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1997 - Indo Live titre par titre


"C'étaient des concerts incroyables... Sans promo, sans titres à la radio, sans affiches."

Nicolas Sirchis, Un flirt sans fin, 2006

Les toutes premières images d'Indo Live montrent pourtant une passante bruxelloise devant une ribambelle d'affiches du Wax Tour. Si Wax resta en effet très confidentiel, Indo Live profita en revanche d'une importante publicité gérée par Une Musique, filiale de TF1.


Voir : 1996 - Wax


Si cette vidéo est une des plus vendues du groupe à ce jour, elle renferme un certain nombre de problèmes, visiblement très peu remarqués.

Nous nous contenterons de discuter le film du concert titre par titre, et vous laisserons le soin d'en tirer les conclusions que vous estimerez les meilleures. Les minutages correspondent aux vidéos de la chaîne YouTube d'Indochine.

***

Nicolas apparaît avec l'explosion de la musique d'Edward Scissorhands.


Mire-Live :

Le concert commence par des nappes de synthétiseur, suivies de la guitare de Xavier "Tox" Géronimi, connu notamment pour son travail avec Étienne Daho  : pour ceux du fond que ça intéresse, c'est lui qui tient la guitare sur Pop Satori et Pour nos vies martiennes... C'est lui la guitare de "Bleu comme toi", excusez du peu. 

Voir : Étienne Daho


Le visage de Nicolas est éclairé, ovation du public, il commence à chanter et le public répond positivement à ce morceau récent. Tout semble bien se passer jusqu'à "allez promener le chien" où le son change brusquement. Une nouvelle voix est en train de prendre le dessus sur celle que nous entendions jusqu'alors. C'est un Nicolas qui rechante en studio, en fait depuis le début du morceau.
 
2:58 : Confirmation à la fin du second refrain, où le "[hey hey !]" sonne très différemment. (Note : nous retranscrirons les éléments live [entre crochets] pour plus de lisibilité.)
 
3:09 : Le passage instrumental donne à entendre deux soli de guitare simultanés, conclus au vibrato.
 
Il y a deux guitaristes, nous direz-vous ? Allons, vous savez parfaitement que la guitare de Stéphane (qui ne comporte pas de vibrato) est coupée sur ce live, et qu'elle a été inaudible en façade plusieurs années, et que de toute façon on voit parfaitement ce dernier jouer des accords et non quelconque solo.

3:28 : "à faire un choix comme des acrobates" on voit Nicolas éloigner le micro alors que la voix sonne toujours.


Unisexe :

0:28 : Les onomatopées "[allez ! cha ! hou !]" sont live.

Cette fois on entend les deux Nicolas, celui sur scène et celui en studio, quasiment au même volume. On entend au début du deuxième couplet le Nicolas live se tromper dans les paroles, et le Nicolas studio les chanter correctement. Et avant le deuxième refrain à 2:07, le "rappelle toi la première foiiiiis" du Nicolas studio et le "[say !]" live se chevauchent.

Oui, à cette époque les technologies de modification des pistes vocales n'étaient pas aussi avancées qu'aujourd'hui : si on avait mal chanté le soir du concert, il fallait laisser tel quel ou tout refaire. Les exemples sont relativement nombreux, mais ici le montage est anormalement bâclé, et le mot est faible.
 

On le voit même à deux reprises chanter "attache-moiii" et s'éloigner du micro, alors que la voix continue de sonner. 

3:18 : "Iciiiiiiii[hey !]iiiii" 
 
3:25 : "nuit !" rajouté, Nicolas ne chante pas à l'image.

3:35 : "[juste ici pour rester zunis]" live, trop audible.

4:16 : "[Bonsoir tout l'monde ! Bienvenue sur le Wax Tour ! Est-ce que vous êtes prêts ? Vous êtes prêts ? Hey ! Sayyyyy !]", live évidemment. La différence de couleur entre les deux enregistrements saute aux oreilles.
 
Pour ceux qui savent faire un peu de son, sachez que si vous appliquez un effet de déphasage sur "Unisexe", vous shuntez la voix studio. Chose étrange, cette pirouette ne fonctionne que sur ce titre-là. Nous avions monté le résultat sur les images du live et l'avions posté sur Youtube, mais malheureusement la vidéo a été supprimée.

Stéphane, lui, gratte sa Mustang. Aucun son n'en sort, alors que le gros son de Tox remplit l'espace.


Les Tzars :

Nous savons dorénavant que le Nicolas qu'on entend n'est pas celui que l'on voit sur scène. Sa voix sonne très différemment du reste des pistes, ce qui rend la relativité de la synchronisation labiale encore plus perceptible et gênante.
 
