2002 - Paradize

"Trois jours après les concerts de la Cigale (janvier 2001, ndlr), les guitares électriques vont revenir et j'espère avec l'envie de claquer. Moi, je dis que ça va être l'album punk d'Indochine ; c'est un peu une façon de parler mais il va y avoir de ça..."
Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001
Indochine Mk2, 2002

Même si l'hagiographie officielle ne le mentionne pas, la conception de Paradize fut surtout marquée par le départ de l'indispensable Jean-Pierre Pilot, grâce à qui Indochine avait pu survivre après le départ de Dominique Nicolas, et qui fut pourtant très vite rayé des mentions officielles et remplacé au pied levé par Olivier Gérard.
 

Après un
Dancetaria réalisé par Pilot et aujourd'hui extrêmement apprécié des fans, pour lequel de nombreux épithètes ont été utilisés : pop-glam-goth, hypnotique, féérique, le Black Celebration d'Indochine... indo.fr fit remarquer qu'Indochine avait vingt ans. Pour fêter cet heureux événement, un live de "Des Fleurs pour Salinger" en mp3 fut offert aux fans sur le site. Ce fut le début d'une maigre page dédiée à quelques inédits, dont deux extraits du bootleg très connu du Rose Bonbon, et deux maquettes de 3.

Olivier Gérard, déjà connu des fans les plus impliqués notamment via l'émergent Indoforum, apparut aux côtés de Nicolas lors de la confection de l'album, partagée sur le site officiel via de nombreuses photos. Sa culture musicale était déjà mise en avant depuis Dancetaria : son goût souligné pour Marilyn Manson enthousiasmait beaucoup Nicolas, et nous entendions souvent chez Olivier le fameux "moi c'est Nine Inch Nails des trucs comme ça". Déjà il fallait entendre dans la communication de l'époque une nette empreinte machines-disto-métal-soirée gothique : Indochine allait dorénavant sortir les crocs.
"Nicolas voulait qu'il y ait une trilogie par rapport aux précédents albums, sur Wax, Dancetaria et celui-là. Et lui voulait un son plus radical, beaucoup plus rock... - Phil Délire : gothique presque... - Ouais, gothic rock ouais... Qui suit l'évolution de Dancetaria avec dix étages au dessus. Donc on est parti dans ce trip-là quoi. Avec moi mes références, qui sont plutôt Nine Inch Nails tout ça, donc on a fait un mix des références de Nicolas des miennes, donc ce qui donne ouais, quelque chose de radical. Et voilà c'est ce qu'on voulait quoi, qu'il y ait vraiment une progression entre ces trois albums-là." 
Olivier Gérard, reportage sur la conception de Paradize, 2001

Début 2002, Nicolas écrivait sur le site officiel les mots suivants :


L'album à venir était donc, avant sa sortie, déjà présenté comme salvateur, réponse à une certaine médiocrité qui serait devenue la norme dans l'audiovisuel français. 2001 est en effet l'année où émergèrent les émissions Popstars, Loft Story et Star Academy. C'est également une période de démocratisation du web 2.0 qui marqua la rupture avec les habitudes culturelles des années 90, surtout pour les adolescents.
"Mais en tout cas ça va être un pavé dans la mare. Je pense. Ça va faire du bruit. Mais en tout cas je suis content que, effectivement ce soient les fans d'Indochine qui le reçoivent, parce qu'ils le méritent, et nous aussi.
Nicolas Sirchis, reportage sur la conception de Paradize, 2001

"Pour Paradize, on avait vraiment envie de faire un album rock, il n'y en avait plus en radio, il n'y avait que du rap et du r&b. Le rock était totalement oublié.
Oli de Sat in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011

Il est possible de s'être senti agacé par la grosse pop US, les singles de R&B français et le succès du rap français. Pourtant le rock, et ce dans différentes formes, faisait entièrement partie de ce patchwork de modes qui définissait déjà ce qu'allaient être les années 2000 : une décennie sans réelle tendance significative. 

Un état du rock à la radio française en 2001 :

Olivier, que les modes ennuient par principe, sauf si c'est Marilyn Manson ou Placebo, ajoute : "Nicola a toujours été champion pour ne pas suivre les modes, s'inspirer de l'air du temps, et faire un truc personnel, de façon subtile, pas putassière."


L'attitude rock est calibrée, toujours très inspirée par Brett Anderson de Suede (heureusement pour Nicolas, très confidentiels de ce côté de la Manche ; voir : 1999 - Dancetaria), cette fois la France allait voir ce qu'elle allait voir.

Brett Anderson, 1995
Nicolas Sirchis, 2002

Un album censé clôturer une trilogie donc, entamée, selon les dires de Nicolas, avec Wax. Quels sont les thèmes de cette trilogie ?
"Wax on pourrait dire que c'est un album très influencé par la britpop au niveau du concept avec cette pochette où t'avais ces deux adolescents qui s'épilaient mutuellement les jambes, un petit peu sur la... la découverte de la sexualité, la découverte de l’ambiguïté, de toute ce... de tout ce genre de chose, ces différents thèmes-là... Dancetaria était plus, avec les événements qui ont engendré l'album, donc la mort de Stéphane et tout ça, ça a été un album plus sur la révélation de la souffrance que peut générer une histoire d'amour, quelque chose comme ça, mais aussi euh, l'intérêt sexuel... pur, et donc, la suite logique de ces deux albums, c'est ce... c'est ce nouvel album où là, avec les découvertes plus ou moins... générales des gens de nos âges, ou de nos générations, ou de générations plus jeunes, la découverte de l'amour, du sexe etc., là on passe plus sur la conception à la... la nativité... et aussi bah y'a la vie, y'a la mort, la religion, l'arnaque de la religion mondiale en général, et puis le côté affirmé des croyances, de la philosophie et du sexe."

Nicolas Sirchis, reportage sur la conception de Paradize, 2001
Versions alternatives :
"Musicalement, "Wax" venait de la brit pop que j'écoutais avec mon frère. On y parle de la découverte du corps et de la sexualité. "Dancetaria" est plus gothique, sans doute le plus sombre de nos albums. On y découvre qu'au-delà de la sexualité, l'amour peut faire mal comme apporter du bien. Ici (Paradize, ndlr), au travers d'une nativité, on en arrive à trouver son paradis personnel."

