc. Et surtout sex. L'intérêt de Nicolas pour Placebo par exemple, ne s'arrêtait qu'à l'aspect insolent, suggestif et "pervers", et ses textes allaient beaucoup plus loin. Il en assumait même l'aspect franchement dérangeant, et regrettait d'avoir dû se battre pour faire accepter ses textes. Ceux qui osaient être choqués ne seraient que des bien-pensants, n'auraient pas compris.

"C'est vraiment une chanson sur l'acte sexuel, sur l'union par le sexe. Ce texte regarde un couple qui fait l'amour pour la première fois, regarde ce moment de la pénétration où physiquement, on ne fait plus qu'un. [...] No tabou ! Toujours mon goût pour les double-sens et la provocation."

Nicolas Sirchis sur "Unisexe" in Kissing my songs,
Agnès Michaux, Flammarion, 2012


"Oui, en effet, c'est un pas vers le prochain album, une chanson de sexe christique, une chanson de plaisir solitaire et de voyeurisme pur. J'ai truffé le texte de second degré. Ça sent même un peu l'humour noir. C'est hyper amusant de faire ça. Il y a ce côté impalpable du plaisir féminin. A t-elle joui ou pas ? Maintenant, avec l'expérience, je sais... Ah ah !"

Nicolas Sirchis sur "Halleluya" in Kissing my songs,
Agnès Michaux, Flammarion, 2012


"Il y avait aussi les textes des chansons, que je trouvais trop 'ado' et qui, après la naissance de ma fille, me gênaient."

Jean-Pierre Pilot in Le Roman-Vrai d'Indochine, Jean-Claude Perrier, Bartillat, 2005


En effet, si Nicolas avait déjà fait appel à une autrice pour esthétiser son intérêt prononcé pour la puberté et sa fascination pour l'initiation sexuelle des jeunes filles, le discours du parpaing est extrêmement différent.

L'agression sexuelle "Vibrator" est notamment présentée par Rafaëlle comme faisant partie du concept fumeux d'Alice et June et serait donc prononcée par une fille ! La tentative de confusion est astucieuse, mais tombe à l'eau au regard de la réalité de l'album, où il n'y a pas plus de concept, de rôles et de chronologie que dans les autres galettes. Pourtant, l'autrice du nouveau livre officiel en est encore à ce niveau de lecture abyssal basé sur un argument promotionnel flou et largement démystifié.

Voir : 2005 - Alice et June

"On est vraiment là dans le joyeusement pornographique."

Nicolas Sirchis sur "Vibrator", Rock One, 2005

"On a aussi rajouté quelques cris des vidéos amoureuses que Boris amène avec lui en tournée... (rires)"

Nicolas Sirchis sur "Vibrator", Rockmag, 2005


Avec les lunettes de l'autrice, "Les portes du soir" évoquerait l'initiation "d'une fille à l'autre", alors qu'il n'y a aucune ambiguïté sur son angle strictement masculin, avec le sexe féminin décrit comme une porte à franchir. Idem pour "Un homme dans la bouche", qui y est observé comme "paradoxal puisque l'histoire est celle de deux filles". Mais :

"'Un homme dans la bouche', c'est parce que j'aime bien la provocation. 'Blasphème mon corps, pourquoi je suis né comme ça ?' : ça fait longtemps que j'essaie de me mettre à la place d'une fille qui va avoir son premier rapport sexuel. C'est super violent pour une gamine d'avoir un gamin."

Nicolas Sirchis, Rock One, 2005

 

"C'est vraiment au départ une chanson gag, un petit peu au second degré sur le sadomasochisme. Je trouvais ça rigolo. J'imaginais un mec comme ça. J'étais tombé une fois sur 'Paris-Dernière', un truc où les mecs sont fouettés, et tu te dis 'Mais qu'est-ce que c'est que ce délire ?'. Je ne suis pas du tout SM, c'est pas du tout mon truc. Mais bon, de voir de temps en temps des filles avec des bottes en cuir etc, ça peut être intéressant."

Nicolas Sirchis sur "Adora", Rock One, 2005

Adora, 2006

L'Alice & June Tour est d'ailleurs décrit par Rafaëlle p. 326 comme la première tournée réellement concept d'Indochine. Une imbécilité qu'Olivier Gérard démonte sur la page d'à côté :

"On revenait à ce qui m'avait plu avec Indo : les concept albums, l'idée graphique totale, comme sur la tournée Péril Jaune, avec le parachute derrière eux."

Olivier Gérard, p. 327


Est-ce l'affection, la fascination ou même une certaine dissonance cognitive qui permet ici d'ériger un homme, cochant de nombreuses cases d'une caricature "hétéro-beauf", en défenseur de toujours de la cause féminine ? L'obsession de Nicolas pour le sexe opposé, rarement évoquée autrement que dans la binarité et les codes stricts de la séduction hétérosexuelle, ne doit en aucun cas être perçu comme un quelconque féminisme. Et en faisant preuve d'une certaine immunité face à la mutabilité du passé, il serait même possible de faire un tableau plus juste de la féminité dans l'imaginaire de Nicolas.

Mais le parpaing expose au contraire un monde simple où tout peut être relativisé, réduit au libre arbitre et à de simples choix, qui ne seraient jamais déterminés, où le consentement innocente les manipulateurs pour toujours.

Mais le male gaze est absent chez Nicolas, on vous a dit. Parce que Rafaëlle choisit de le voir ainsi, les descriptions crues d'actes sexuels, et les références visuelles à des femmes souvent jeunes et érotisées qui peuplent ses carnets de notes, doivent être dénuées de tout regard masculin. Parce qu'officiellement, c'est comme ça.
"Mais 'Anne et moi' c'est aussi Egon Schiele qui un jour, en peignant une toute jeune fille, s'est aperçu que son corps commençait à montrer les premiers signes de la puberté. Il en a parlé en utilisant l'expression 'manteau de nuit', comme si, dans cet indice, tout se refermait à jamais. Bouleversé d'assister à la disparition de l'innocence. Et moi j'imaginais cette petite fille dont le corps grandissait, se sexualisait..."

Nicolas Sirchis in Kissing my Songs, Nicola Sirkis & Agnès Michaux, Flammarion, 2012

Comment se fait-il que de telles sorties restent sans commentaire ?

Voir : Le dernier tabou


L'autrice a t-elle simplement lu les journaux d'époque, ou Rockmag est-il aussi vintage et dépassé que Best ? S'est-elle vraiment contentée d'écouter le Nicolas de 2020 ? Que penserait-elle aujourd'hui de Tallula, du cirque exhibitionniste de Boris Jardel à l'époque, et des hurlements de toutes jeunes filles qui avaient fini par faire partie du show ? Ou encore des filles (uniquement des filles) choisies pour tourner les pages du carnet de Nicolas, lorsqu'il n'avait pas encore de prompteur ?
"On a beaucoup ri des fans, encore plus des fans jeunes. On a beaucoup ri de ce que l'on appelle avec un peu trop de facilité, avec mépris, avec supériorité, les 'groupies'. Qu'est-ce qu'une groupie, sinon qu'une (généralement !) jeune (pas forcément) personne qui vit quelque chose de plus fort que lui, qu'elle ? Qu'est-ce qui fait vivre un groupe, un artiste, si ce n'est les groupies qui supplient et traînent leurs parents dans les fosses ? Qui se dévouent à leur groupe ? En vérité, on se moque des groupies, des fans, parce qu'ils représentent parfois la dévotion dont peu sont capables."