1:48 : "[Woo !]" live
 
2:01 : "Les tyrans et leurs femmes ne sortent plus sans un garde du corps qui témoigne", les deux voix se chevauchent.
 
2:26 : Illusion que Stéphane joue ? Pas du tout, c'est le son de Tox.  

Juste après, un passage qui a été assez discuté par ailleurs : ce moment incroyable où Stéphane vient regarder son frère dans les yeux en le pointant du doigt, alors que ce dernier chante "et ses mauvaises fréquentations !".
 
"Les Tzars"
 
3:55 : On n'entend plus ici que le Nicolas studio, avec une réverbération marquée style "concert".
 
 
Trois Nuits par Semaine :
"Il faut bien être remplacé un jour... Cependant, j'ai remarqué que dans 'Trois Nuits par Semaine', le gimmick est souvent mal placé, et pas un ne le joue comme l'original. Le grand public ne s'en rend pas vraiment compte. C'est ce qui me fait grincer des dents, en souriant."

Dominique Nicolas, Platine, 2004

0:42 : "elle décidaiiiit" les deux voix se chevauchent très audiblement.

1:16 : "[Hep hep hep !]" live.

1:17 : Sur le plan large on voit Nicolas laisser chanter le refrain au public. Pourtant, on entend sa voix.

2:33 : "et je suis avec elle [hey !]"

2:51 : "mais bon dieu qu'elle est belle ! [...eeelle...] shhuayy !]"

4:07 : à l'image : "Trois nuits par semaine" / au son : "MAIS trois nuits par semaine", sur un gros plan de son visage.

de 4:48 à 5:40, tout ce qu'on entend est live. C'est un des rares moments du film où c'est le cas. 

6:06 : "[qu'elle est belle !...eeeeelle] shaayyy !"

7:05 : un accord fait par Stéphane à l'acoustique, audible.
 
 
La Main sur Vous :

Pourquoi ce choix horrible de télé filmée au caméscope ? Qu'y avait-il à cacher ? Possiblement, une coupe de cheveux étrange suite à un passage de serviette sur la tête.

Tendez l'oreille, on entend deux guitares lead sur toute la longueur du morceau, comme si l'ingé-son avait gardé une prise témoin. Pourquoi ?

La guitare acoustique, d'une propreté clinique, ne colle pas avec ce que joue Stéphane.


Les Silences de Juliette :

1:24 : Non, ce n'est toujours pas Stéphane que vous entendez à la guitare acoustique. Le son qu'on entend lorsqu'on le voit accompagner Nicolas sur "je t'écrirai tous les secrets que je sais" ne correspond ni à l'image, ni à un quelconque son live. Très plausiblement, plutôt Tox en studio.

2:51 : "On n'se quitteraaaaaaa[hey !]aaaa..."

4:51 : On voit et entend parfaitement que Tox est en train de jouer un solo, pourtant le gimmick de guitare qu'il jouait précédemment continue de tourner.

"Les Silences de Juliette"

Kissing my Song :

"[On va parler un peu de sexe !]", depuis assez régulier.

Stéphane absent de la scène au début, puis à la guitare acoustique... inaudible.

Vers 3:00 on entend un solo de guitare hurlant, qui ne semble pas venir de la guitare de Tox, puisqu'on entend aussi ses accords. Un overdub évident.


Satellite :

Stéphane ne bénéficie pas d'un décibel sur sa propre compo.  

1:45 : Nicolas chante "poser", comme le montrent ses lèvres à l'image, au lieu de "placer".

De 3:15 à 3:20 Nicolas chante autre chose en live, deux voix se chevauchent et ne correspondent pas.

3:50 : Les "[hiiiin]" et le "[AAAYAYAYA !]" sont live, dieu merci.

Énorme pain de Tox à 4:49.


Punishment Park :

Pilot semble au moins s'amuser.

1:52 : "son chemiiiiiiiii[teuh !]iiiiiiiin !"

2:08 : La note d'harmonica et le "Woo !" se chevauchent.

2:15 : Les poses "rock", si peu naturelles.

Des plans sur l'acoustique de Stéphane... Mais pas de son.

3:17 : "son chemiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii[hey hop say !]iiiiiiiiiin !"


Echo-Ruby :

Si l'on excepte la voix, c'est un morceau où tous les éléments sont live. Ça aurait presque collé si nous ne l'avions pas vu s'éloigner du micro à 2:55 pendant que le chant continue.

"Echo-Ruby"

Je n'embrasse pas :

1:34 : Ce soir-là, Nicolas a chanté le premier "je n'embrasse pas !", alors que le Nicolas studio choisit de le laisser au public... Sauf que le film le montre chanter au micro, et même assez franchement.