Nicolas Sirchis, Télémoustique, mars 2002

"La trilogie existe aussi dans les textes des chansons des trois albums?
Et dans les pochettes ! Wax, c'est la découverte de la sexualité, le teenage sex à 12-15 ans, la déstructuration de la cellule familiale, Dancetaria, c'est quand on découvre l'autre vers 15-18 ans, qu'on est aveuglé par l'amour, qu'on n'a pas peur de se suicider... En plus, c'est la pochette la plus sexuelle qu'on ait faite, avec cette fille qui boit au robinet, c'est l'image la plus charnelle, la plus forte. On arrive à Paradize et c'est l'enfantement, la nativité d'une façon "anti-morale"... Pourquoi toutes les religions provoquent-elles tous les malheurs du monde ? Pourquoi ont-elles toujours été contre le désir sexuel ?
"

Nicolas Sirchis, "Indochine, la pleine lune", Platine, juin 2002
 
"Wax représente la découverte de la sexualité, deux adolescents qui s'épilent les jambes mutuellement. Dancetaria est plus axé sur l'amour, le fait que l'on puisse perdre sa vie, son âme, en faisant l'amour, le dépassement de soi, de ses propres limites. L'image presque sexuelle de cette fille qui boit sur la pochette témoigne, je pense, de cet univers. Quant à Paradize, il marque un peu plus la maturité, peut-être une sorte d'espoir... Mais c'est également un achèvement, effectivement. Il représente l'atteinte d'un paradis, peut-être pas le paradis au sens idéaliste du terme, mais un paradis qu'on se fabrique et grâce auquel on prend conscience des choses importantes, comme le fait de donner la vie et d'en avoir la responsabilité. Sur la pochette on voit une jeune fille androgyne enceinte, très jeune, mais à laquelle il est difficile d'attribuer un âge."

Nicolas Sirchis in Indochine de A à Z, Sébastien Bataille, Les guides MusicBook, 2003

Voir : 1996 - Wax


Comme nous l'avons plusieurs fois fait remarquer, Nicolas semble être constamment en improvisation lorsqu'une explication lui est demandée, et ce en utilisant des termes flous et très généraux, permettant à l'auditeur une identification facile et individualisée. Nous remarquons également, une fois de plus, l'importance capitale des pochettes, tant en ce qui concerne ses propres productions que ses goûts musicaux.

Wax, 1996

À la lumière de la déclaration d'Olivier Gérard citée plus haut, nous comprenons que c'est au moment de Paradize que Nicolas a voulu que ces trois disques constituent une trilogie, c'était donc une réalisation assez tardive de ce qu'il avait voulu faire à partir de 1996, voire une simple relecture. Était-ce une façon de trouver une cohérence dans le chaos que constituèrent les albums sortis après Dominique, cristallisé e dans un album conclusif et définitif sur le nouvel Indochine ?

Au vu de la redondance musicale et l'interchangeabilité des textes de Nicolas, constituer une trilogie a posteriori semble être possible avec n'importe quel triade choisie au hasard. La confusion des thématiques, parce qu'improvisées, semble suffire à Nicolas pour construire un discours.

Le plus futé Sébastien Bataille avait remarqué la supercherie :
"Nicola Sirkis, en présentant aujourd'hui Wax comme la première pièce d'une trilogie, essaie légitimement de redonner du crédit à l'objet, même si l'auditeur a du mal à voir un lien évident, qu'il soit conceptuel ou artistique, entre cet enregistrement et les deux suivants."

Sébastien Bataille, Indochine de A à Z, Les guide MusicBook, 2003 

S'étant plusieurs fois affirmé comme un fan de Bowie, Nicolas devait sans aucun doute se rêver responsable d'une trilogie dans la lignée de la fameuse trilogie berlinoise du chanteur britannique, ou encore de la dite trilogie glacée chère au cœur des curistes. Une trilogie, au même titre qu'un morceau en plusieurs parties ou encore un concept-album, est un marqueur old wave important, et d'un certain art-rock, source intarissable de musique dite à albums qui s'écouterait cérémonieusement.

Dans cette même logique, de nombreux éléments de Paradize furent ainsi présentés en analogie avec des entrées de la Discothèque rock idéale. Comme "Comateen" I & II, simplement deux versions d'un même morceau dont une seule fut conservée au montage, présentées dans le livre officiel de 2011 : "(...) comme dans l'album Berlin de Lou Reed, avec 'Carolyn says I' et 'Carolyn says II'".

Et en effet, dans la lignée des albums précédents et selon une mentalité plus axée sur l'indie rock, il fut plus que jamais question sur Paradize d'intégrer des références identifiables. La musique d'Indochine devait impérativement correspondre aux goûts d'un public plus jeune, évoluant dans cette époque dite du retour du rock dans son versant adolescent.

 
Cependant, dans cette époque early-2000's de revival new wave/post-punk, Nicolas préféra imiter les jeunes groupes plutôt que revitaliser sa propre jeunesse. Bien que revivaliste d'une certaine manière, ce come-back d'Indochine n'était pas rétrogressif, ce qui est un point très positif - il semble de toute façon que l'incompréhension et le rejet de Nicolas quant à Mk1 ne lui aurait pas permis de faire cela, même s'il l'avait voulu.

Voir : Révisionnisme et malentendus


Paradize et toute sa communication correspond sans aucun doute à la refonte d'image la plus radicale. Tous les livres et les articles de l'époque s'accordent à placer Indochine au centre d'un patchwork de références orthodoxes, destinées à un certain public qui se voit alternatif et underground. L'arrivée du jeune Olivier Gérard au sein du collectif pendant l'enregistrement de Dancetaria était censée cristalliser cette mutation. Nous lisions à cette époque-là tant de fois les mots "Depeche Mode", "Gareth Jones", "New Order", "Placebo", "Cure", "Smashing Pumpkins", "Neubauten", "Nine Inch Nails", "Trent Reznor", "Marilyn Manson" et autres qu'il serait trop long et vain de tout citer. Notons que c'est surtout l'hagiographique Insolence Rock (2004), livre officiel et curieusement publié chez la maison d'édition Camion Blanc, spécialisée dans les récits de fans, qui donne le plus dans le name dropping et ce dans des proportions ridicules.

Encore aujourd'hui, ce livre fait partie des quatre mentionnés sur Indo.fr, avec l'officiel de 2011 et deux songbooks. Le livre de 1986 par J-E Perrin était pourtant disponible à l'achat sur le site jusqu'en 2001... jusqu'à ce que la nécessité d'un nouveau discours se fasse trop urgente, et voici le résultat :

Insolence Rock, Sébastien Michaud, Camion Blanc, 2004

Nicolas préfère les récits de fans aux critiques, et semble s'attacher davantage à la constitution de son public, qu'à la pertinence artistique, l'intellectualisation des choses et les réflexions qui en découlent. Il avait d'ailleurs déjà signifié en 2001 au magazine gothique Elegy comme un argument que :
"On a vu les fans de Marilyn Manson sur la tournée."

L'interview de Sébastien Michaud dans Instant Mag2 spécial Indochine nous apprend que Nicolas avait "aimé le côté subjectif et impliqué de la bio de Depeche Mode" (Éthique synthétique du même auteur, Camion Blanc, 2002, ndlr), dont il serait un grand fan, et n'avait envie de ne parler que de musique. Et donc, peut-on savoir de quoi il n'avait pas envie de parler ?
"Il savait que je faisais partie d'une maison d'édition indépendante qui ne fonctionnait qu'à la passion. Il n'a pas oublié d'où le groupe revient. Je représentais un milieu underground et je lui proposais un projet sur lequel il ne toucherait pas un centime. Cette honnêteté lui a sans doute plu."

"J'aurais pu contacter d'autres personnes, mais Nicolas m'avait beaucoup parlé."

Sébastien Michaud, Instant Mag2 spécial Indochine, 2006

Ouais, la flemme.