Rafaëlle Hirsch-Doran, p. 70

La dévotion demande donc des capacités supérieures ? En effet, l'argumentaire employé se situe entre la valeur marketing des consommateurs, et l'apport spirituel de la religion. La montée au créneau de l'autrice sur le terme groupie, plutôt que fan, est d'ailleurs étrange. Peut-être que pour elle, ce ne seraient que deux synonymes interchangeables, et donc par abus de langage, ce mot ne désignerait ici que des fans féminines critiquées du fait de leur sexe.

Pourtant, pas besoin d'avoir lu tout Pamela Des Barres pour savoir à quelle réalité, peu reluisante mais non négociable, renvoie l'idée de groupies dans la culture rock, et notamment glam. Et Nicolas le sait très bien :
"Les groupies ?
- On n'a jamais voulu donner là-dedans, mais quand tu vois deux mille gonzesses genre Cindy Crawford de quatorze ans, comme c'était le cas en Scandinavie, il faut avoir des nerfs d'acier pour résister !"

Nicolas Sirchis, Rock&Folk, 1994


L'anecdote des trois suédoises est connue, et la suite de l'interview reprécise qu'il ne s'est rien passé. Néanmoins il reste encore et toujours faux de prétendre que Nicolas est dénué de regard masculin. De plus, il semble que l'autrice ne s'est pas beaucoup renseignée sur le phénomène typiquement glam d'hommes hétérosexuels prenant possession des codes de l'univers féminin pour mieux le pénétrer. L'histoire de cette tendance du rock est d'ailleurs riches en groupies, qui étaient bien loin de n'être que de simples spectatrices.

"Les filles ne font pas attention à lui, alors qu'à cela ne tienne, Indochine deviendra la fille."

Rafaëlle Hirsch-Doran à propos de "Stef 2", p. 236


"Ce n'est pas une image dégradante et je pense que c'est du second degré, ce n'est pas pris au sérieux, c'est pour rigoler quoi ! En fait la chanson raconte l'histoire d'un mec qui veut absolument persuader sa copine de passer à l'acte pour la première fois au niveau sexuel, c'est pas évident pour une fille la première fois. Alors il dit 'ça va bien se passer, je serai aussi douce qu'une fille'. Et nous, on s'est habillé en fille pour contrecarrer le message et aussi pour s'amuser car on fait quand même du rock... Et l'on se rend compte à la fin du clip que l'une des deux filles, c'était moi !"

Nicolas Sirchis sur "Stef 2", MCM, 2001


C'est moche, mais on ne peut pas refaire la réalité du passé en changeant les mots. Textes et interviews contredisent cette théorie d'un mythique Nicola Sirkis épuré de tout regard masculin. Factuellement, le chanteur parolier ne produit que du male gaze avec un vernis de romantisme et d'esthétique, le rendant plus acceptable par de (très) jeunes femmes. Par contre, le travail de Rafaëlle expose au grand jour que la féminité n'est qu'une variable dans l'univers de Nicolas, ajustable au besoin et aux modes.


Par ailleurs, le chanteur a souvent confié ses préférences.

"J'adore travailler avec des filles. J'ai toujours aimé les filles avec une dégaine rock'n'roll, la guitare, la mèche de cheveux qui tombe..."

Nicolas Sirchis à propos d'Edith Fambuena, Télémoustique, 1992


"Ensuite (après Nirvana, ndlr), je dois dire que j'ai eu tendance à préférer Hole, sans doute à cause des filles..."

Nicolas Sirchis, Rocksound, 2000

Hole, 1998

Bien sûr, nous pourrions souligner qu'il a participé à mettre en lumière plusieurs groupes féminins. Mais jamais ces filles qui font du rock n'ont trouvé leur place dans les évocations de Nicolas pour leurs propositions artistiques ou leurs discours. Il n'a jamais su parler de ces femmes, au delà de leur apparence physique, de leur compagnie et d'une certaine audace... Une belle esquive pour ne pas rentrer dans des sujets complexes voire clivants qui le dépasseraient.

Et en se rappelant de la nécessité, trop souvent réclamée par Nicolas, de définir le rock par la composante sexuelle ou perverse, sous peine de ne pas avoir d'intérêt ou de valeur à ses yeux, cet attrait pour les musiciennes devient franchement malaisant.

Et Alizée en sait quelque chose.

Nicolas confesse dans le parpaing, goguenard, être "un connard d'hétéro". Il faut imaginer un homme blagueur et séduisant face à une jeune personne dont l'aspiration féministe lui était bien connue. 

Rafaëlle fut-elle choisie comme la fan qui allait lui permettre d'être officiellement safe ? Il est vrai que par le passé, Nicolas s'est questionné sur les limites à ne pas franchir.

"Je ne suis pas non plus le David Hamilton du rock ! [...] Il y a un retour à un ordre moral rigoriste. Ça peut me tomber dessus à n'importe quel moment mais je ne me mets pas d'autocensure."
Nicolas à propos d'Alice et June, RFImusique, 2005

Nicolas confiait d'ailleurs en 2005 dans Rock One à propos de "Adora", que son texte était rigolo, oscillant entre le bien et le mal, et que le monde avait probablement besoin d'une nouvelle philosophie par rapport à cette opposition morale. Mais si quelque chose devait lui tomber dessus, l'autrice du parpaing risque de tomber de très haut. À sa décharge, il est parfois difficile d'expliquer pourquoi le tamis de notre esprit critique laisse parfois passer de gros cailloux.

"Tout le monde utilise ce filtre très efficacement dans 99,9% des cas de la vie quotidienne, personne n'a vraiment besoin qu'on lui explique la méthode. Seulement, on a tous ce petit 0,1% des cas, à qui on octroie une sorte de passe droit, comme une carte VIP donnée sur mesure à nos sujets de prédilection, et qui leur permettrait de ne pas passer à la moulinette de notre propre esprit critique."

Christophe Michel, L'ouverture d'esprit et ses limites, Hygiène Mentale, 2014


Mais à défaut d'expliquer ce biais, il peut être utile de l'identifier.


Il y a une référence universitaire dans le livre. Pas un ouvrage ou une thèse, mais un simple mémoire de maîtrise en littérature francophone à l'UQAM : "L'évolution du rapport à la sexualité dans les chansons d'Indochine" par une certaine Joyce Baker qui a aussi suivi des cours en études féministes.