3:39 : Les beaux plans de la guitare de Stéphane, mais c'est Tox qu'on entend.

3:49 : Ici c'est le contraire : "je n'embrasse pas !" chanté en studio alors que le Nicolas live laissait chanter le public, comme on le voit parfaitement à l'image.

4:47 : "Un peu d'enviiii[shusayyy!]iiie..."

Les "oooooooohh" sont studio, entrecoupés de "[plus fort !]" et de "[say !]" live.


Drugstar :

Nicolas à la guitare avec des plans valorisants. C'est son morceau à lui !

Dimitri au saxo, qui rejoint Pilot pour des sons cuivrés. On entend mieux son saxophone vers 4:13 (il joue les notes graves). La retouche vocale est globalement propre.

"Drugstar"

Révolution :

Longue introduction festive pour cet autre morceau composé par Nicolas (toutefois absente du CD).

Tox très "edgien", et surtout la guitare acoustique audible de Stéphane ! Pilot reçoit une belle ovation du public pour sa présentation, à juste titre. Yann Cortella, ancien batteur pour Alain Bashung, ne vient absolument pas "de Grande Bretagne" mais simplement de Bretagne.

La présentation de Stéphane est en revanche virée au montage : "Le plus voyou !" à quoi ce dernier répondit en désignant son frère : "et lui, l'intolérable !". Pourquoi ce choix ?

À savoir que sur le CD, la choriste Tina Hersan est rajoutée et même créditée... Chose qui n'a tout de même pas été osée sur la vidéo.

À 5:34 on entend et voit très distinctement les strums (grattements sur sa guitare) de Nicolas, totalement arythmiques.

 
Des Fleurs pour Salinger :

Assez peu d'éléments live là-dessus. La grosse séquence basse rapide est un ajout studio.

1:04 : Entrée d'un overdub de guitare. On serait tenté de croire que c'est Stéphane, mais cela ne correspond ni à ce qu'on voit à l'image, ni à un son live. La preuve par ailleurs : à 3:15 il s'arrête, tape dans les mains, et on entend quand même la guitare.

À la toute fin, le micro tombe...


Canary Bay :

...C'est pour cela qu'on le voit cabossé.

3:00 : Nous sommes à la recherche d'un spécialiste en lecture labiale.

4:39 : "comme elles voulaient" à l'image, "quand elles voulaient" au son...

5:42 : Un moment assez commenté par ailleurs où Stéphane semble se plaindre, comme d'un problème de son. (tu m'étonnes)

6:15 : On entend les deux Nicolas au même volume.

6:28 : "vivaient" à l'image, "s'aimaient" au son.

6:38 : Le Nicolas studio chante "bay !" et le Nicolas live chante "[baaaaaaayyyyyyyyyyyyyy !]"


Monte Cristo :

"C'est l'heure où..." : on entend bien les deux Nicolas.
 
Y avait-il une blague entre les jumeaux avec "les plus voyous" ? On voit Stéphane se montrer du pouce.


2:08 : Le "[oh !]" est live.

2:23 : "Où tu voulaiiiis !" : On voit Nicolas qui ne chante plus mais la voix continue de sonner.

"Monte Cristo"

3:07 : Nicolas repart trop tôt, les musiciens doivent se caler sur lui.

4:22 : "Chay chayyy" live, "Monte Cristooo" studio.

Le morceau se termine sur un fondu au noir.


Mes regrets/3e Sexe :

Pourquoi ce fondu ? Parce que "La sécheresse du Mékong". Nous vous rappelons que contrairement à ce qui est annoncé, le concert n'est pas intégral.

En piano/voix, la tambouille live/studio s'entend forcément moins.

0:52 : Le deuxième "à quoi bon" semble rajouté, on voit Nicolas baisser la tête.

0:59 : "[VIIIIIE]" on entend les deux Nicolas.

1:25 : Sa bouche ne prononce clairement pas "je dis des mots stupides". Une bafouille ? 

3:09 : "Des tenues charmantes" on entend deux "t"

4:07 : "Une fille au masculin"... Mais on voit clairement sur le film que les mots "au masculin" ne sont pas chantés.

5:36 : "Un garçon au féminin / [Vas-y à toi say]", deux sources vocales vraiment très différentes. Tout est live jusqu'à la fin du morceau... Et on entend parfaitement la différence de son, flagrante.


Tes Yeux Noirs :

Pourquoi de nouveau un fondu ? Ici nous n'avons pas la réponse...

0:43 : Un son de guitare acoustique qui tourne, et ne correspond pas à ce que fait Stéphane.