Pas un centime, mais une communication efficace et une intronisation d'Indochine auprès de figures dites rock, metal et underground représentées en France par Camion Blanc. L'auteur révèle ici avoir estimé dispensable le témoignage d'autres personnes, et celui de Nicolas suffisant (comme le fera dix-huit ans plus tard Rafaëlle Hirsch-Doran), ce qui en dit long sur le niveau d'exigence requis pour publier au sein de la maison d'édition lorraine... La passion est-elle un argument d'autorité suffisant ? C'est en tout cas avec cette même flamme du fan que Sébastien Michaud écrivit par la suite sur Nine Inch Nails, Placebo, New Order et même Rozz Williams.


Nicolas dépensait alors une énergie infatigable à faire associer la marque Indochine à telle ou telle institution pour en capter le rayonnement.

Voir : 1996 - Wax, 1999 - Dancetaria


Nous constations toujours cette obsession, pour Nicolas et ses communicants, pour les groupes à la mode dont les publics pourraient infiltrer celui d'Indochine et en changer l'image. La pirouette est présente dans quasiment toutes les interviews de cette époque. Florilège non-exhaustif :
"Notre public est celui de Placebo et Radiohead !
Nicolas Sirchis, Tribu Move, janvier 2001 

 

"Depuis dix ans, nous ne sommes plus programmés en radio, les médias nous considérant peut-être comme finis. Mais notre public peut aimer autant Placebo qu'Indochine."

Nicolas Sirchis, France Soir, janvier 2001


"Or nous on s'était aperçu au contraire il y a déjà quatre ou cinq ans qu'il y avait un tout nouveau public, pour Indo, qui n'était pas là par nostalgie mais parce qu'il associe le groupe à Placebo ou aux Smashing Pumpkins.
Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001 

 

"Mais il y a également des influences et des hommages à Cure, Depeche Mode, Smashing Pumpkins, ou même Ride ou Nine Inch Nails. Et ceux qui viennent nous voir aiment généralement ces groupes , donc c'est parfait.
Nicolas Sirchis, La Libre, mars 2002

 

"Nicola aurait pu craindre d'effrayer le public des débuts, ses fans 'hardcore' comme il les appelle, mais le succès de la tournée tend à prouver qu'ils l'ont suivi. Et Nicola de remarquer, amusé et ravi, que parmi la nouvelle génération de fans, on trouve des adolescents en t-shirt Marilyn Manson ou Placebo."

Pascaline Potdevin, Rolling Stone, janvier 2003


"Melissa. Le dernier missile de Nicola Sirkis porte un nom. Ou, plus exactement, un prénom. Un prénom de fille, il va de soi, on est chez Indochine. En ce printemps 2002, Sirkis jubile et il a raison. Il a réussi son coup. Inviter sur son nouvel album une musicienne de l'acabit de Melissa auf der Maur, aux états de services dans le rock américain (Hole + The Smashing Pumpkins) on ne peut plus brillants, est superbement intelligent. Qui en effet aujourd'hui aura l'outrecuidance d'affirmer en pinaillant et sans se ridiculiser que Indo n'est pas rock ?
Yves Bongarçon, Rocksound, avril 2002
Yves Bongarçon, Melissa auf der Maur et Nicolas Sirchis dans Rocksound, avril 2002

(Petit aparté : nous nous moquons éperdument de qui serait "rock" ou non. Cela n'a jamais été un gage de qualité. Nous employons bien sûr les dénominations liées aux tendances culturelles et orientations musicales : pop, rock, musiques électroniques, etc. Mais la plupart du temps, nous utilisons le nom du groupe en question pour définir sa musique, plutôt que nous perdre dans des collections de sous-genres ou étiquettes, dans lesquelles beaucoup d'auteurs aiment injecter une logique hiérarchique de chapelles.)


Comme dit auparavant, Nicolas confond ses propres spéculations avec la réalité de son public, mais surtout se cache derrière l'auditorat de ses rêves pour dissimuler sa recherche de gloire par procuration. Il avait déjà exploité en 2000 un concert commun avec Placebo, et surtout une interview en compagnie du très respecté Brian Molko, pour se faire passer pour une sorte d'équivalent français du groupe londonien.

Voir : Placebo

Ce rapprochement fut exploité sans relâche par Nicolas, qui continua à mettre l'accent sur des vêtements noirs satinés et un maquillage affirmé. De plus, il s'afficha dès le début du Paradize Tour avec une nouvelle Fender Jaguar rutilante (un puissant signifiant indie), et plus tard une Gibson SG - les deux guitares fétiches du chanteur anglo-américain, dans les mêmes couleurs.

"Electrastar", Mayenne, mars 2002

Ces choix avait bien sûr pour but de faire naître une parenté visuelle entre les deux groupes : mais Brian Molko sortait un jeu de guitare tout à fait singulier et personnel, alors que Nicolas était toujours débutant. 
On pouvait même voir de jolis autocollants sur sa Jaguar : New Order, Gorillaz, Chemical Brothers.

"Bonsoir à tous, nous sommes Indochine, on vous présente notre nouvel album.
Nicolas Sirchis sur la scène de l'Elysée Montmartre, 2002

"Il semble qu'on ait vu les choses en grand pour ce retour avec les collaborations sur l'album de Gérard Manset, Ann Scott, Michael Furn de Mickey 3D, Jérôme Soligny, et Melissa Auf der Maur (ex-bassiste des Pumpkins et Hole) qui laissera d'ailleurs un bien meilleur souvenir que le pauvre Brian Molko : trois titres pour Melissa tandis que le boss de Placebo, parachuté (mauvais) DJ de service a un peu cafouillé : pas mal de fans d'Indochine s'étant éclipsés au départ de leur idole et Brian eut toutes les peines du monde à conserver les derniers (qui attendaient simplement que Nicola sorte des loges)."

Yazid Manou, Chronique du concert de l'Elysée-Montmartre pour Rock&Folk, 2002

Il fallut en effet un peu de temps pour intégrer Brian Molko au calcul marketing d'alors. Déjà pas bien pleine, la salle s'était effectivement vidée aux trois quarts au moment où le chanteur de Placebo apparut sur scène, et les gens étaient surtout déçus après avoir découvert que Jean-Pierre Pilot n'était plus là.

Pourtant à force de le matraquer, cela finit par fonctionner auprès d'une grande partie du nouveau public pas encore vingtenaire. Ce dernier obtint même satisfaction avec le duo "Pink Water", gravé en 2005 sur Alice & June, témoignage d'une  mode indie rock aujourd'hui révolue.

Voir : 2005 - Alice et June


Nicolas alternait aussi au cours de la tournée, comme Molko, les tenues noires et blanches, allant même jusqu'à tenter la robe courte.

Nicolas Sirchis sur le Paradize Tour (date inconnue), 2002

La comparaison reste pourtant parfaitement incongrue vu le fossé immense entre les deux groupes. Entendez-vous vraiment une parenté musicale ? Thématique ? Était-il vraiment pertinent de mettre en parallèle deux formations si différentes pour des questions de succès ou d'exposition médiatique ? Faut-il considérer le maquillage comme un certificat de gémellité ? 