Il y est question des mots utilisés par Nicolas, apposés d'une lecture fantasque où la conclusion précède et biaise considérablement les faits : le chanteur serait un féministe de toujours, osant lui (!) parler de femmes qui choisissent, prennent et obtiennent. Et c'est tout. Rafaëlle n'ira pas plus loin et s'arrête à une citation qui ne sert qu'à appuyer des spéculations personnelles avec un vernis universitaire. Cette personne le dit aussi, donc j'ai raison.

Voir : Argument d'autorité et Biais de confirmation (Wikipédia)


L'étudiante québécoise, présentée comme chercheuse en gender studies, maintenant autrice et occultiste, est évidemment fan. La mode d'un certain ésotérisme ou même paganisme (notamment au Québec avec le mouvement Wicca et plus récemment encore les chamanes de TikTok) est un sujet à part entière, très intéressant au demeurant pour qui s'intéresse aux tendances récentes du féminisme à l'ère de la postmodernité. Mais cette attitude de "sorcière" assumée, "irrévérencieuse", exaltant l'intuition et le pouvoir féminins, est importante pour comprendre la mentalité de défi avec laquelle est écrit ce parpaing.

À noter que Joyce Baker cite largement Freud.

Voir : Shocking! En terres païennes (Méta de Choc) + Annexes

Rafaëlle, par Céline Nieszawer

La causerie provoquée braille des dissonances assourdissantes. Chronologiquement :

          Joyce : "Chez Nicolas le je est une fille" ; p 197

Rafaëlle : "Nicolas, qui réfléchit depuis des millénaires comme une fille qui enlève sa robe, va écrire la même chanson, encore une fois." ; p. 271

Nicolas : "J'y mets une part de moi, c'est évident [...] Je suis entièrement dedans, ce n'est pas un rôle que j'emprunte., un habit que j'intègre. Alice & June ce n'est pas moi, mais je suis proche d'elles. [...] Gang Bang aussi c'est moi, j'ai toujours eu des mauvaises notes à l'oral." ; p. 312

Nicolas  : "Le personnage que je suis dans mes chansons est le même que celui que je suis dans la vie." ; p. 357


Ne peuvent-il pas se mettre autour d'une table et trouver un compromis ? Quoi qu'il en soit, l'immense propension du chanteur à utiliser la première personne peut nous aiguiller vers la solution.

Voir : Moi je

Autobiographie ? Autofiction ? Personnages ? Rafaëlle semble ne pas très bien savoir comment faire, et nous ne pouvons pas l'en blâmer. L'impression d'inachevé, et d'ajout d'opinions et d'intuitions pour passer l'éponge plus rapidement, nous laisse en revanche beaucoup plus embarrassés. Tout autant que son utilisation jusqu'à l’écœurement des questions sans réponse et points de suspension, censés injecter du mystère pour créer du contenu artificiel et, admettons-le, remplir du vide. Ce point de vue est sûrement dû à l'absence d'une plus grande diversité de sources qui lui aurait permis une position expliquant de façon cohérente ces contradictions observées. 

Mais loin de se démonter, elle continue d'injecter le contenu manquant aux textes de Nicolas.  Un contenu actualisé comme une recette de saison, réinitialisant encore une fois Indochine en y faisant correspondre l'époque, plutôt que le contraire.

S'il est impossible d'avoir la version écrite définitive de la réalité, comment se fait-il que nous n'ayons jamais rien lu dans ce sens auparavant ? A l'époque d'Insolence Rock, nous apprenions que personne n'avait rien compris à l'attitude rock et provocatrice d'Indochine. Aujourd'hui, tout le monde serait passé à côté du féminisme de Nicolas ? Et ce pendant quarante longues années ?


Un scandale, vu que l'intéressé se présente lui-même comme un précurseur de #metoo :

"C'est la révolte du féminin sur le patriarcat. Je suis heureux de l'avoir fait avant de l'avoir senti venir..."

Nicolas à propos de la pochette de 13, p. 440


Un hasard du calendrier qui permet ici ce discours démentiel, adoubé par l'autrice qui y voit un Drugstar 2.0. Mettre des filles sur une pochette, une vieille habitude chez Mk2, devrait donc être perçu comme le symbole d'une passation de pouvoir d'un sexe à l'autre ? Cela fait pourtant de nombreuses années que Nicolas projette dans ses visuels ce qu'il observe en face de lui : un public en très grande majorité féminin, adulateur, dévoué et potentiellement soumis.

Voir : Le dernier tabou


Il n'y a d'ailleurs aucune ambigüité sur l'éjaculation buccale suggérée par la pochette de Dancetaria.

Dancetaria, 1999

Chloé Delaume n'avait donc rien perçu de ce féminisme. Même Thierry Desaules n'a pas mis ce sujet sur la table durant son entretien avec la jeune autrice, alors qu'en l’occurrence elle l'avait accusé, lui et les autres, de n'avoir jamais su décrypter ce féminisme. Et en effet, sa sélection de chansons pour L'ombre des mots (2008) exclut purement et simplement les quatre femmes fortes (!), tandis que "Pavillon Rouge" "entraîne l'auditeur vers des méandres extrême-orientaux tendance SM soft."

Voir : Les livres sur Indochine

"Dans les villages, du Moyen Âge jusqu'au XIXe siècle, les filles étaient prises pour des hystériques, on les brûlait ou les mettait au couvent, alors que les mecs c'était simplement les idiots du village. On a toujours cartonné les femmes et pas les mecs."

Nicolas p. 438

Nicolas veut-il une médaille pour avoir lu ou parcouru Sorcières de Mona Chollet ?


L'idée d'une ligne éditoriale à tendance "progressiste" aurait pu s'entendre si cela avait été traité avec plus de sérieux et d'honnêteté. Et surtout avec une méthodologie scientifique où les hypothèses sont confirmées ou infirmées par l'expérimentation, comme en sociologie.

Malheureusement l'autrice ne propose finalement que des commentaires composés avec une subjectivité triomphante, et l'envie marquée d'utiliser un certain vocabulaire et formules toutes faites. Par ce manquement, l'autrice du parpaing renvoie les sciences humaines et sociales dans ses pires travers ou clichés : pseudoscience, militantisme et refus de l'autocritique.

Où est l'enquête, que l'autrice disait avoir menée ? Un cursus en journalisme doit-il autoriser et crédibiliser un travail voulu comme non-journalistique ?

Rafaëlle, avec Les mauvaises nouvelles au premier plan.

De plus, Rafaëlle Hirsch-Doran ne cache pas son intérêt pour la justice, a participé à une association sur le genre et l’intersectionnalité, et retweete même Sandrine Rousseau. Elle se voit très certainement à gauche, au côté de ceux qui combattent les oppressions. Mais a-t-elle remarqué les fois où Nicolas a émis, avec le plus grand naturel, des phrases de vieux droitard ? Comme lors de cette interview, celle-ci ou dans le livre lui-même :
"Ma place de leader n'était pas contestée, mais en France on n'aime pas le patron."

Nicolas, p. 383

Le parpaing regorge de phrases hallucinantes, dont celle-ci :

"Mon grand regret, c'est que l'on n'aurait jamais dû se faire interviewer. Garder un côté mystérieux et secret. Là c'est foutu, on est rentré dans le moule."