Le sifflement qui retentit prévient un malaise dans les premiers rangs. Un autre malaise survient plus tard, et le morceau se déroule dans une ambiance globalement mauvaise. Nicolas s'approche avec une bouteille d'eau à 3:38 mais prend son temps, Stéphane le presse, ce qui semble l'agacer.

Un nouveau fondu...


L'Aventurier :

On voit une fille dans les bras de Nicolas... Mais sur quel titre ? Réponse, "Peter Pan", et cela explique le fondu précédent.

On remarque à 1:35 que Nicolas est aux côtés de Jean-Pierre Pilot. Oui, sur cette tournée il avait l'habitude de jouer l'intro de "L'Aventurier" avec son claviériste. Il n'était en revanche pas ou peu audible. Nous ne savons pas pourquoi ce moment n'est pas montré sur le film.

Comme Stéphane, que nous n'entendons toujours pas. Tox est en revanche gonflé aux hormones, on dirait qu'ils sont trois guitaristes à jouer le riff de "L'Aventurier".

à 4:25, le "[chhay]" est bien sûr live, le "[saaah]" à 4:41 également.

"L'Aventurier"

5:15 : Difficile bien sûr d'interpréter une émotion sur une seule image au sein d'un film si complexe, mais Stéphane semble au bout du rouleau.

Sinon, le Nicolas studio chante correctement.

***

Au terme de ce film, nous sommes embarrassés et perplexes devant tant de questions laissées sans réponses. Comment se fait-il que personne n'ait rien remarqué ou rien dit ? Comment l'ingénieur du son Stéphane Kijek a t-il pu rendre une copie si bâclée ? Est-ce Nicolas, crédité au mastering mais pas au mixage (...?) qui a exigé ces choix incompréhensibles ? Et quid de Stéphane ?

1997

Comment se peut-il qu'Indo Live se soit aussi bien vendu, et soit encore à ce jour si apprécié des fans ? Comment peut-on vendre un tel produit dans le commerce, contre de l'argent ?
 
Un enregistrement pirate audio et vidéo existe pourtant, jalousement gardé par quelques cerbères qui ne souhaitent pas que ce trésor devienne accessible à des "fans de seconde zone" et/ou ne veulent pas faire de tort à Nicolas. Il serait pourtant immensément intéressant de monter l'audio du bootleg sur les images du film. Les fans ne seraient-ils pas intéressés, ou ne verraient-ils pas l'intérêt ? Ce DVD leur suffit-il, vraiment ? Aurions-nous tort de préférer le vrai au faux ? 
"C'est le show tel quel, vraiment sans trucage euh, de la tournée d'Indochine."

Nicolas Sirchis, Le Mag MCM, 1997

Bien sûr, tout à fait.


Un pseudo-live qui aurait selon toute logique dû torpiller Indochine. Mais bien au contraire il les a relancés - un autre mystère -  et seulement deux ans plus tard sortait le très respecté Dancetaria (1999).

Voir : 1999 - Dancetaria

"La remontée avait commencé avec 'Indolive', une compilation déguisée bien matraquée... C'est logique : un titre locomotive, le rouleau compresseur marketing mis par Sony, une tournée triomphale, un Bercy..."
Dominique Nicolas, Platine, 2004
 
Le titre locomotive dont parle Dominique était bien sûr "L'Aventurier", single extrait pour promouvoir le film. C'est ce titre en single edit qui sera joué lors de télévisions surréalistes, en playback.




Admirez Stéphane Sirchis jouer en playback sur un titre dans lequel on ne l'entend pas.
"Comment réussir à chroniquer Indo Live sans vexer plein de gens, Indochine, leurs amis, leur maison de disques, leur public ? C'est impossible, mais l'important est d'avoir essayé."

Jérôme Soligny, Rock & Folk, 1997


En 2004, Olivier Gérard expliqua le son fouillis de 3.6.3. par les mots suivants :

"Le public est habitué à entendre du faux live où tout est enregistré avec un son magnifique de studio. Ce n'était pas ma volonté de sortir ce genre de disque douteux." 
Olivier Gérard in Insolence Rock, Sébastien Michaud, Camion Blanc, 2004


Voir aussi sur le blog :

1996 - Wax

Nicolas et la guitare

Révisionnisme et malentendus

 

Annexes :

Reportage d'MCM à l'Ancienne Belgique le soir d'Indo Live. On peut y voir des images du concert, filmées depuis un autre angle et avec bien sûr le son en direct. Forcément, cela ne ressemble à rien de ce qui est montré dans la vidéo officielle, c'est même assez catastrophique.