"Placebo c'étaient les mêmes recettes que David Bowie au tout début, et puis après Marilyn Manson, et puis là Yungblud c'est les mêmes recettes. Maquillage, outrance, machin..." 
Nicolas Sirchis, Konbini, décembre 2020

Apparemment, oui.

Voir : Placebo


L'occasion d'envoyer une nouvelle pique à Jean-Pierre Pilot, soit-disant trop variété, alors que Nicolas serait rock, lui, puisqu'il aurait des amis rock et non-français.
"Mes restos du coeur à moi, c'était le 21 février dernier sur la scène de l'Elysée-Montmartre avec Melissa auf der Maur et Brian Molko. C'est ça mes couleurs ! Et pas d'aller faire le zouave et d'être pote avec Zazie ou d'autres !"

Nicolas Sirchis, Rocksound, mai 2002

Lorsque l'album sortit en mars 2002, nous pûmes découvrir un logo qui allait nous suivre pendant un sacré bout de temps : 
 

Le choix d'un logo minimal et aisément reproductible révéla la transformation d'Indochine en marque.

La plupart des groupes et artistes deviennent des marques déposées à partir d'un certain niveau de popularité requérant cette protection. Certains peuvent devenir des entreprises à part entière, parfois plus importantes que les maisons de disques elles-mêmes. Il semble malheureusement qu'une simple propriété intellectuelle sur le nom "Indochine" ait dérivé vers quelque chose de plus comparable au swoosh de Nike. 

Comme pour confirmer ce dernier point avec une limpidité presque drôle, la croix de Paradize ne fut pas reproduite que sur scène, les affiches, les tickets de concerts et les t-shirts. Elle le fut également, a posteriori, sur des pulls, des sacs, des drapeaux et même des chaussettes.
"Avec cette manie de la marque apparut une nouvelle race de gens d'affaires, lesquels vous informaient avec fierté que la marque X n'était pas un produit mais un style de vie, une attitude, un ensemble de valeurs, un look, une idée."

Naomi Klein, No Logo, Actes Sud, 2001

La croix apparaît même dans le menu des rééditions DVD du Wax Tour et du Dancetaria Tour en 2002 ! Comme une confirmation à l'hypothèse présentée plus haut : Paradize permit bien de créer rétroactivement une pseudo-cohérence thématique avec les deux albums précédents, dorénavant regroupés sous une même bannière - celle, séduisante, de la renaissance du phénix sur fond de croisade contre l'injustice de la critique et des vieux cons. Cela fait-il partie des idées et valeurs suggérées par le nouveau logo de la marque Indochine, au point de finir si souvent en tatouage ou en bijou ? Ces valeurs peuvent-elle participer à expliquer l'aspect pugnace et lobbyiste de nombreux indofans ?

"Regarde des groupes comme Cure ou Depeche Mode. Ils ne ressemblent plus à ce qu'ils étaient mais leurs noms restent un étendard, un état d'esprit à perpétuer."

Nicolas Sirchis, 1996

Un nom, une marque comme un étendard, un état d'esprit, c'est bien de cela dont il s'agit.

Cette croix est encore présente de nos jours :  elle fut le point de départ des nouveaux logos du 13 Tour puis des 40 ans, tandis qu'une version encore plus épurée avait illustré la création du label Indochine Records en 2015, dont Nicolas est président. À ce jour, tous les albums depuis 1982 sont tailladés avec cette croix, comme pour persister dans la réécriture et l'incorporation d'une discographie, forcément incohérente, sous le même blason.
 

Quoi qu'il en soit, Indochine était montré en 2002, par Nicolas comme par de nombreux journalistes, comme un groupe enfin mûr, débarrassé définitivement de la prétendue superficialité de la pop marquée "eighties".

"Quand on écoute Daft Punk qui dit avoir rendu 'un hommage aux années quatre-vingt' en prenant le pire de cette période, je suis plutôt fier d’avoir fait cet album-là. Pour moi, le meilleur de ces vingt dernières années, ça passe par Cure, New Order, Depeche Mode et Marilyn Manson."

Nicolas Sirchis, RFI Musique, avril 2004


On peut ne pas aimer l'époustouflant Discovery (2001), encore faut-il le comprendre :

"On their two most influential albums, 1997’s 'Homework' and 2001’s 'Discovery', Daft Punk proved themselves sampling virtuosos. They had a knack for locating the killer riffs secreted within otherwise deservedly obscure songs from the past and, through deft recontextualization and processing, unleashing their incandescent potential. Now with 'Random Access Memories', the goal is to make music that others might one day sample."

Simon Reynolds, Daft Punk interview, New York Times, mai 2013

Voir : Révisionnisme et malentendus 


Paradize
 constitue une suite surprenante, mais logique, au plus délicat Dancetaria (1999). 

Si Dancetaria montrait quelques envies de reproduire le son crade du début des années 90, Paradize continue de verser dans cet alternative rock qui semblait remiser la décennie précédente au placard. Olivier Gérard, directeur artistique sur Paradize, avait d'ailleurs réalisé deux remix de "Stef II" (Ghost Mix & Power Mix), et surtout le prémonitoire Z Mix de "Justine", qui en novembre 2000 annonçaient déjà tous les choix du futur album. Nous pouvions y entendre, bien tardivement, de nombreux éléments piochés dans ce rock alternatif singulier - voire une simple démonstration d'un genre déjà bien installé et codifié.


C'est la rencontre miraculeuse, tant de fois évoquée, du nouveau duo dirigeant, base du nouveau groupe dont nous discutons sur ce blog. Pourtant, Paradize constitue davantage une réinitialisation que l'arrivée à maturité d'un groupe ancien : si le Z évoque la fin d'une époque, il en marque le début d'une autre, celle d'un projet solo qui allait absorber le nom et la notoriété d'un groupe vieux de vingt ans et qui avait tant prouvé.

Voir : Pourquoi Indochine Mk2 ?

Nicolas avait évoqué Wax comme "premier album d'un nouveau groupe", ce qui est historiquement juste, mais il nous semble plus approprié de considérer la réinitialisation de Paradize avec Nicolas comme seul membre originel, comme le premier album du groupe que nous connaissons aujourd'hui.

"Ce qui est drôle sur Paradize, c'est que c'est vraiment un album de 'bricolage', capturé dans le sous-sol de chez Nico, avec un pauvre PC et très peu de matériel. On a composé très rapidement parce qu'on a eu une approche très sauvage, pas intellectuelle ; on plaquait des accords, on trouvait des trucs instinctifs. Ça nous plaisait, on enregistrait direct."

Olivier Gérard, Rolling Stone, hors-série spécial Indochine, juin 2010  

 

"Comme deux mecs de douze ans qui prennent une guitare, qui font deux notes et qui sont ravis !

Olivier Gérard, Un flirt sans fin, 2006


Nous avons donc affaire à une contradiction entre cette idée de la spontanéité de la jeunesse retrouvée, et celle d'une maturité enfin exploitable pour un vieux groupe. Cette contradiction se retrouve immanquablement dans la musique proposée.

Paradize montre en effet les qualités d'un premier album : celles d'un groupe tout neuf, motivé, qui se donne à fond et veut montrer de quoi il est capable.

