Placebo

Retour sur un énième malentendu beaucoup trop ancré.

La volonté d'association avec Placebo fut récurrente voire inévitable en interview à partir de 1999. Nicolas procédait comme il l'avait fait en 1996 avec Suede, Blur et Oasis : en livrant des analyses personnelles sur le public de ses rêves et sur ses propres stratégies de communication. Ce nouveau coup de cœur ouvrit une brèche inespérée, dans laquelle Nicolas s'engouffra avec un aplomb et une outrecuidance d'une rare intensité.

"On se sent plus proche de groupes anglo-saxons comme Placebo. Beaucoup de nos fans sont d'ailleurs aussi des fans de Placebo. On est musicalement un peu isolés dans le paysage francophone."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 1999


"Indo garde cette image forte en France de groupe des 80's, mais dans le reste de l'Europe on nous classe dans le même créneau que des groupes comme Placebo."

Nicolas Sirchis, XL, 1999

 

"J'ai vu quelques annonces l'autre jour : 'Guitariste cherche groupe. Influences Depeche Mode, Placebo, Garbage, Indochine'. Ça m'a touché, c'est la première fois que je voyais ça."

Nicolas Sirchis, Rocksound, juillet 1999

"Qu'aimes-tu dans la musique de Placebo, et voudrais-tu collaborer avec eux ?
Oui... Sauf que je suis moins important que David Bowie. ! (Rires) Brian Molko aime bien Indochine et il nous connaît parce qu'il a habité au Luxembourg. J'aime leur musique parce qu'ils prouvent que même si c'est à la mode de dire que le rock est mort, ils peuvent innover quoi qu'il arrive. Sur scène, ils sont d'une perversité à la fois guignole et très forte. Ils sont visuellement très intéressants, avec cette ambiguïté qui m'attire. C'est sûr qu'entre Elvis Costello et Placebo, je choisis Placebo ! (Rires) Pour moi, le rock doit être sensuel. On jouera peut-être ensemble dans des festivals..."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 2000
 
Il évoque ici le duo de Placebo et David Bowie sur "Without you I'm nothing".

Voir : David Bowie


Nicolas martelait tellement son désir d'affiliation avec Placebo qu'il finit par obtenir un concert en commun en 2000 aux arènes de Nîmes, et même une interview avec Brian Molko ! Le concert n'était pas complet, et les fans d'Indochine minoritaires mais bruyants. Les articles de l'époque mettaient forcément l'accent sur le caractère très incongru de cette association :
"En l'occurence, c'est Indochine (Nicola Sirkis est grand fan de Placebo) qui avait été choisi pour ouvrir le concert. Si pareille affiche, la foule n'a pas vraiment été au rendez-vous (dure concurrence du derby footeux Nîmes/Montpellier le même soir...) et que l'arène semblait loin d'être pleine, le public qui se préparait à réserver un accueil sans précédent au trio de 'Black Market Music', a commencé par faire un joli triomphe au groupe français en première partie, et pour qui la partie n'était a priori pas gagnée d'avance."

Thomas Vendenberghe, Rock Sound, octobre 2000
"21h30. Indochine joue et fait chanter les premiers rangs. Bonne surprise, le public semble également venu pour eux. Nicola Sirkis, en bon caméléon, est habillé en parfait sosie de Molko."

Basile Farkas, Rock & Folk, juin 2000

Nicolas Sirchis & Brian Molko à Nîmes en 2000
Mais à force de le répéter, Nicolas finit par provoquer cette hybridation tant désirée, entre des publics pourtant très différents et qui n'avaient qu'assez peu à partager. Les fans d'Indochine, qui n'avaient pas pu échapper à la mode, virent alors en Placebo des sortes de cousins, et surtout un soutien crédible de la part d'artistes non-variété. L'intérêt fut en revanche - très logiquement - moins visible du côté de ceux qui avaient aimé les premiers albums de Placebo, n'ayant rien à voir avec quelconque production indochinoise quelle que soit l'époque.

Voir : 1999 - Dancetaria


Imaginez-vous de telles phrases dans la bouche d'un autre artiste ?
"Oui on se connaît bien, on parle de maquillage."