Nicolas, p. 166


Trop d'interviews, peut-être trop de livres officiels aussi.

Voir : Les livres sur Indochine


Et derechef : 

 "Je me suis trop divulgué, j'aimerais retrouver cette part de secret..."

Nicolas, p. 357


Nicolas confesse donc qu'il aurait voulu être plus discret et mystérieux. La triste réalité de sa personne qu'il a laissé fuiter avec le temps ne colle pas avec l'image publique qu'il aimerait donner. N'ayant compris que tardivement la puissance du non-dit, il avoue avoir commis des erreurs de communication : si c'était à refaire, il irait plus loin dans la tromperie ! Il avait déjà estimé qu'un choix d'Erwin Olaf pour Singles Collection qui lui était incompréhensible, pourrait de fait devenir "mythique un petit peu"... Et révélait chercher à créer du mystère là où il n'y en a plus.

Voir : "3SEX" & Singles Collection 1981-2001


Mais malheureusement pour lui, ses traces existent. Il s'en rend compte : par sa spontanéité, il a offert des contradictions criantes et de nombreuses clés pour le comprendre, comme un livre ouvert. La simple consultation d'archives publiques suffit à démystifier l'affaire, et éloigner toute possibilité de mystère factice.


Pourtant :
"Me dévoiler, nous dévoiler, ne me ressemble pas."

Nicolas, avant-propos, p. 11


Rafaëlle s'est-elle seulement questionnée en retranscrivant de tels passages ?

Nicolas sait qu'il aurait dû la jouer comme Mylène Farmer, Daft Punk ou encore PNL. Car la presse écrite, comme Internet, est une mémoire commune et indélébile. La raréfaction des anciens livres du catalogue et la sortie de nouvelles bibles, à l'officialité lourdement soulignée, n'y changeront rien.

 "Who controls the past controls the future. Who controls the present controls the past."

George Orwell, 1984



La fin du livre nous laisse face à un avertissement, à l'attention des critiques passées et futures :
"'Nos Célébrations' dit qu'il ne faut écouter personne. Il faut apprendre, mais ne pas écouter ceux pétris de certitudes. La science infuse n'existe pas.
Il n'y a pas de piste à favoriser, pas de rigueur scientifique, de protocole et résultats. Mais il y a une infinité à explorer."

Nicolas, p. 475

N'est-ce pas contradictoire avec le travail demandé à Rafaëlle ?

N'est-ce pas contradictoire avec les prétentions sociologiques du livre, même partiellement assumées ?

N'est-ce pas contradictoire avec un Nicolas like a monster dont les fans boivent systématiquement les paroles, même les plus stupides, et une Rafaëlle "groupie" pétrie de certitudes, vendant 49€ une collection d'impressions personnelles ?

Kaa dans Le livre de la jungle, Disney, 1967

Le parpaing est un splendide exemple de la vampirisation de la production culturelle contemporaine par la philosophie postmoderne. En effet, dans ce paradigme, l'expérience subjective, le ressenti ou l'interprétation personnelle est une réalité plus légitime que les faits objectifs. Tout peut être redéfini au moyen d'acrobaties pseudo-intellectuelles, quitte à verser dans la malhonnêteté pour servir un camp. Et la contradiction apportée ou l'argumentation face à une croyance devient irrespectueuse voire offensante.
 
Par cet énoncé, Nicolas nous dit qu'il n'y a rien à comprendre ni même savoir, qu'encore une fois le sujet n'est pas là. Le monde indochinois continue d'exposer un sujet fantomatique qui serait invariablement ailleurs voire invisible, des interlocuteurs systématiquement à côté de la plaque, et par dessus tout, une histoire malléable à l'infini. Comme dans la religion.

Mais alors, doit-on s'attendre à un nouveau livre officiel en 2031 ? Où peut bien se trouver à l'heure où nous écrivons ces lignes, le prochain aède ?
"Nos textes sont climatiques et non idéologiques. En fait on crée une situation, et c'est au public d'aller plus loin, de fantasmer s'il le veut."

Indochine in Le Septennat, Marc Thirion, Carrère/Klan, 1988
 
Le fantasme est allé trop loin.


Nous avions déjà évoqué l'existence d'un puissant effet Barnum dans la réception des productions de Nicolas. Ce dernier laisse volontiers les autres injecter du contenu dans des "œuvres" qui auraient originellement autant de principe actif qu'un traitement homéopathique.

Et en argumentant dans cette direction, Rafaëlle donne, contre toute attente et probablement involontairement, raison aux détracteurs de Nicolas, qui ne verraient dans ses textes que des galimatias (pour reprendre l'expression de Chloé Delaume).

Écrire en substance que Nicolas ne serait qu'une coquille vide dans laquelle on pourrait mettre ce qu'on veut, nous laisse totalement abasourdis. Par un effet de comblement, le vide ne laisse alors place qu'à un sentimentalisme personnalisé, et encourage dangereusement la séduction par le spectacle de personnes plausiblement pas si fortes que ça.
 
 
Il est profondément irresponsable, pour une personne qui se dit féministe, de présenter publiquement un homme ayant une telle notoriété et un si jeune public, comme un saint qui aurait été purgé de l'idéologie sexiste ou de toute forme de masculinité potentiellement toxique. La fascination et/ou le dévouement n'autorisent en rien les œillères et la mise sous le tapis de tous les défauts et parts d'ombres d'une longue vie, finalement assez bien documentée.

Ne pas totalement correspondre aux normes virilistes n'implique ni une transidentité ni l'érection au statut d'homme déconstruit. Et une féministe sérieuse lui rabattrait le caquet lorsqu'il sort sans pression :
"Je suis en dehors de l'esprit masculin."
Nicolas Sirchis, p. 197


Rafaëlle s'est vantée de sa subjectivité par la suite, en traitant ses premiers détracteurs avec dédain. C'est très embêtant : bien que médiatiquement présentée comme journaliste (ou en tout cas, ayant suivi des études de journalisme), ayant fait un travail d'archive, la réalité du livre expose une communicante, souhaitant s'éloigner de la formalité journalistique. Il est donc question d'un monde merveilleux où tout le monde serait fan, où chacun aurait compris qu'il faut aimer et soutenir Nicolas, et où l'Histoire s'accorderait à Indochine plutôt qu'imaginer un collectif implanté dans une réalité plus complexe, ici balayée d'un revers de la main.

En l'état, Nicolas aurait quasiment inventé la french pop, le rock français et le féminisme. Peut-on se permettre de discuter cette lecture, ou est-ce faire scandaleusement obstacle à sa béatification ?

Nous le regrettons nous-mêmes depuis plusieurs années : il est difficile aujourd'hui de penser des études de journalisme sans un cursus de communication. L'un s'est mué dans l'autre. Rafaëlle fait très bien la com, mais très mal le journalisme. Elle est un cas d'école du problème : de nombreux aspirants journalistes sont devenus des communicants ou des passe-plats pour les agences de dépêches. Mais nous voyons le journalisme comme par exemple Mediapart plutôt que Konbini.