"On n'avait pas d'autre choix que de le faire à deux, avec un PC, une guitare, un clavier et les effets qui sortaient de l'ordinateur. Je ne savais pas ce que c'était qu'être producteur. Je ne me suis pas dit 'quel son je vais donner à Indochine ?' Je n'avais pas cette prétention de m'accaparer un album, ni de le chapeauter. J'ai tout fait instinctivement."

Olivier Gérard in Indochine, Jean-Eric Perrin, 2011


Cela s'entend à l'écoute, et l'aspect punk de Paradize peut s'entendre dans ce côté do it yourself .

Olivier Gérard en studio, 2001

Malheureusement, Paradize montre aussi les défauts d'un premier album : il est infiniment trop long et dense, et le duo semble avoir totalement négligé l'étape de l'élagage. À la fin, l'album ne va pas franchement dans une direction plutôt qu'une autre. Trop de guitares pour être un album orienté machines, trop de machines et d'informatique pour être un album orienté guitare, trop d'acoustique et de piano pour être un album sans concession, trop d'électrique et de bruitages pour être un album de variété ou de chanson française. 

De la même manière, Paradize témoigne d'une volonté de présenter tout ce que le duo a produit, sans avoir à effectuer un tri. Pourtant, il est commun d'observer qu'un premier album peut souvent être considéré comme le best-of d'une première période. Là où d'autres groupes trient leurs morceaux pour la cohérence de l'album, et relaient ceux non utilisés en face B, Mk2 les utilise tous, quitte à faire des albums trop longs. C'est cette incapacité à trier, qui donne la fausse impression d'une absence de titres inédits ou de vrais bonus de réédition alors que la réalité est plus simple : tout est déjà sur l'album. Ce problème se vérifiera sur toutes les propositions postérieures, et ce jusqu'à aujourd'hui.

Voir : 2005 - Alice & June
 

Une vraie face B cependant : l'instrumental "Glory Hole" (que Rolling Stone orthographia "Gloriole" !), premier morceau publié sous le nom Indochine sans aucun membre originel, puisqu'il s'agit d'une composition d'Olivier Gérard. Quant à lui, "Le doigt sur ton étoile" ne servit qu'à justifier un collector - les 1000 premiers exemplaires de l'album. 

Nous retrouvons sur Paradize des ritournelles familières ornées des plages synthétiques et ambiances darkwave qui donnaient déjà la couleur de Dancetaria. Mais cette fois au travers d'un prisme rock plus marqué, et encore davantage de guitares fortement saturées.

Le premier morceau éponyme en est certainement le plus représentatif : séquence synthétique austère, nappes minimales, et des paroles floues autour de la réincarnation et du paradis qui précèdent de violentes guitares. Le traitement vocal est déconcertant, le chant timide mais en avant. "Paradize" montre déjà cette ligne sonore plus amateur, qui tranche distinctement avec la variété-rock très produite de Dancetaria.

Enregistrement des voix avec Phil Délire, 2001

La distorsion est omniprésente, le son cradingue, les effets nombreux. Il est très difficile de trouver Paradize organique, d'y entendre des guitares naturelles. On y entend plutôt des instruments virtuels, des guitares branchées directement à la carte son, et un Gareth Jones qui semble essayer de sauver au mixage des enregistrements très imparfaits. 

Comme dit par ailleurs et confirmé par Olivier, Paradize sonne comme une démo synthétique avec des sons numériques rudimentaires. Non que cela soit nécessairement un défaut, mais cet aspect artificiel et métallique, que l'on peut rapprocher d'un certain electro-indus du milieu des années 80, reste un choix étrange pour un album censé remettre les pendules à l'heure avec une crédibilité rock identifiable par un public français. 

Voir : Révisionnisme et malentendus

Paradize peut pourtant être entendu comme un accomplissement tardif, qui étanche des envies plus anciennes chez Nicolas. En effet, il semble correspondre à ce qu'il voulait pour l'album Un jour dans notre vie (1993) :

La plupart des livres sur le sujet évoque l'envie pour le groupe d'alors - souvent en évoquant l'attrait de Stéphane pour Nirvana - de durcir la musique d'Indochine pour la faire coller à l'époque (Le Roman-Vrai), quitte à perdre un peu de son identité new wave et se voir accuser de rentrer dans le rang (Insolence Rock). 
"Stéphane écoutait Nirvana, il avait aussi envie de faire autre chose, et il avait raison... J'ai trouvé que les maquettes étaient beaucoup plus rock et beaucoup plus dépouillées que ce qu'est devenu l'album. Maintenant, c'est juste mon opinion..."

Nicolas Sirchis, Insolence Rock, Camion Blanc, 2004 

"Savoure le rouge aurait pu être un méga-tube, mais aucune radio ne le passe, l'album est un flop total mais on voit qu'il y a des fans, un public qui commence à me plaire, qui aime Suede, Blur. C'était le début du grunge."

Nicolas Sirchis in Indochine, le livre, Jean-Éric Perrin, 2010


Avant d'aller plus loin : 1993 - "C'était le début du grunge..."


Malgré Wax et Dancetaria qui présentent aussi ce défaut d'aseptisation que regrettait Nicolas en 1993, au point de préférer les maquettes, faut-il comprendre que ce fut pour lui l'enseignement qui le conduit à valider Paradize, resté à 90% à l'état de démo ? Si un seul album d'Indochine peut montrer des guitares affiliables à un certain son grunge, c'est bien Paradize en 2002... Et confirmer de surcroît une impression d'un disque très en retard sur son temps.

La pochette de l'album en question, centrée et frontale, peut d'ailleurs être vue comme une des prémices de ce qui constituera l'esthétique de Paradize - et même des Singles Collections (2020) qui entretiennent la même logique visuelle.

Simon Fowler, séance pour Un jour dans notre vie (1993)

En 2002, c'est de nouveau Peggy M. qui s'y colle. Pour rappel, celle que de nombreux fans ont longtemps considérée comme la garante de l'univers esthétique d'Indochine a été piochée en 1999 auprès des épouvantables Madinkà. La pochette fait donc appel à des envies de romantisme, de sensualité et de provocation. Pour autant le résultat nous apparaît comme scabreux.
"[Nicolas] me transmettait ses souhaits et me donnait des références d'images. Au départ il avait une envie très précise qui a doucement évolué, mais les thèmes, eux, n'ont pas changé."

Peggy M., Rockmag, 2004
Marilyn Manson, Mechanical Animals, 1998

Suede, single Can't get enough, 1999

Baby Chaos, Love yourself abuse, 1997

"Comme un des thèmes principaux de l'album était la naissance, j'ai eu [La naissance de Vénus de Botticelli] en tête. En fait, je trouvais cette peinture très proche de ce que Paradize m'avait inspiré en l'écoutant, et de l'image que j'avais d'Indochine. Par rapport à ce tableau, je trouvais intéressant le fait qu'on ressente beaucoup de pudeur malgré la nudité. Je souhaitais vraiment jouer avec les contradictions, l'ambiguïté, l'adolescence, la maternité. La photo de Paradize est très statique, comme une peinture. Le modèle est figé. Les yeux sont hors champ et l'idée que la jeune femme nous regarde peut être pris comme un affront adolescent."