Nicolas Sirchis à propos de Brian Molko, 2000

"Nous, depuis dix ans, on n'est nulle part, on n'a pas de marketing, beaucoup ont l'impression de découvrir ce groupe : un peu marginaux, ne faisant pas l'unanimité, parce qu'il y a une sincérité dans ce qu'on a fait et dans ce que les gens ont capté. Si j'avais 15 ans aujourd'hui, j'écouterais Indochine, Placebo et les Smashing Pumpkins".

Nicolas Sirchis, l'Alsace, janvier 2001

"Notre public est celui de Placebo et Radiohead !
Nicolas Sirchis, Tribu Move, janvier 2001 

 

"Depuis dix ans, nous ne sommes plus programmés en radio, les médias nous considérant peut-être comme finis. Mais notre public peut aimer autant Placebo qu'Indochine."

Nicolas Sirchis, France Soir, janvier 2001


"Or nous on s'était aperçu au contraire il y a déjà quatre ou cinq ans qu'il y avait un tout nouveau public, pour Indo, qui n'était pas là par nostalgie mais parce qu'il associe le groupe à Placebo ou aux Smashing Pumpkins."

Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001

 

"Mais cette fascination pour l'ambivalence demeure. Tes costumes de scène en sont un exemple. Ton attirance pour l'univers de Brian Molko en est un autre...
- Oui, c'est vrai, grâce à lui d'ailleurs, je peux me remaquiller sur scène (sourire) !"

Nicolas Sirchis interviewé par Yves Bongarçon, Rocksound, février 2001

 

"Hier vous étiez les Cure à la française, aujourd'hui le Placebo francophone. Que pensent ces groupes anglais d'Indochine?
- Brian, je l'ai vu plusieurs fois. Ayant vécu au Luxembourg, il connaît bien L'Aventurier. Il a revu le groupe récemment. Quand je vois comment il est dans les loges et ce qu'il prend, c'est sûr qu'il est beaucoup plus rock que moi. Placebo est plus noisy, plus Sonic Youth qu'Indochine mais je sais qu'il nous aime bien. On a fait un concert ensemble et il se sentait mal à l'aise de jouer après nous. Ce qu'on fait ne le touche pas directement mais il est très respectueux de notre parcours et de notre public. Il se rend compte que beaucoup de nos fans aiment aussi Placebo. Il ne peut pas en dire du mal. C'est un malin, Brian.

Nicolas Sirchis, Télémoustique, janvier 2001

Et puis l'année suivante :
"Le fait que Placebo connaisse un succès phénoménal et que son public suive Indochine, m'a réconcilié avec le rock. Tout le monde a en mémoire notre affiche commune aux arènes de Nîmes en août dernier. J'ai alors découvert que Brian Molko était fan d'Indochine quand il n'était encore qu'un jeune étudiant au Luxembourg. La longue tournée Dancetaria Tour nous a permis de rencontrer notre public : il est de plus en plus jeune, il écoute aussi bien Smashing Pumpkins, Nine Inch Nails, Marilyn Manson qu'Indochine. Ayant les mêmes affinités avec notre nouveau public, notre son a évolué normalement."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 2002

Nicolas inverse ici la situation : seule une partie du public de Placebo, la plus jeune, simplement le nouveau public rock de cette époque, suivait également ce nouvel Indochine matraqué en TV et radio.

Quant à cette évocation d'un jeune Molko fan d'Indochine, elle est extrêmement exagérée. Brian Molko n'a jamais évoqué autre chose qu'un souvenir agréable de "L'Aventurier" à la radio luxembourgeoise.
"J'ai l'impression que la France a toujours été plus branchée par la variété. Je me souviens d'avoir vu s'enchaîner le clip de 'L'Aventurier' d'Indochine - que justement, je ne compare pas du tout à la variété - avec un clip de Dalida ou de C. Jérôme. Ça fait une dichotomie un peu bizarre.
Je vois que tu es familier de la grande famille de la variété française !
- J'ai grandi au Luxembourg et j'ai beaucoup regardé la télé française. J'ai été confronté de près à la culture Michel Drucker ou Jacques Martin."