Nicolas et Stéphane Sirchis, lors de la remise du disque d'or par Jean-Pierre Foucault, 1997

Nicolas et la guitare

La maison vous propose aujourd'hui une chronologie de Nicolas à la guitare. Nous essaierons ici de ne pas rentrer dans un vocabulaire trop technique afin de ne pas exclure ceux qui n'auraient pas ces codes. Il reste malheureusement vrai que ceux ayant quelques notions en guitare et en musique se verront avantagés quant à la compréhension du problème.


"Vous étiez magasinier ? - Moi je mettais les cartons, et puis j'envoyais ça, pendant deux mois, pour me payer une guitare. Et j'ai été aussi employé aux écritures à l'EDF."

Nicolas Sirchis interviewé par Nikos Aliagas, Europe 1, 2017

L'histoire est satisfaisante à entendre : elle correspond au mythe rock du mec qui sue sang et eau pour se payer son instrument. C'est pourtant un grossier mensonge.
"Ensuite j'ai travaillé trois mois à l'EDF, pour me payer une école privée encore plus chère, l'école Port-Royal, pour passer mon bac."

Nicolas Sirchis in Indochine, Jean-Eric Perrin, Calmann-Lévy, 1986

Ce passage à l'EDF, pour se payer Port-Royal, est aussi relaté dans Le Septennat, sans jamais mentionner quelconque guitare.  Que ce soit clair : Nicolas n'a pas joué de guitare pendant les années 80, il était plutôt au synthétiseur. Starmustang nous apprend qu'il en a reçu une en 1973, en même temps que Stéphane. Ce dernier en a beaucoup joué à cette époque, apprenant et expérimentant en compagnie de leur grand frère Christophe. C'est ce dernier qui aura récupéré la guitare de Nicolas, vite abandonnée.


Nicolas achète sa première guitare, ou plutôt la fait acheter vers 1990, une Gibson ES-335.
"À cette boulimie de lecture, vient également s'ajouter un intérêt croissant pour la guitare, instrument jusqu'alors strictement réservé à Dominique et Stéphane.

Nicola Sirkis : 'À l'époque, je suis tombé amoureux d'une actrice qui était aux États-Unis. Quand elle s'est retrouvée à Nashville, je lui ai dit : achète moi une Gibson ! J'aurais très bien pu en acheter une moi-même avec l'argent que j'avais, mais je savais que c'était moins cher là-bas ! Elle me l'a ramenée, je me suis acheté des partitions, et pendant trois ans j'ai appris à en jouer tout seul.'"

Nicolas Sirchis in Insolence Rock, Sébastien Michaud, Camion Blanc, 2004

Le choix du vocabulaire est toujours très judicieux, dans cette hagiographie supervisée par Nicolas. Expliquer que la guitare était un instrument strictement réservé à Dominique et Stéphane suggère une idée selon laquelle Nicolas se serait émancipé des deux guitaristes qui le brimaient, et aurait alors pris son envol musical. La réalité est beaucoup plus simple : Dominique et Stéphane savaient jouer, pas Nicolas.

La Gibson ES-335 est une guitare luxueuse, bien plus que les fameuses et plus abordables Fender Mustang, destinées aux étudiants et ayant beaucoup fait pour le son d'Indochine avec Dominique et Stéphane. Ce choix par Nicolas d'une guitare plus typée blues/rock participe de sa volonté de changer le son d'Indochine, et aussi changer son image à lui.


1992 est donc la première année où Nicolas se pointe avec une guitare, et il avait une connaissance suffisante des accords basiques pour faire le taf. On voit aussi la Gibson dans le clip d'Alice dans la lune, mais cette fois avec un Nicolas mimant des accords imaginaires. Un comportement étrange, pour quelqu'un qui prétendait avoir appris à jouer en autodidacte pendant trois ans. Doit-on y voir un effet Dunning-Kruger ou le premier aveu que l'instrument n'est pour lui qu'un accessoire de mode, un vêtement parmi tant d'autres ?

Voir : 1992 - Dans la lune

"On débute l'écriture des chansons, Dominique vient chez moi, on fait "Savoure le rouge", "Sur les toits du monde"... Entre-temps je m'étais mis à la guitare, pas jusqu'à rivaliser avec lui bien sûr, mais j'avais une guitare entre les mains, je faisais deux ou trois riffs... J'étais dans la simplicité et l'efficacité, et lui dans l'exact opposé, il voulait compliquer les choses au maximum, pour 'élever l'art mineur'. Donc ça a donné des résultats assez bien.
Nicolas Sirchis, in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011