Peggy M., Rockmag, 2004
Voir plus haut la photo de Simon Fowler pour Un jour dans notre vie.

La naissance de Vénus, Sandro Botticelli, 1485
"On m'a reproché certaines pochettes de disques, comme celle de Paradize, qui mélangeait sexualité, maternité et religion. C'est vrai qu'elle n'était pas 'politiquement correcte', mais quand on pense à ce fameux dessin de Guy Pellaert qui date des 70's et qui représentait les Stones habillés en nazis aux côtés de petites filles, on se dit qu'il serait impossible de refaire ça aujourd'hui..."

Nicolas Sirchis, hors-série Rolling Stone spécial Indochine, juin 2010

Guy Pellaert, illustration pour It's Only Rock'n'roll des Rolling Stones (1974)

La trivialité épineuse de Nicolas tranche clairement ici avec le discours d'une Peggy M. qui apparaît en comparaison élégante et délicate. Nicolas a sans doute raison de penser que cela ne pourrait plus se faire de nos jours, mais est-ce une évolution de la morale, ou la découverte de la futilité ou le ridicule de ce type de provocation ?
"On va voir si notre pochette choque. La croix, une nativité avec une fille qui a la main dans son pantalon... Mélanger sexualité et maternité, c'est possible mais c'est encore tabou. Là, elle semble dire : 'J'emmerde le monde, j'aime ce que je veux.' Je trouve ça fort."

Nicolas Sirchis, Télémoustique, mars 2002

Voir : Le dernier tabou


Nous trouvons ici une cohérence avec notre analyse du nouveau logo d'Indochine et des idées et valeurs qu'il véhiculerait : emmerder le monde.

"Emmerder tout le monde ! Quoiqu’il arrive, on est là ! Et je n’ai pas besoin de serrer la paluche à Pascal Obispo ou autre chose pour être reconnu !"

Nicolas Sirchis, RFI Musique, avril 2002

Suede, single Electricity, 1999

Livret de Paradize

Brett Anderson, 1994

Nicolas dans le livret de Paradize


Marilyn Manson

Single Mao Boy, 2002

Question sex-provoc-soirée gothique, Paradize n'est pas en reste, et c'est justement ce qui distingue Mk2 des groupes comme Placebo ou Suede. Ces derniers ont certes été provocants, mais jamais grossiers. L'obsession de Nicolas pour la sexualité juvénile est assurément malaisante, et les émulations qu'il se permet d'opérer nous apparaissent comme autant d'attentats quand il s'agit de groupes aussi respectables et influents. Même la transgression présente dans l’œuvre de Marilyn Manson était dans le pire des cas simplement drôle. C'est aussi le premier degré absolu de Nicolas qui l'enferme lors de ses tentatives de subversion dans un personnage vicelard à la tête d'un groupe embarrassant.
"The sexuality in the lyrics was a really important thing. I really wanted to talk about sexuality in the same way that Lucian Freud paints the human body, this sort of like stark realism, slightly uncomfortable, that kind of like very very reals of candle colored skin, under a fluorescent light."
Brett Anderson, The Insatiable Ones Documentary, 2018

 

"Je crois que la, la, les, la motivation principale du rock en général c'est la morale, la sexualité, la religion, c'est tout ce que nous on a subi euh, quand on était adolescent euh, une éducation euh, judéo-chrétienne pour la plupart, euh, la découverte de la sexualité, euh, et la morale fais-pas-ci fais-pas-ça donc c'est un peu le thème central du rock en général. N'importe quelle chanson de Cure ou Depeche Mode, ou même de Blur ou de Placebo c'est euh, ce genre d'invectivation (sic) qui nous intéresse."

Nicolas Sirchis, Arte TV, 2003

Soit un fossé abyssal entre un intellectuel et un autre type de personnalité. Un artiste chez qui la culture coule de source, et un communicant qui se demande où se placer sur l'échiquier.
"Que penses tu de la comparaison (qui a été faite par certains fans sur plusieurs forums) du nouvel univers d'Indo (site officiel, DVD des clips...) avec celui de Marilyn Manson ?

Il ne s'agit pas d'un nouvel univers. Celui-ci a toujours été "dark". Quand on voit par exemple le clip de 'Savoure le rouge' qui date de 93, réalisé par Caro, on ne peut pas dire qu'on aie copié Marilyn Manson puisqu'il n'existait pas encore à l'époque. Depuis 25 ans qu'Indochine existe, certains essayent en permanence de comparer nos influences avec le ou les groupes du moment. Depeche Mode un temps, Cure un autre temps, aujourd'hui c'est Marilyn Manson ou Placebo. En France ça se passe comme ça, et c'est dommage. Moi j'adore le travail artistique et graphique de Marilyn Manson, mais je ne pense pas que notre site en soit une copie, ni notre musique d'ailleurs. Ce n'est pas parce que j'aime un artiste qu'il faut sans arrêt dire qu'on le copie. Nous avons notre propre univers, qui est dans l'air du temps, de notre temps."

Le présent article, voire l'ensemble du blog, doit pouvoir répondre adéquatement à cette sortie de Nicolas. Non, Indochine n'a pas toujours été dark. Ce qui n'est pas très grave, il n'y aurait pas dû y avoir cette urgence à créer de toutes pièces une filiation entre Mk1 et Mk2 pour justifier un tournant goth.

Voir : 1999 - Dancetaria


L'esthétique observée dans "Savoure le Rouge" est avant tout celle de Marc Caro : une sorte de burlesque industriel qui tient à la fois de la science-fiction vernienne et de l'art forain. Le clip fut primé au festival de Gérardmer en 1993 et le cabinet de curiosités qu'il présente préfigure en effet certains visuels de la bande à Brian Warner.

Nicolas est culotté de reprendre à son compte la signature esthétique d'un autre artiste : mais il faut comprendre que pour lui, il est naturel et légitime que ses collaborateurs se mettent à son service. En y laissant leur savoir-faire et même leur langage, il est attendu que leur production artistique soit avant tout perçue comme celle d'Indochine. 


Faire preuve de subtilité, de pertinence et de cohérence aurait suffi pour évoluer, malheureusement c'est là que la communication a pêché. Les gros sabots étant visiblement un peu timides, Indochine dut sortir les grosses New Rocks.


La dixième plage de l'album est très évocatrice : "Marilyn". Bien sûr cet hommage, bien qu'assumé, était essentiellement opportuniste et destiné non seulement à durcir efficacement l'image du groupe, mais aussi à coller avec la mode goth/emo de l'époque. Le tournant radical d'Indochine se voyait ainsi perceptible à la télévision, y compris à travers la publicité donc en dehors des chaînes musicales, et auprès d'une audience encore plus large.

Depuis Dancetaria, l'influence - visuelle - des Smashing Pumpkins s'était déjà fait sentir, mais Nicolas récidive, séduit par l'imagerie gothique du clip de "Stand inside your love" (2000). Il s'agit sans aucun doute ici de sa tentative la plus évidente et grossière pour combler ses vieux complexes. 