Mais comment voulez-vous appréhender un phénomène correctement lorsque vous n'avez aucune possibilité ni désir de perspective ? Comment voulez-vous appréhender sérieusement le monde si vous ne voyez et n'entendez tout que par Indochine/Nicolas ? Pourquoi faire une hagiographie lorsqu'on peut préférer un journal intime ou un roman ? Le grand problème du parpaing se trouve ici : une journaliste gonzo, groupie assumée, qui rapporte l'autofiction de son idole.

Nicolas donne l'impression de croire sincèrement que la vision des nouvelles générations est à chaque fois plus "pure" que la précédente. Elle serait moins biaisée, peut-être moins "pervertie" par les postures et les aigreurs dues au temps et aux frustrations. Mais nous pensons au contraire que le discours de l'époque, frais et sincère, prédomine sur les souvenirs, souvent déformés par le temps et les biais. Et ne partageons pas l'intérêt de Nicolas pour la jeunesse.

Évidemment le fait d'avoir vécu un phénomène au plus près ne garantit en rien une meilleure compréhension, même avec recul. En cela, nous nous pouvons nous accorder avec l'autrice qui se défendait sur Twitter face à des attaques sur son jeune âge ; en twittant notamment un très révélateur "désolé vieille branche d'avoir voulu viser haut jeune". Dans l'équipe travaillant sur le présent blog, personne non plus n'est fan depuis 1981 comme tant le prétendent (nous ne savions pas que le Rose Bonbon était si grand...), mais nous respectons le journalisme d'investigation et la recherche en histoire. Aussi faut-il bien plus qu'un an et demi pour traiter un sujet si dense.

Rafaëlle Hirsch-Doran semble aussi partager avec de nombreux fans d'Indochine de gigantesques lacunes qui l'amènent, malgré une sincérité certaine (qui n'est jamais un argument), à publier chez Seuil de trop nombreuses approximations, contrevérités et chimères, le tout avec un aplomb franchement pénible. Plus que l'âge, le problème est plutôt le peu de temps passé à travailler son sujet, le manque de sérieux et l'excès de confiance, qui peuvent en effet y être liés. Mais bien que décrit précautionneusement - dans la tradition de l'autofiction - comme un polaroid, il faudra bien assumer dans le temps ce texte ineffaçable.


"40 ans d'irrévérence", avons nous pu lire sur une publicité pour ce nouveau livre. Nous avions cru comprendre au contraire que le (love &) respect était une valeur dite indochinoise, mais soit. Et alors, une irrévérence face à qui ? En réaction à quoi ? Ne concerne t-elle pas que l'indosphère, qui ne sait pas exactement face à qui elle lève le poing, et à qui elle fait tous ces doigts d'honneur ?


Certainement pas au patronat, ni au capital. Mais la dite irrévérence montrée dans les paroles de Nicolas concernaient surtout les grandes personnes, donneurs de leçons, intolérants et autres vieux cons. Il a beaucoup écrit sur la mobilisation de jeunes gens en bande, la défiance et le rassemblement contre les méchants de ce monde.

"Je parle d'un combat général, ce ne sont pas non plus que des filles, que des filles guerrières, ce n'est pas non plus enfantin."

Nicolas Sirchis, p. 197


Au contraire, c'est extrêmement enfantin. Et plus encore en observant que notre héros ne parle que de sujets très vagues, dans un flux continu de paroles maladroites, et toujours "en général"...

Voir : le reste du blog


Nous avions fini par écrire (ici) que l'esprit indochinois (entendre nicolien) ne consistait qu'à vouloir emmerder le monde. Même si l'idée est simple en apparence, elle continue de se vérifier.

"C'est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde."

Boris Vian

Voir : Ceux qui n'aiment pas Indochine, Moi je


Cet évangile selon Rafaëlle est à ranger plutôt du côté des Indoreporters, Moderato Cantabile et autres Nico, et son seul intérêt - modéré - se trouve du côté des scans et de quelques interventions... D'autres livres que nous estimions dispensables ou décevants sont à côté beaucoup plus sérieux, et montrent que le fait d'avoir eu accès à des archives ne suffit pas pour comprendre cette histoire. Lâcher une étudiante dans une bibliothèque n'en fait pas magiquement une érudite, et le parpaing ne laisse que peu de doute sur le cheminement intellectuel encore chancelant de son autrice.

Rafaëlle, plus entrepreneuse que journaliste, confiait donc avoir voulu viser haut avec son livre... Et révéla avec plus ou moins de conscience avoir préféré un gros projet qui en jette, plutôt que vouloir approcher la réalité au plus près. L'autrice donne l'impression de n'avoir même pas imaginé que son livre pouvait être commenté autrement que par des torrents de cœurs dans des fils de commentaires. Que le sujet était sérieux. Il ne devrait s'agir que d'une binarité entre ceux qui ont compris et les autres, sans toutefois livrer de clé sur ce qu'il faudrait tant comprendre. À moins qu'il ne s'agisse en réalité que de foi, avec des croyants exaltés d'un côté et des hérétiques de l'autre.

"En vrai, je l'adore. Il a été long à faire, pas toujours facile, y'a eu des nuits un peu blanches, mais wow, qu'est-ce que j'en suis fière. Et encore plus dans les moments comme ce soir où je rencontre ceux qui le lisent et qui l'aiment, et l'ont compris."

Rafaëlle Hirsch-Doran @ Librairie Kléber, Instagram, novembre 2021


Voir : Ceux qui n'aiment pas Indochine

1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.
2 Il était au commencement en Dieu.
3 Tout par lui a été fait, et sans lui n'a été fait rien de ce qui existe.
4 En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue.

Évangile selon Saint-Jean


De très nombreux fans d'Indochine se sont montrés impatients d'acheter cette "bible", comme à chaque nouvelle sortie indochinoise, avec une dévotion particulièrement irradiante. Histoire d'ajouter à la collection, et se sentir à jour à propos d'une histoire mouvante où un crédo annule le précédent. Nous n'avons pas la naïveté de penser que la religion s'arrête aux portes des églises des bâtiments consacrés.


Mais la musique, avec ses autels, pélerinages et jubilés, ne devrait pas être une manière de combler ses moments de dissipation. Elle n'est pas la bande originale de nos éparpillements et distractions, autrement elle ne serait qu'un moyen pour nous duper dans nos moments les plus faibles, et renforcer nos erreurs en les esthétisant, comme à la messe.

"Non, le bonheur absolu n'existe pas, sinon ça se saurait ! Il faut juste se fabriquer son paradis à soi... Envers et contre tout."

Nicolas Sirchis, Rocksound, avril 2002


Les goûts musicaux ne doivent pas être qu'une somme d'effets contextuels et de biais de confirmation. Comme dit précédemment, la musique est un domaine suffisamment important pour y accorder du temps de cerveau. Si nous la voyons certes comme une échappatoire, elle nous servirait plutôt à nous échapper d'une large tendance à l'abrutissement.