Ici, Nicolas tacle Dominique en le faisant passer pour un compositeur outrancier, et se donne le rôle du punk privilégiant l'efficacité à la complexité. C'est aussi une manière de surligner une implication dans la musique, le tout dans un cadre évidemment officiel. C'est pourtant un mensonge : Nicolas faisait peut-être "deux ou trois riffs" avec "une guitare entre les mains", mais comme en témoignent les crédits, Dominique est bien le seul compositeur de l'album, qui n'a rien d'alambiqué ou d'excessif.
"À cette époque, je commence à vraiment toucher à la guitare et à m'apercevoir que je peux en sortir des choses. J'ai pris des cours et je me suis mis à jouer plus." 
Nicolas Sirchis à propos de Wax in Kissing my songs, Agnès Michaux, Flammarion, 2011 

Et c'est vrai, il avait emmagasiné un petit savoir-faire sur l'instrument, et plaçait même des accords au dessus du niveau d'un débutant. Malheureusement, par flemme, désintérêt ou présomption, ces acquis fragiles ne tinrent pas sur la durée.


Sur le trop fameux Indo Live, Nicolas tient une acoustique douze cordes sur trois titres. On peut dire qu'il fait le job, malgré quelques approximations et arythmies très audibles. Mettons ici les pieds ans le plat, et disons clairement que deux guitares suffisaient. Nicolas n'aurait aucunement eu besoin d'un instrument si Stéphane avait eu du son sur le sien. L'illusion commence à naître, selon laquelle ce serait Nicolas et seulement lui qui porterait la musique d'Indochine. Nous voyons sur des morceaux comme "Drugstar" ou "Révolution" (ses premières compositions pour Indochine) que le montage n'est pas avare de plans sur sa guitare. Les morceaux composés par lui sont en effet traités de façon particulièrement valorisante, ce qui est depuis devenu une constante.


En d'autres termes, sur Indo Live, Nicolas utilise à son avantage ce qui est fait pour décrédibiliser Stéphane, qui ne compte que très peu de plans sur lui et dont la guitare est délibérément absente. On voit largement plus Xavier Géronimi, ici simple musicien de scène.

Voir : 1997 - Indo Live titre par titre


Les Divisions de la Joie comporte beaucoup de points communs avec Indo Live. Le niveau de la guitare acoustique de Nicolas y est très faible, tandis que celui de sa nouvelle ES-335 rouge est inexistant
 
Nous vîmes aussi arriver à cette époque une belle Gretsch figurante, sur laquelle Nicolas faisait de grands moulinets, à la manière de Brian Molko. Ce sont pourtant les membres de The Cure qui semblent avoir influencé ce choix, Nicolas les ayant vus plusieurs fois à cette époque et estimé qu'ils avaient de belles guitares.

Voir : The Cure

"Manifesto", 2000

Quant à lui, le clip de "Stef II" réalise un petit tour de passe-passe : il offre une jolie succession de plans sur la guitare de Nicolas, pour créer l'illusion que c'est lui qui joue le gimmick, alors que c'est la guitare solo qu'on entend... La pirouette fut même réutilisée dans le film Les Divisions de la Joie ! Pourtant, une seule guitare suffit amplement pour jouer ce titre, Nicolas ne se sert de la sienne que pour le style.

L'année suivante, le passage d'Indochine au Hit Machine constitue un vrai instant gold. Boris Jardel ayant des obligations ailleurs, Nicolas dut remplir seul le rôle de guitariste pour ce playback. Nous voyons sur la vidéo que comme il a oublié son capodastre, il joue les accords qu'il connaît mais dans la mauvaise tonalité ! Sur la fin de ce morceau très influencé par Oasis, il mime le solo en faisant strictement n'importe quoi.


Voir : 1999 - Dancetaria


En 2002, une Fender Jaguar atterrit dans les mains de Nicolas, une pirouette pour ressembler visuellement au groupe Placebo sans les points communs musicaux, mais avec les autocollants. Et comme ça ne suffisait pas, l'autre guitare de Brian Molko, une Gibson SG rouge, rejoint peu après son arsenal.

Voir : Placebo


Sa guitare ne servait toujours à rien. Aujourd'hui encore, il n'en joue que sur les morceaux rythmiquement assez droits pour qu'il s'en sorte avec le chant. Il était par exemple impensable que le trop syncopé "Marilyn" ou encore "Adora" permette à Nicolas de chanter avec une guitare. De même, les partitions sont toujours recalibrées pour son niveau stagnant : des accords simples en haut du manche, parfois avec un capodastre pour simplifier davantage. Enchaîner des accords barrés, soit la première résistance que rencontrent en général les débutants, restera toujours pour lui une difficulté majeure.