Brian Molko, interview croisée avec Nicolas Sirchis, Rocksound, août 2000


 
L'épisode des Arènes de Nîmes permet de comprendre les motivations de Nicolas, mais il fut à l'époque aussi dissonant que secondaire. La biographie officielle met toujours l'accent sur ce concert commun, et matraque une filiation profonde entre les deux groupes. Aujourd'hui encore peut-on lire sur le site :
"Autre point d'orgue de cette tournée, le 12 août, un concert Indochine / Placebo est organisé aux Arènes de Nîmes. Une façon pour les deux groupes, qui s'apprécient mutuellement, de se rapprocher encore un peu plus."

Indo.fr

L'hagiographique Insolence Rock y va même à fond dans une sociologie de Hard Rock Café :
"Le public drainé ce soir-là par les deux formations est sensiblement le même, la génération des quinze-vingt ans (khôl et noir aux lèvres pour les filles), fatiguée des modes éphémères imposées par l'industrie du disque, et redécouvrant pêle-mêle les Cure, les Smiths ou Bowie dans la discothèque du frère ou de la sœur aînée... [...] Au delà de la différence d'âge, les deux musiciens cultivent à la fois le même respect pour le passé et le goût de l'innovation sonore... Mais Molko vit en Angleterre et Nicola en France... Pas évident, dans ces conditions, de mettre en parallèle le succès et l'exposition médiatique de ces deux groupes."  

Sébastien Michaud, Insolence Rock, Camion Blanc, 2004

Nicolas, très en confiance dans ce logiciel "Placebo", s'afficha dès le début du Paradize Tour en 2002, avec une Fender Jaguar flambant neuve. Exactement la même guitare que Brian Molko, et qui faisait partie de l'image scénique de Placebo. Il enchaîna même au cours de la tournée avec une Gibson SG, dans la même couleur que Molko également.

Voir : 2002 - Paradize

Elysée-Montmartre, 2002

Il n'est pas exagéré de dire que Nicolas s'était déguisé.


Ce choix avait bien sûr pour but d'installer une ressemblance toujours plus marquée entre les deux groupes, et nous devons observer que cela a très bien fonctionné. Visuellement, l'illusion était redoutable. Mais Molko sortait de sa guitare un son et un jeu tout à fait singuliers, alors que Nicolas était toujours - et resta - débutant et franchement mauvais.


Voir : Nicolas et la guitare


Il fallut - très logiquement - encore un peu de temps au public d'Indochine pour intégrer cette nouvelle figure à leur représentation de l'univers d'Indochine. Brian Molko fut invité à la première date du Paradize Tour pour un DJ Set, mais la salle se vida aux trois quarts avant son arrivée. Un épisode gênant, soigneusement évité par les versions officielles qui préfèrent souligner encore et toujours que le chanteur de Placebo était là.

Sur un malentendu.


Comme Molko également, Nicolas alternait, au cours de la tournée, les tenues noires et blanches...





...allant même jusqu'à tenter la robe courte.


Nicolas allait vraiment très très loin dans l'imitation :

Brian Molko en 1999 / Nicolas Sirchis en 2002

"Tu disais, 'je suis moins important que David Bowie'. Alors, y aura t-il un projet en commun, un duo ?
- Honnêtement je ne sais pas. Moi c'est Bowie qui m'a donné envie de faire de la musique, et de préférer des groupes qui ont une aura sexuelle à d'autres. Brian Molko m'a donné envie de me remaquiller sur scène, chose que j'ai faite de 1981 à 1990. Ce côté sensuel me manquait. C'est vrai que Placebo a un côté beaucoup plus rock que nous, c'est ça qui justement m'intéresse ! J'aimerais qu'on reprenne 'Amoureuse' de Véronique Sanson. Je pense que ce sera un duo intime, dans le sens où on se connaît assez bien pour le faire."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, janvier 2001

 

"Nos routes sont parallèles, mais je pense qu'il ne faut pas qu'elles se croisent tout le temps... Tout le monde attend que nous fassions un duo, c'est trop évident ou alors sur "Amoureuse" de Véronique Sanson : "Une nuit, je m'endors avec lui...". La dernière fois qu'il est venu à Paris, nous avons passé la journée et la nuit ensemble ! Je vous vois venir, en tout bien, tout honneur bien sûr !"