Ce faisant, le texte du parpaing ressemble par beaucoup d'aspects à une sincère déclaration d'amour, et il n'est pas interdit d'imaginer un lien avec ce choix étrange d'un Nicolas de 24 ans en couverture.


La séance de photos promotionnelles réalisée par Céline Nieszawer est d'un certain point de vue étrange. La photographe semble avoir choisi une mise en scène façon "petit couple", parfois avec la demoiselle tête posée sur l'épaule de son partenaire. La photo ci-dessous révèle même Nicolas assis sur une chaise et Rafaëlle bien plus basse : une jeune fille de plus à ses pieds pour tourner les pages de sa partition. Nous sommes plus proches de Carla et son mari posant pour Paris Match, que par exemple Sylvie Simmons et Leonard Cohen en promotion pour la biographie de ce dernier.
 

Il est insuffisant de préciser dans sa communication, une fois le livre terminé, qu'il n'est pas à la gloire de Nicolas, étant donné que c'est le cas dans les faits ! Stéphane quant à lui, n'y trouve son rôle que dans la mort. Qu'aurait-il pensé d'un tel livre, entre fanfic et fantasy ? Sans parler de Dominique et des autres musiciens ? (voir annexes)

Les questions que nous posons dans cet article sont de vraies questions, peut-être la réponse se trouve dans les "heures de discussions" (p. 494) enregistrées par Rafaëlle. Mais à ce jour, nous n'en tirons aucune satisfaction et même une certaine tristesse : les analyses proposées sur ce blog continuent de se vérifier.

Jusqu'à preuve du contraire.


Voir aussi sur le blog :

Le dernier tabou

Un sixième livre officiel

Les livres sur Indochine


Révisionnisme et malentendus


Voir aussi : Noir(s) désir(s), et maintenant ? sur le blog de Sébastien Bataille

Annexes

Sur la méthode :

Jérôme Soligny est journaliste et critique musical depuis très longtemps et a été ami avec Bowie : il aurait pu se dire qu'il savait déjà tout ce qu'il y avait à savoir, et se laisser aller à l'écriture. Pourtant, l'exigence qu'il montra avec lui-même pour le travail colossal de Rainbow Man devrait servir d'exemple, face à la légèreté montrée par Rafaëlle Hirsch-Doran.

"La date de sortie du livre a été repoussée au moins deux fois, et je suis le seul responsable. J'avais mal estimé la quantité de travail qu'il a demandé. [...] Pour autant, même si raconter et expliquer, le plus rigoureusement possible, la genèse et l'enregistrement des albums de David Bowie, il était hors de question, dans mon esprit, d'agir seul. Musicien moi-même, j'ai jugé capital de céder la parole à ceux qui l'ont aidé à jalonner, à échafauder et à créer son œuvre. Pendant plus de trois ans et demi, j'ai interviewé des instrumentistes, producteurs, ingénieurs du son, assistants et techniciens qui étaient présents avec David Bowie en studio ou sur scène lorsqu'il a donné naissance à ses chansons et quand il les a interprétées en public. [...] En trois décennies de journalisme rock, j'ai aussi accumulé de nombreuses réflexions et opinions sur Bowie, émanant de ceux  que j'ai rencontré et je les ai incluses. [...] Mais collecter bêtement les dires ne saurait suffire. Les mémoires ne sont pas infaillibles et, en cours de retranscription, par respect envers mes interlocuteurs, sachant pertinemment qu'une 'histoire orale' livrée telle quelle et a fortiori déformée, peut desservir ceux qui y ont contribué, j'ai estimé nécessaire de rectifier ce qui devait l'être.

Jérôme Soligny, Rainbow Man Vol. 1, Avant-propos


Sur la psychanalyse :

Que vaut la psychanalyse ? (Méta de Choc), entretien de Jacques Van Rillaer avec Elisabeth Feytit, 2022)

Les illusions de la psychanalyse (Jacques Van Rillaer, 1981)

Le Livre noir de la psychanalyse (Catherine Meyer, 2005)

Psychanalyse : sale temps pour les charlatans (Sophie Robert pour L'Express)

 

 
 

La Tronche en Live avec Joël Swendsen (RIP) :



Sur l'ésotérisme :

En terres païennes (Méta de Choc), entretien de Marielle de Vlaminck avec Elisabeth Feytit, 2022


Sur les balivernes : 

Nous acceptons de laisser la science, infuse ou pas, de côté, mais peut-être pouvons-nous alors invoquer la pensée sceptique. 

Connaissez-vous le modèle NARA ? Il s'agit de quatre principes proposés par le zététicien Thomas C. Durand dans La Science des Balivernes (Humensciences, 2021) permettant à la fois de détecter les balivernes et d'expliquer le succès de la désinformation et la difficulté à rétablir la vérité. 

  • Le principe Narratif : la baliverne fait toujours une belle histoire à raconter.
L'histoire d'Indochine est romantique, simple à retenir et valorisante à raconter.
  • Le principe d’Attraction : la baliverne qui circule plaira toujours à quelqu’un, ce qui n’est pas garanti pour la vérité.
Le monde merveilleux et séduisant d'Indochine et de ses fans, les gentils contre les méchants. Au contraire, les faits loin de toute narration ne sont pas plaisants à lire ni à entendre.
  • Le principe de Résilience : la baliverne pirate le système immunitaire de notre esprit; nous nous employons à la défendre.
Toute attaque contre Indochine est une attaque personnelle. Ceux qui n'aiment pas Indochine n'ont pas compris, et c'est pour ça qu'ils critiquent. Je ne peux pas ne plus aimer, cela voudrait dire que je ne comprends plus, que je régresse, je serais un mauvais disciple !
  • Le principe d’Asymétrie : il faut beaucoup plus de ressources pour réfuter une baliverne que pour l’énoncer.

La légende dorée d'Indochine est simple, avec des éléments saillants. Sa démystification demande beaucoup plus de mots, de temps et de difficulté. Et c'est chiant. Notamment pour ceux qui ont quitté le navire.


Bullshit or not bullshit ?




En janvier 2022, une fois la communication du parpaing terminée, Rafaëlle poursuivit son travail d'archive en ressortant un vieux livre de voyage dédié à la péninsule indochinoise, publié chez Albin Michel. Elle s'amusa publiquement, avec une cohorte de fans, du vol apparent de la "typo d'Indochine".
"Jpp : un livre sur L’Indochine, avec la typo du groupe Indochine. C’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups !! ( j’imagine le graphiste en réu : « mais trop bien une typo toute faite!! Oui je l’ai trouvée sur une affiche avec des mecs à poil ET ALORS??! »)"

(Twitter)


Mais le livre est sorti en 1984.

Typographe est un métier éminemment respectable, et comme chacun sait la plupart des typographies utilisées en graphisme (ici le très classique Optima dans sa déclinaison Bold ; Optima Black pour le Meteor Tour) existent déjà préalablement. Cela se vérifie aussi pour les autres visuels d'Indochine, et un sujet existe sur l'Indoforum depuis de nombreuses années.