"Electrastar", Solidays, juillet 2002

"Le doigt sur ton étoile" et l'intro de "Popstitute" (doublée au synthé pour épaissir le son et limiter la casse) furent à l'époque de Paradize ses seuls guitar moments. Des motifs qui tombent sous les doigts, d'une simplicité enfantine mais efficaces pour des plans indie rock. Le volume de sa guitare était alors monté par l'ingénieur du son au moment opportun, et Nicolas bénéficia sur DVD d'un montage vidéo très généreux.

On distingue légèrement le son de la Jaguar sur le "Electrastar" du 3.6.3, un son clair, très métallique, noyé sous le déluge. Contrairement à une idée largement répandue, le gros son saturé qui remplit l'espace est celui d'Olivier Gérard. Il jouait aussi à cette époque une version acceptable de "Un singe en hiver", bien qu'il oublie ici une partie des paroles - que le public chante pour lui. Soulignons la représentation du dernier ancien d'Indo à travers ce seul-en-scène très calculé, censé créer sympathie et compassion.

Voir : 2002 - Paradize


On trouve une séquence amusante dans les bonus du 3.6.3, un plan très flatteur de Nicolas avec sa Jaguar mais avec le son d'Olivier, créant l'illusion que c'est lui qu'on entend. Et devinez qui réalise le film ?

"Les Portes du Soir" avec un instrument figurant, 2006


En 2006, "Alice & June" et son rythme trop sautillant cantonnent Nicolas au chant. La Jaguar fut repeinte en noir - Nicolas le regretta - pour coller au visuel sombre de l'album, et servit comme accessoire pour "Les Portes du Soir", sans volume. Nicolas y jouait une transposition en accords basiques, alors que ce morceau à la couleur alternative rock ne se joue pas du tout comme ça. Les morceaux où Nicolas jouait étaient alors les plus droits rythmiquement, "Ladyboy", "June", "Sweet Dreams", "Starlight", "Black Page". Il utilisait tour à tour la SG et l'ES-335, changer de guitare n'ayant pourtant aucun intérêt sonore puisque son volume restait à zéro, sauf à quelques moments-clé.

Comme sur l'intro de "Black Page", parfois cacophonique !


Cette inaptitude à progresser n'empêche cependant pas Nicolas d'avoir une pleine confiance en lui, et une Gretsch luxueuse fit son apparition en 2007, baptisée à Arras sur la fin de l'Alice & June Tour. La guitare est très élégante sur les photos, mais il restait rare qu'on profite du son...


Voir : 2005 - Alice et June


En 2009, l'intérêt pour Placebo ayant diminué, il n'y avait plus aucune raison pour Nicolas de se montrer avec une Jaguar, ce fut donc l'occasion de la ranger définitivement au placard. Nicolas préfère les guitares plus chères, et la Martin D-35 Johnny Cash qu'il s'offrit à l'époque se négociait à l'époque entre 3000 et 4000€. Nous l'entendions toujours rarement, sauf aux fameux moments-clé, par exemple le pont de "Little Dolls" ou "Bye Bye Valentine". Il était également audible sur la réorchestration de "June" : en effet il se mit au flanger, un effet que Dominique Nicolas avait beaucoup utilisé - le rendu reste pour autant incomparable.


Nicolas atteint une sorte d'acmé lors du concert de Colmar en 2010. Un motif inédit, tout bête mais correctement joué, avec un semblant de feeling et un effet de flanger qui installe une ambiance totalement inattendue venant de lui.


C'est pourtant le même genre de motif (corde à vide + tierce sur celle du dessus) que Nicolas avait balancé sur "Le doigt sur ton étoile", et qu'il resservira en pré-intro de "Traffic Girl" en 2013, gravant à cette occasion sur disque ses approximations et son arythmie.

En 2011 à Lausanne, sa guitare était mixée un peu trop fort par rapport à d'habitude, mettant en lumière la grossièreté de son jeu, bien que le visuel se suffise à lui-même.


Nous constations pourtant à la même époque qu'il s'en sortait mieux sur des morceaux plus intimistes, toujours à un niveau très amateur.


En 2013, le making-of de Black City Parade montre Nicolas à l’œuvre comme ici, très concentré sur ses trois notes, ici ou encore sur ce moment où le son ne correspond pas à l'image !

Pendant la tournée, il se blessa au poignet et dut faire le concert de Mâcon sans guitare. Vous entendez une différence, vous ?


En 2014, Nicolas se fit construire une guitare signature chez Meloduende. Pour quelqu'un qui jouait si peu, le projet ne manquait pas de sel :
"Nicola voulait une guitare élégante, épurée et efficace. Il fallait donc réussir à concevoir une guitare à la fois reconnaissable parmi mille sans pour autant tomber dans le "too much"."
Meloduende.fr  

Donc Nicolas voulait une guitare jolie et qui fasse du son, c'est un bon début. En effet, l'instrument ne propose aucune spécificité au delà du look métallique. Deux micros, un volume, une tonalité et six cordes, c'est ce qu'on demande à une guitare électrique.