Nicolas Sirchis, Tribu Move, avril 2002

 

"Brian m'a téléphoné juste avant qu'il n'entre en studio et il m'a dit que ça les intéresserait de faire un remix pour Le Grand Secret, je lui ai envoyé mais je ne sais pas où ils en sont !"

Nicolas Sirchis, Rock Mag, novembre 2002

Nous attendons toujours ce remix.

En 2005, le désir de Nicolas et de nombreux indofans de l'époque se réalisa enfin : Brian Molko chante sur un album d'Indochine !


Thought donc, qui termine quand-même en sought sur la version anglophone.


"Pink Water" fut jouée sur l'intégralité de l'Alice & June Tour, mais la voix de Molko était remplacée par une ligne de basse six cordes, mixée en avant. Les fans attendaient le duo sur scène, mais ce fantasme ne se produisit jamais : ils durent se contenter de chanter eux-mêmes. Le morceau sortit un peu plus tard en single chanté par Nicolas seul, et l'affaire mourut à petit feu avec le temps.
"Pourquoi ne pas avoir travaillé ensemble auparavant ?
- Parce qu'on n'arrêtait pas de nous bassiner avec ça, et qu'il fallait que l'envie vienne de nous."

Nicolas Sirchis, Instantmag2 spécial Indochine, octobre 2006

Cette sortie est incroyable au regard des précédentes, notamment celles d'avril 2000 et janvier 2001 où il disait vouloir collaborer avec Brian Molko et avait même sa petite idée de reprise. Ici, Nicolas prétend qu'il n'a fait qu'accéder à la demande, alors qu'il avait créé cette affiliation de toutes pièces, et infatigablement matraqué le nom de Placebo pendant au moins six ans. Un moyen récurrent de se dédouaner, en projetant ses propres spéculations et calculs sur le public et les médias, et même confier un certain agacement. Décidément, personne ne comprend rien à Indochine !

Mais de la même manière qu'un "Tomboy" ou un "Gloria", "Pink Water" n'avait clairement pas été écrit comme un duo, puisque seul un couplet était dédié au chanteur invité. Il faut plutôt y voir un clin d’œil, comme un caméo. Une façon d'expliquer pourquoi "Pink Water" chanté par Nicolas seul est bien plus cohérent, à l'image de cette version apparue fin 2010, plausiblement pensée comme un enterrement définitif de la version album avec Brian Molko.

Voir : 2005 - Alice et June
 

Malheureusement, depuis le milieu des années 2000, Placebo a peu a peu perdu en crédibilité artistique. Passé le court épisode de "Pink Water", Nicolas n'en parla plus en interview. Toutefois, il n'en avait pas complètement fini, puisqu'une référence furtive apparut dans le clip de "Un ange à ma table", qu'il réalise lui-même :

Suzanne Combeaud et Nicolas Sirchis dans "Un ange à ma table", 2010

Placebo, Without you I'm nothing, 1998
"Dans le clip de 'Un ange à ma table', on voit Suzanne et moi de profil, dans les couleurs d'une pochette de Placebo."

Nicolas Sirchis in Indochine, le livre, Jean-Éric Perrin, 2011

Il osa en 2011 dans Kissing my songs une ultime comparaison :
"Je retrouvais en eux quelque chose de l'Indochine des débuts, et du coup, avec Brian on s'est pas mal rapproché. [...] Il y avait un truc qui se passait, je le voyais comme un petit Nicolas."

Nicolas Sirchis in Kissing my songs, Agnès Michaux, Flammarion, 2011

Stop.

Quel "quelque chose", la présence d'une guitare rouge sur des vêtements noirs ? Les mèches de cheveux ? Du maquillage ? Un côté irrévérencieux ?