Une ânerie facilement évitable, très parlante sur le sérieux de la personne.


En juin 2022, Dominique Nicolas s'exprime sur Facebook :
Hello à tous,
Une réponse à vos nombreux messages concernant ma présence au Central Tour 2022 :
                           
Pas Invité - Pas venu
Les raisons de mon absence sur scène des 40 ans d’Indochine
Malgré les annonces de Nicola dans les médias « il peut même nous rejoindre sur la prochaine tournée »
J’ai donc envoyé un message à Nicola pour clarifier cette invitation au Central Tour. Sa réponse : « il pensait que je ne souhaitais rien faire pour Indochine ! »
On en est donc rester là, de par son manque d’ouverture sur ma démarche positive.
Je trouve dommage pour vous les fans qui auraient vraisemblablement apprécié ma participation.
Les co-fondateurs du groupe réunis après plus de 25 ans, auraient rajouté au caractère exceptionnel des 40 ans, ma présence de coeur vibrera malgré tout par mes compositions :
L’Aventurier, 3 Nuits par semaine, 3 Sexe, Les Tzars etc..
lors de leur résonance dans l’enceinte des stades du Central Tour.
Une réponse à mon silence concernant la biographie officielle des 40 ans du groupe Indochine :
Je reconnais avoir reçu une demande de la part de Rafaelle Hirsch-Doran, à laquelle je n’ai pas répondu favorablement.
Dans sa présentation, elle a évoqué une collaboration pour l’écriture du livre avec Nicola, ses recherches ayant majoritairement pour sources les archives et la mémoire de ce dernier, les liens de « subordination » et de fan à ses cotés, me m’ont pas convaincu de sa partialité journalistique.
De part ma nature précise, voir perfectionniste, le livre aurait mis en évidence certains points divergents voir contradictoires, qui n’auraient pas servi l’image « re-visitée » de Nicola au fil des années.
A la lecture de ce dernier ouvrage, en ma qualité de co- fondateur et compositeur pour la période de 81 à 95, je découvre un roman de fiction toujours plus éloigné de l’aventure Indochine, riche et tumultueuse, où la production d’archives sert à la mise en scène d’un scénario réécrit.
Je souhaite à Indochine de beaux concerts pour la célébration des 40 ans, et une pensée aux fans, sans vous, cette belle aventure Indochine n’aurait pas eu lieu.
À bientôt
Dom

Voir : Entretien avec Dominique Nicolas (Ouest France, juin 2022)

 
Et la réponse de l'autrice : 

" 'Subordination' toujours plus hein. J’aurais été un mec cinquantenaire (quinquagénaire, ndlr) ça aurait pas moufté mais évidement étant un petit moineau fragile j’ai été manipulée et utilisée. Putain mais quelle fatigue. Ce sexisme et cette condescendance crasses, de partout." 
Rafaëlle Hirsch-Doran, Twitter, juin 2022

Instagram, juillet 2022

En décembre 2022, possiblement en réaction à la sortie de Chaos Bang de Sébastien Bataille, les comptes officiels d'Indochine réaffirment l'officialité du parpaing.

7 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Un grand merci encore une fois pour ce texte instructif, enlevé et surtout référencé. Je partage globalement votre point de vue sur ce pavé hagiographique qui malheureusement n'apporte strictement rien sur le plan indochinois.
    Je me permets également de vous transmettre la chronique que j'en ai faite pour Forces Parallèles un webzine de bénévoles, non pas pour en faire une "publicité" déplacée mais pour souligner que vos mots ne sont pas nécessairement isolés et que quelques personnes ne voient pas le cas INDOCHINE à travers un prisme manichéen.
    http://fp.nightfall.fr/index_15382_indochine-rafaelle-hirsch-doran.html
    Encore bravo pour votre site qui stimule une réflexion nécessaire.
    Bien cordialement,
    Richard SUBERBIELLE

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  2. Merci pour cet article complet et édifiant qui résume très bien l'horreur que m'a inspirée la lecture de ce livre. La place prise par Dominique Nicolas, Jean-Pierre Pilot et surtout Stéphane qui comme vous le dites, est à peine mentionné si ce n'est pour que Nicolas puisse s'étendre sur les conséquences de sa mort, est tout bonnement ridicule.
    Merci aussi de remettre les choses dans leur contexte quant au prétendu "féminisme" de Nicolas. Il est assez simple de remarquer le changement de discours post-metoo, les anecdotes qui disparaissent des interviews, incroyable quand on sait que tout ce qu'il a pu déverser d'un sexisme bien de son époque dans des livres et d'autres entretiens... est totalement public. Comme vous sans doute, je me demande, à notre époque où les voix se libèrent et où on ne peut plus tout dire et tout faire (heureusement), s'il faudra attendre sa retraite et/ou son décès pour que "ça lui tombe dessus".

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  3. Vous devez lui vouer un véritable culte pour produire un travail aussi complet ;) Je taquine. A propos du sexisme, j'ai reçu un jour un email de la part d'une jeune maman qui fut fan et "goupie" en son temps lorsqu'elle avait 14 ans. Peut-être un peu plus, mais largement mineure. Elle et sa cousine étaient de tous les concerts (comment les parents ont-ils toléré cela, je l'ignore) et parvenaient à approcher mes frères, jusque dans les hôtels. Cette jeune maman m'écrit, je cite: "Stéphane se comportait respectueusement avec nous. Il était comme un père. Pour Nicolas, nous n'étions que des objets sexuels". Les jumeaux avaient déjà la trentaine à l'époque. Je dois avoir encore l'email quelque part. Vous savez certainement comment me contacter. Christophe Sirchis/Sirkis

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    1. Bonjour Christophe. Merci pour votre message, et aussi pour vos publications qui nous ont bien servi pour comprendre l'envers du décor.

      Vous avez dû comprendre que notre travail était dédié à Indochine Mk2, cependant le blog propose plusieurs autres articles qui pourraient vous intéresser.

      Bien à vous,
      SW.

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    2. En vérité, les agitations de Nicolas ne m'intéressent pas vraiment. Je ne suis pas non plus vraiment intéressé par les variétés françaises. Je me suis intéressé au groupe car leur réussite à partir de rien était touchante. Sans Dominique et sans Stéphane, rien ne se serait produit. Ce qui existe depuis 1995 n'a même pas le niveau du plus médiocre orchestre de bal qui soit. Les compos de Stéphane dénaturées dans son dos, les reprises approximatives des succès d'antan et les mièvreries commandée à des "talents". En revanche, je suis officiellement chargé par un document notarié acté en la présence de deux huissiers de justice de démentir les calomnies visant notre père, et il y en a, ainsi que de rendre justice du sort fait à Stéphane. Un tel acte n'existerait pas s'il n'y avait jamais eu de démarches offensives et destructrices à leur égard. Je ne comprends pas que l'on puisse faire autant de mal à deux membres proches de sa propre famille et surtout, je ne le pardonne pas. Affaire à suivre, donc.