"Electrastar" au Stade de France, 2014

Un instrument baptisé sur "Venus" au Main Square d'Arras où il lui était absolument inutile d'avoir une guitare, puisqu'il ne faisait que jouer, sans volume, les accords qu'Olivier jouait déjà. Voyez à 2:03 comme il prépare son accord plusieurs mesures à l'avance. Nous revîmes cette guitare pour le premier morceau du Stade de France de 2014, "Electrastar", ainsi qu'en 2016 sur "Heroes" toujours sans avoir la chance de l'entendre. Systématiquement en début de concert, et donc uniquement pour les photos.


Il se montra aussi la même année à la guitare figurante, sur "I wanna be adored" des Stone Roses. Sans être franchement compliqué, ce morceau montre une légère complexité rythmique... Soit du jazz pour un Nicolas complètement largué.



C'est à cette époque qu'il s'aventure sur "Hexagone" de Renaud, seul en scène avec sa Martin. Il raconte d'ailleurs la naissance de l'épisode au principal intéressé, mettant encore involontairement en lumière sa cancrerie sur le plan musical. Tout ça pour devoir arrêter un morceau à deux accords parce qu'il a pété une corde, ce qui pourtant n'interdit pas de le poursuivre.


Fin des années 2010, après quasiment quarante ans passés dans la musique professionnelle, et en théorie vingt-cinq ans de guitare, Nicolas reste dépendant de ses musiciens à un point affolant. Son prompteur lui indique même quels accords jouer, ce dont il ne se cache même pas, puisque les photos viennent de son compte Instagram.


Nous ne parlons ici que de guitare, mais Nicolas ne fait pas plus de merveilles au piano, ici il n'y a pas un accord qui tombe juste. Il était pourtant devant un stade tout entier, et pour nous une telle situation ne peut exister que suite à un excès dithyrambique de confiance en soi. En ce sens, il est étonnant de revoir le jeune Nicolas chantant et plaquant des accords affirmés sur un synthétiseur Jupiter-8. Pour la suite oui, c'est bien un snippet de "Poker Face" que nous étions censés reconnaître...

U2, que Nicolas a vu plusieurs fois, réalise souvent des snippets de morceaux comme autant de clins d’œil. Mais pour en faire, il faut quand même être un peu musicien. Bono est d'ailleurs un excellent exemple de guitariste limité - ce qui fut longtemps un sujet de plaisanterie - dont la présence à la guitare est dispensable, sauf que lui sait jouer en rythme, même de façon syncopée, et avec du volume. Car même si son instrument de prédilection reste la voix, et que l'on apprécie ou non le personnage, Bono est un musicien accompli qui a su récolter les fruits de son autodidaxie.


En 2017, "Station 13" et les quatre notes de synthétiseur allouées à Nicolas montrèrent que vraiment, il lui était devenu difficile de se servir d'un instrument de musique. Il ne réussit que très rarement, au cours du pénible 13 Tour, à jouer ce gimmick correctement.


En 2018, une Les Paul apparut, uniquement sur "Ceremonia" et toujours en figuration. Une jolie guitare certes, mais pourquoi ce modèle pour ce morceau précis...? Aucun début de réponse. Quant à 2020... Nous vous renvoyons au post sur "Ultra S" à la Coopérative de Mai. Les exemples d'approximations et d'erreurs étant bien trop nombreux, nous ne pouvons évidemment pas être exhaustifs.


Il semble assez inédit qu'un homme si peu mélomane se retrouve à occuper une telle place dans le domaine de la musique pop. Mais pour une ancienne et obscure raison, c'est de concerts de rock dont Nicolas rêvait, creusant au fil des années des chemins de traverse pour arriver à ses fins. Si près de quarante ans dans la musique ne l'ont jamais fait progresser d'une façon significative dans ce domaine, son opiniâtreté lui aura certes permis d'acquérir une certaine apparence de musicien. Mais ici, cela ne peut suffire que dans le cas d'une relation malsaine avec un public qui ne voit et n'entend rien, ou pire : pardonne tout par idolâtrie.

Vous connaissez maintenant la vraie raison pour laquelle il n'a pas fait de concert confiné.

Nicolas seul à la barre avec sa guitare dans "Nos Célébrations" (2020)


Voir aussi sur le blog :

2002 - Paradize

2020 - Ultra S à la Coopérative de Mai


À écouter par ailleurs, les reprises par les fans d'Indochine. Tous plus habiles et créatifs que Nicolas ! 


Annexes :