Nous pouvons lire cette extravagance de Nicolas comme un aveu grossier, selon lequel Placebo n'a jamais été vu autrement que comme un moyen pour éclairer Indochine de sa lumière, et que Nicolas s'aimait lui-même à travers l'intérêt qu'il portait au très respecté chanteur de Placebo.


Son coup de cœur pour le groupe londonien nous éclaire superbement sur son fonctionnement en matière de goûts musicaux.
"Pour moi, Noir Désir, c'est tout sauf sexuel ! À part la gueule du chanteur qui est intéressante... Enfin je veux dire, il est mignon."

Nicolas Sirchis, Rocksound, juillet 1999

 

"Pour moi, la pop, c'est quelque chose qui fait danser les gens, il faut qu'il y ait de l'énergie, du sexe. Noir Désir c'est tout sauf ça, car Noir Désir, c'est très sérieux. Bertrand Cantat ne se maquille pas. Et c'est vrai qu'on nous a représenté comme ça. Sur scène, maintenant, j'apparais en robe noire et ça produit un effet très fort sur les gens. Moi, j'aime ce côté pervers, ambigu que l'on peut, par exemple, retrouver chez Placebo."

Nicolas Sirchis, Rocksound, janvier 2000

 

"Il y a quatre ans, quand j'ai vu "Nancy Boy" de Placebo sur MTV, je me suis dit : 'Enfin !'.
Un vrai déclic de fan...
Absolument, qui a eu lieu sur le côté un peu arty du clip de 'Nancy Boy'".

Interview croisée de Molko & Sirchis dans Rocksound, 2000


Donc dans les faits, il a flashé sur le clip. Il n'y a dès lors pas à s'étonner de ne pas entendre d'influence musicale au delà d'une certaine distorsion. Plausiblement ce côté "pervers", mot qu'il employait alors assez souvent, alternativement à propos d'un son, ou d'une certaine attitude. Il n'y a pas non plus à douter du fait que Nicolas ne connaît pas les paroles de Placebo, sauf éventuellement lorsque le titre du morceau est prononcé.


Exception faite pour "Mars Landing Party" où là, oui, Nicolas connaît les paroles et ça lui parle. Même si comme à son habitude, il se trompe.
"Moi j'voulais chanter, embrasse-moi mets-moi un doigt dans ton cul... (sic)"

Nicolas Sirchis, MCM, 2004


"Moi c'est Bowie qui m'a donné envie de faire de la musique et de préférer des groupes qui ont une aura sexuelle à d'autres."

Nicolas Sirchis, Tribu Move, 2000

 

"La première fois que j'ai vu un clip de Placebo, je me suis dit qu'enfin le rock anglais recommençait à être intéressant, dans ce côté un peu bowiesque, un peu sensuel..."

Nicolas Sirchis, Rock Mag, novembre 2002

Donc : Nicolas aimait Suede depuis plusieurs années, mais c'est avec un clip de Placebo qu'il estima que le rock anglais était redevenu bowiesque et sensuel. Les connaisseurs de Suede apprécieront l'analyse, plausiblement en improvisation, du chanteur d'Indochine.


Depuis longtemps, et surtout dans la rubrique hebdomadaire "La playlist d'Indochine" sur les réseaux sociaux, les goûts de Nicolas sont assez clairs : une attitude rock et provocatrice, de l'androgynie, du maquillage et si possible de jeunes filles. Comme si cette musique n'était qu'un moyen d'encanaillement, pour ce Nicolas petit-bourgeois qui ne s'est jamais montré mélomane.

Et en 2020, forcément, inévitablement, il flashe sur Yungblud.
"Placebo c'étaient les mêmes recettes que David Bowie au tout début, et puis après Marilyn Manson, et puis là Yungblud c'est les mêmes recettes. Maquillage, outrance, machin..." 
Nicolas Sirchis, Konbini, décembre 2020

Les mêmes recettes, trahissant une remise au second plan de l'aspect musical - rien que ça - doublée d'une ignorance voire d'un rejet des contextes culturels et langages très différents caractérisant les artistes cités. Nous vous renvoyons au reste du blog en ce qui concerne les recettes utilisées par notre héros.