Ce qui nous pose question, c'est la pertinence de vouloir reproduire l'imagerie de Marilyn Manson pour les Français, dans un pays certes assez conservateur et perméable à la culture américaine, mais qui reste sans commune mesure avec cette dernière. C'est toute la tension et l'absurdité d'une société basée sur la violence, la religion et l'hypercapitalisme que Marilyn Manson s'est attaché à décrire et à retourner contre elle-même pour la critiquer sans concession, et c'est peu dire qu'il a été très attaqué dans son pays, et absurdement accusé d'être à la source de ce qu'il dénonçait.

Mais comme toujours, en France, on n'a su garder de ce propos que le côté provoc', et la saturation des guitares ne semble destinée qu'à choquer les parents.


Quoi qu'il en soit, l'image de Manson est apparue à plusieurs reprises entre 2002 et 2003 : le t-shirt  immanquable d'Olivier Gérard était mis en avant sur les photos de l'enregistrement de Paradize, dans le livret de l'album, lors de la remise d'un NRJ Award en 2003... Le collectif est montré dans les bonus du Paradize Show réuni autour d'un concert de Manson, on y voit également Olivier jouant "Sweet Dreams"... Des fans chalonnaises y sont même montrées brandissant un t-shirt Manson à un concert, et le film de trois heures révèle globalement un intérêt très prononcé pour les fans les plus lookés, notamment les filles.

Le t-shirt d'Olivier pris en photo par Nicolas, mixage de Paradize, 2001

Nicolas souhaitait-il faire de son groupe une sorte d'antenne française de Marilyn Manson ? Certains nouveaux fans, attirés par un côté plus sombre, semblaient à cette époque considérer Indochine ainsi, et dans le meilleur des cas croire qu'une collection de références et une image endurcie pouvait suffire à faire la crédibilité d'un groupe français. C'était le but de Paradize et de l'album qui suivit, et une grande partie de l'auditorat d'alors donna raison à ce recalibrage marketing, encore à ce jour.

Le désespérant "Marilyn" est néanmoins à la source d'un remix un peu plus excitant, à savoir la proposition de Curve. Nous sommes bien sûr à des années-lumière d'un morceau d'Indochine, mais cette collaboration entre Olivier Gérard et un très bon groupe de rock alternatif reste pertinente et bien plus électrisante que le morceau initial.


"Like a monster" était aussi pensé comme un appât pour les fans de Marilyn Manson. En plus de cette pop puissante et mêlée d'électronique, et du texte calqué sur les thèmes mansoniens (prédicateurs, religion, télévision...), les visuels projetés en concert avaient tout pour faire d'Indochine Mk2 une VF du chanteur américain. Et Nicolas était vraiment très fier de son coup : du gros son, des visuels qui pètent, du sexe et de la provocation.

"Like a monster" au Zénith de Paris en 2002

Aujourd'hui, Marilyn Manson est passé de mode, et la mention de son nom a disparu des interviews de Nicolas. De leur côté, les goths ont également disparu des concerts alors qu'ils étaient extrêmement nombreux dans le courant des années 2000. Mais il semble qu'en France, "où le rock se consomme looké" (Simon Reynolds, Rétromania), l'attitude soit infiniment plus importante que la musique.

Voir : 1999 - Dancetaria


Pour preuve, le DVD Paradize Show (3.6.3  en CD) montre au verso un logo "Parental Advisory / Explicit Content". Petite mise au point pour ceux qui l'auraient remarqué (et les autres) : il s'agit à la base d'un sticker imposé par le PRMC, groupe de pression créé aux Etats-Unis en 1985 afin de prévenir les parents d'un contenu sexuel ou violent dans les disques américains, et d'en protéger leurs enfants. La vente des disques apposés du sticker était interdite aux mineurs.

Nous vîmes d'ailleurs au cours du Wax Tour en 1997, Stéphane Sirchis, qui lui écoutait du hip-hop américain comme Run DMC ou Wu-Tang Clan, arborer un t-shirt "Fuck censorship".

Ce sticker, vécu comme une contrainte par les artistes concernés, se transforma vite du point de vue français en un puissant signifiant provoc'. Bien sûr, les disques de Marilyn Manson n'y échappaient jamais. Mais bien que ne concernant pas les artistes français, certains choisirent de l'apposer tout de même tel un certificat street cred, comme Rohff ou Booba, et donc... Indochine ! Le logo est pourtant très légèrement modifié, et imprimé avec le même filtre rouge que le reste des annotations, ridiculisant un peu plus sa présence déjà folklorique. Comme un patch sur un sac à dos Eastpak pour faire rebelle.


"Marilyn", s'il n'est pas singulièrement représentatif de l'hétérogénéité de Paradize, peut toutefois être entendu comme l'archétype de l'échec de sa logique  référentielle : malgré un aspect "tube", il reste inférieur au plus moyen des singles de Manson, parce qu'il privilégie la forme au fond, et le signifiant superficiel à la finalité de son langage.

Si Indochine préfère le gimmick dédicacé au sample révérencieux, aucune référence de Paradize ne constitue un commentaire sur la référence en question, elle se contente d'être simplement là, et semble ne devoir créer que la sympathie de l'auditeur (à l'image du récent t-shirt Friends). Chaque dédicace fait certes le boulot ("ah, ça sonne comme tel !"), mais pas davantage : in fine, pourquoi ne pas écouter directement les artistes référencés, bien plus singuliers ?

Marilyn Manson, Lest We Forget, The Best Of (2004)
 
Pourtant en mai 2003, Rolling Stone, acquis à la cause de Nicolas, enfonçait le clou non sans une certaine véhémence :
"Aujourd'hui, Indochine est bien là et a sa place dans le rock, Paradize nous l'a prouvé. Si quelqu'un a encore des doutes, franchement on n'en a rien à foutre.
Daniel C. Marcoccia, Rolling Stone, mai 2005

 

"Album sympa, amusant et un peu best-of. Sur scène, un vrai batteur, Arnaud Devos, donne la pêche à certains morceaux. On est toutefois encore bien loin du groupe live qu'on connaît aujourd'hui...
Daniel C. Marcoccia à propos de Au Zénith (1986), Rolling Stone, mai 2005


Au Zénith est pour nous un live de référence. Nous avons traité de notre mieux dans Révisionnisme et malentendus ce pénible sujet, qui amène à trop souvent ne considérer l'Indochine de Dominique et Stéphane que comme sympa, naïf, la pêche, les années 80, alors que Dancetaria et Paradize seraient bien plus sérieux.

Les visuels de 3.6.3. (2004) sont assez directement inspirés d'Interpol, qui avait sorti Turn on the bright lights (2002, produit par Gareth Jones qui avait aussi produit Wire, mais cela intéressait moins les deux cerveaux d'Mk2) ainsi qu'une série d'EPs, et dont Nicolas avait entendu parler via la presse rock de l'époque, unanime à juste titre.

"Vous connaissez Interpol ?
- Oui absolument, les nouveaux néo-quatre-vingt.
- Ouais, la new new wave."