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  4. 1/2
    Dominique Nicolas fait remarquer à quel point l'histoire du groupe est réécrite et modifiée dans le but de faire de Nicolas Sirchis le point central dominant de la formation. Je puis attester une nouvelle fois qu'il n'en était que le chanteur, auteur de textes pour la plupart piochés à droite et à gauche et que sans Dominique Nicolas et sans Stéphane Sirchis ce groupe n'aurait jamais existé. Sans eux, Nicolas serait plus que probablement aujourd'hui quelqu'un de totalement inconnu.

    Il serait intéressant de souligner également que l'histoire de notre famille a été déformée et présentée au public par Nicolas d'une façon totalement fantaisiste, mais également, ce qui est bien plus grave, à charge contre notre père. Nicolas prétends en effet, dès 1986 et entretient depuis, de manière directe puis indirecte qu'il nous aurait abandonnés et n'aurait pas subvenu à nos besoins. En réalité, nous lui avons été enlevés illégalement en juillet 1972, notre famille maternelle profitant de ce qu'il était en mission pour nous emmener de Belgique où nous résidions, vers la France. La frontière constituant à l'époque un rempart juridique, laissant notre père dans une horrible inquiétude durant plusieurs mois, ne sachant pas où nous étions et ni si nous allions bien. Si des lettres lui ont été envoyées, elles ont été postées en direction d'adresses erronées, comme quelques autres formalités lui ont été envoyées à des adresses où l'on était sur qu'il ne les recevrait pas, le faisant condamner par défaut en septembre 1972. Je laisse à l'appréciation des lecteurs de ce blog d'évaluer l'élégance du procédé. Notre père étant d'origine très modeste, de parents pauvres et d'origine étrangère faisait l'objet de manifestations de mépris de la part de plusieurs membres de notre famille maternelle. Cette dernière n'a pas manqué de nous endoctriner contre lui. Les archives de notre père auxquelles j'ai maintenant accès démentent par des centaines de pièces les propos de Nicolas à son sujet. Propos qu'il a demandé aux médias de publier depuis 1986, ancrant ainsi dans l'esprit d'un certain public l'image d'un père indigne qui est de sa part une pure invention. En effet, ces centaines de pièces prouvent que notre père se souciait de nous, n'a jamais cessé de subvenir à nos besoins et à ceux de notre mère. Parmi ces pièces, des virements bancaires pour notre mère, pour nous, pour les frais de scolarité, pour nos vacances, des courriers officiels et de nombreuses lettres de ses enfants, Nicolas, Stéphane et moi-même, le remerciant chaleureusement de 1970 jusqu'aux années 80 pour tout ce qu'il fait pour nous. La démarche de Nicolas est donc parfaitement hypocrite, calomnieuse et offensive. Je voudrais également vous faire part d'une anecdote qui pour moi fut déterminante, comme le fut un courrier que notre père nous envoyait dès 1977, expliquant la façon dont il avait été traité. Sa petite maison où j'avais encore quelques affaires d'étudiant a fait l'objet en 1986 d'une saisie par un huissier de justice à la demande de notre mère. La démarche était illégale, comme un tribunal l'a acté par la suite. Notre mère revendiquait une augmentation de sa pension alimentaire dans des proportions qui allaient bien au delà des moyens dont disposait notre père. Elle revendiquait également le paiement d'une pension alimentaire augmentée dans de fortes proportions pour Nicolas et Stéphane qui à l'époque gagnaient très probablement annuellement au moins 10 fois le salaire de notre père. Mes affaires personnelles ont été listées pour être vendues aux enchères sur la place publique. Notre père n'a jamais été remboursé pour la réparation de la porte d'entrée de sa maison, fracturée par l'huissier de justice envoyé par notre mère. J'ai été informé de l'opération un soir à Luxembourg où je venais de terminer la réalisation du journal télévisé. Notre père rentrait d'une mission. Il a du dormir à l'hôtel cette nuit là, aucun serrurier n'étant disponible dans l'immédiat pour lui permettre de rentrer chez lui.

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  5. 2/2
    Je voudrais également préciser que Jean Sirchis est entré dans la résistance dans les jours qui ont suivi le discours du général De Gaulle, très touché par cette phrase: "La flamme de la résistance ne s'éteindra pas!". Il fut à l'époque, avec d'autres camarades, l'un des plus jeunes résistants de France. Notons que les documents attestant de ses états de service antérieurs à 1944 furent subtilisés par notre mère en 1972 et confiés à un garde meuble auquel elle demanda vers 1979 de les détruire, ce qui fut fait . L'organisation de son groupe de résistance était à l'époque une entité indépendante juive dont la démarche première était d'aider des réfugiés de toutes les nationalités à quitter la France ou à se réfugier dans le maquis où notre père comme ses camarades recevaient une formation militaire dans des conditions extrêmement dures. Je tiens à votre disposition ses états de service de l'Armée Française qu'il a rejoint en avril 1944, son groupe de résistance y étant incorporé à partir de cette date. Après avoir participé en tant que combattant à la libération de la ville de Toulouse, il a servi ensuite en tant qu'appelé durant deux années, puis, en plus de sa qualité de fonctionnaire auprès de la Commission Economique Européenne, dans l'armée de réserve au sein des services de santé jusqu'à l'âge de la retraite, médaillé et félicité pour cela à de nombreuses reprises, notamment pour sa participation à de nombreux exercices pour le Service de Santé (témoignages de satisfaction à l'ordre du ministère, du ministre et de la division, nommé au grade de Lt Colonnel en 1981). Je tiens ces documents à votre disposition. Nous sommes bien éloignés de l'image du père indigne tel que Nicolas l'a créée dès 1986, probablement à la demande de notre famille maternelle et aussi pour se fabriquer le personnage d'un pauvre enfant sauvé par le rock n roll. Stéphane était outré par cette démarche et ne l'a jamais approuvée. Cela a contribué à instaurer le pire climat que l'on puisse imaginer au sein de notre famille alors que la solidarité aurait du prévaloir. Je puis attester que durant toute notre jeunesse, notre père n'a cessé de nous conseiller, de nous aider financièrement et de mettre à notre portée les moyens nécessaires à ce que nous puissions étudier dans le meilleur contexte possible. Je laisse également à l'appréciation du public la façon dont Nicolas se pose en victime après avoir tout fait pour aggraver le désespoir de notre frère Stéphane pour, en finalité, s'opposer à ce qu'il soit aidé, puis exploiter sa mort à n'en plus finir à chaque fois qu'il doit vendre ses productions. Si Nicolas publie quelques lettres écrites à notre mère depuis le Collège d'Estaimpuis, je dispose de toutes les lettres qu'il a écrites à notre père entre 1970 et 2000 car ce dernier me les a remises. Ces lettres prouvent chacune à quel point tout ce que Nicolas a pu dire sur notre famille constitue un ramassis de mensonges particulièrement hypocrites et honteux.

    Christophe Sirchis, le 10 juillet 2022

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