En 2021, Nicolas s'engouffre dans un tunnel sur le plateau de Yann Barthès :
"Y.B. : Nicolas pourquoi vous avez jamais fait d'album en anglais ?
- N.S. : Bah parce que je parle anglais comme un français quoi. Si si. Nan mais on travaille en Angleterre. En Angleterre c'est incroyable parce que... Elle [Chris, ndlr] passe tout le temps. Euhhh, avant, pendant, après, enfin j'ai toujours entendu. Mais euh, non, parce que, en fait, moi j'aimais bien les versions originales...
- Y.B. : Parce que vous avez été vachement inspirés par l'Angleterre justement.
- N.S. : Oui, ouiouioui absolument, mais euh... On a des limites, euh, dans l'accent anglais, et donc euh, à un moment donné il aurait mieux valu rester chez nous... Mais non, en fait, les morceaux qu'on reprend comme ça, on aime bien, mais, euh. Comment dire. Euh, c'était plus euh... En fait, le rock c'est beaucoup plus compliqué, euh... Dans, dans, dans sa musique à elle c'est les nouvelles générations, c'est 3.0, ça va beaucoup plus vite, euh...
- Y.B. : Y'a du rock français, du rock britannique, c'est pas le même...
- N.S. : Ouais. Mais par contre on est respecté. Vachement. Euh, les Anglais ils nous respectent vachement euh, parce que la carrière, parce que et caetera, et puis y'a eu les Placebo qui sont venus, enfin y'a plein de choses qui sont venues euh, vers nous, parce que ouah, qu'est-ce que c'est que ce groupe là, comment ça marche..."

Dans les faits : Les Placebo ne sont pas venus, Nicolas est allé lui-même chercher leur chanteur pour s'en faire un ami. Comme au lycée, ça faisait bien de se montrer avec le gars le plus populaire dans la cour de récré. Sont-ils toujours amis aujourd'hui ?



Il est toujours fascinant d'écouter un musicien parler de ses influences, goûts et histoire personnelle en parallèle avec la musique. En revanche, il n'existe pas à notre connaissance d'autre exemple d'un chanteur dépensant autant d'énergie à parler des autres groupes à la mode pour essayer de s'y faire associer. Les interviews et citations sont claires : Nicolas n'a jamais su parler de Placebo et de ce que musique et paroles pouvaient représenter pour lui au delà d'un intérêt pour un aspect provocateur et un coup marketing.

Le lien entre les deux groupes ne semble basé que sur un certain goût pour la transgression, l'androgynie et les vêtements noirs. Une pareille affiliation ne semble possible qu'au pays de Johnny, où le rock est avant tout pensé comme un look et une attitude. Mais Placebo mérite bien mieux que cela.

Aujourd'hui encore, il est naturel pour une grande partie du public arrivé au début des années 2000, plausiblement très influencé par une campagne marketing redoutable, de mettre les deux groupes dans le même panier. Et aujourd'hui encore, nous ne comprenons pas pourquoi, puisque cette illusion permise par un mauvais tour de magie disparaît en appuyant sur "Play".


Voir aussi sur le blog :

1999 - Dancetaria

2002 - Paradize

2005 - Alice et June
 
 






1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Merci encore une fois pour cet éclairage intéressant, original et surtout argumenté.
    Fan de la bande à Molko depuis 1996,je n'ai jamais vraiment compris à vrai dire ce rapprochement, du moins sur le plan artistique, si ce n'est pour les raisons que vous mettez bien en lumière. La crudité des mots de Molko,l'ambiguïté dégagée par son groupe sont bien éloignées de l'univers indochinois.
    Cet artifice, je le ressens parfois lors de la publication hebdomadaire de la playlist de Sirkis sur le site du groupe. Des groupes majoritairement anglo-saxons et très jeunes comme pour prouver que le leader est toujours dans le coup,le temps n'ayant pas de prise sur lui.
    Bien cordialement,
    Richard Suberbielle

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