Nicolas Sirchis dans En aparté, 2003

"Il y a une sacrée voix. C'est ça, Interpol ? En fait, j'ai complètement boycotté à cause du côté costard-cravate, mais ça sonne super bien. J'ai échappé à ça ! C'est une erreur. J'ai assimilé ça au revival rock'n'roll, mais pas du tout. Ça me fait penser aux Psychedelic Furs. Il faut que j'achète ça. On m'a proposé de le choisir récemment quand je suis passé à l'émission 'En aparté' et finalement j'ai choisi Joy Division. Je ne pouvais pas me priver de passer Joy Division à Canal+."

Nicolas Sirchis en blind test, Rocksound, avril 2003 


Le menu DVD du dit concert - et sa bande son obscure - pouvait aussi faire sourire, après avoir tant fait les yeux doux aux mansoniens.



Scéniquement et dans l'attitude, l'ensemble est pourtant plus influencé par le "One night in Paris" de Depeche Mode que - Dieu merci ! - par un quelconque concert de Marilyn Manson. 


L'enthousiasme d'une partie de la presse rock et d'un grand nombre de fans est tout à fait justifiable à l'écoute de 3.6.3. (2004). Le look jeuniste et provoc' du groupe était consternant, mais nous étions encore en 2003 à une époque où la musique parlait avant toute chose. Et justement, le concert est très réussi.

Le film Paradize Show (2004) montre le collectif à la hauteur de l'image que Nicolas veut donner, et ce dernier a bien des raisons de se montrer reconnaissant envers ses musiciens et compositeurs. Le concert est maîtrisé de bout en bout, les arrangements excitants. Même le chanteur est bon, l'apport déterminant de Jean-Pierre Pilot pour ses capacités musicales est encore très perceptible. La dégringolade viendra après, avec l'excès de confiance provoqué par cette époque royale.

Voir : 2005 - Alice et June

"On va faire des très très vieux morceaux parce que vous savez on est un très très vieux groupe, on a à peu près soixante-cinq ans..."

Nicolas avant "Salômbo" sur la scène de Paris-Bercy, juin 2003

Une blague sur le très vieux groupe souvent utilisée, comme pour marteler l'idée que oui, le nouveau groupe que nous avions en face de nous était en fait VIEUX. Tout ça pour dire plus tard :

"Mais je pense que musicalement le fait que ce soit un jeune groupe encore Indochine, malgré que tout le monde nous bassine sur les trente ans etc, c'est un jeune groupe.

Nicolas Sirchis, Pure, 2011

 

"On est des observateurs et des survivants un petit peu,  donc c'est ça, c'est ce qu'on voulait montrer. Vraiment marquer que ce groupe est un très vieux groupe. À l'aube de la retraite. (rires)
Nicolas Sirchis à propos du clip de "Nos Célébrations" et des 40 ans, RFM, 2020

En fait "Indochine" est jeune ou vieux selon la situation, et il semble obligatoire de devoir vraiment marquer son ancienneté, alors que la jeunesse du projet actuel est naturelle et logique. Il était pourtant très clair que les morceaux qui suivaient ("Salômbo", "La Colline des Roses", "Anne et moi", "Tes Yeux Noirs"...) n'étaient pas autre chose que des reprises, et ce que l'on aime ou pas le résultat.

Voir : Pourquoi Indochine Mk2 ?, Révisionnisme et malentendus, 2020 - "Nos Célébrations" & Singles Collection 2001 - 2021

Mk2 à Bercy, juin 2003

Nous regrettons un son indéfendable, principal problème de cet enregistrement qui aurait pu être un live de référence pour le rock français, s'il avait été plus soigné et ne laissait pas absurdement une telle place à une audience si bruyante.
"J'ai écouté tout d'une traite une fois, attentivement. Je m'attendais à cela dans les qualités comme dans les défauts. Je trouve cet album un peu trop 'live', la voix n'est pas assez devant et on entend trop le brouhaha de la foule. En revanche, Nicolas s'est nettement amélioré. Il connaît maintenant ses qualités, et met moins en avant ses faiblesses."

Dominique Nicolas à propos de 3.6.3., Platine, 2004

Olivier Gérard s'en explique :
"Apparemment ça ne plaît pas à tout le monde !!! Le public est habitué à entendre du faux live où tout est rejoué avec un son magnifique de studio. Ça n'était pas ma volonté en tant que producteur de sortir ce genre de live douteux. Bercy a donné lieu à un concert étonnant, il fallait un vrai live, avec ses erreurs et son ambiance. Le public est omniprésent, rien n'a été retouché. C'est un live brut. Que ceux que ça dérange ne l'écoutent pas, voilà tout ! Encore une fois, c'est un hommage au public et le DVD aura le même son, non retouché..."

Olivier Gérard in Insolence Rock, Sébastien Michaud, Camion Blanc, 2004

Certes Olivier, mais "non retouché" ne doit pas signifier "enregistré avec le cul". Il existe de nombreux concerts enregistrés, sortis non retouchés et qui sonnent excellemment, parfois même diffusés en direct à la radio ou la télévision. Un bon nombre de bootlegs amateurs sonnent même largement mieux que 3.6.3.

Heureusement le son du DVD Paradize Show est légèrement supérieur à la bouillie du CD, qui en effet donne autant à écouter les 16000 fans de Bercy que les six personnes présentes sur scène. Quant au "faux live" et au "live douteux", nous viendrons bientôt à parler de Radio Indochine, Les Divisions de la Joie et surtout Indo Live... Olivier les avait-il bien entendus, au moment d'écrire ce mail colérique à Sébastien Michaud ? Nous apprécierons le même rejet primaire de la critique que chez son patron. En effet, ces deux-là étaient vraiment faits pour se rencontrer.

Il y avait peut-être de quoi se vanter de sortir un live non retouché, puisque c'était la première fois que ça arrivait chez Indochine.

Voir : 1997 - Indo Live titre par titre


D'une certaine façon, Paradize peut encore être entendu comme un album d'Indochine. Mais ce qui aurait dû être un dernier album - et qui jusqu'ici aurait pu constituer une fin cohérente - s'est malheureusement avéré être le premier album d'autre chose. Un malentendu en toutes apparences voulu par Nicolas, qui en entraînera de nombreux autres, et de nombreuses incompréhensions du public, inévitables lorsqu'on sait la propension du leader au révisionnisme. 

Pour beaucoup de groupes, le premier album est le mètre étalon contre lequel sont mesurées les productions postérieures. Et Paradize n'y échappe logiquement pas. Comme un aveu de la part d'Mk2, c'est aussi le seul album qui aura droit à son concert jubilé en février 2012, comme souvent pour les premiers opus, albums cultes dans toute discographie.

Indochine Mk2, "Dark", Zénith de Paris, février 2012

Alice & June constituait la dernière chance de changer de nom, ce qui n'a pas été fait. Au lieu d'être un dernier album d'Indochine Mk1, fait avec un fan et les musiciens (excepté Jean-Pierre Pilot) de la belle tournée Une Nuit Intime..., Paradize constitue le premier album du projet solo de Nicolas que nous discutons sur ce blog, ce qui vient s'ajouter aux nombreuses confusions qui entourent un album pourtant pas si raté que ça. Une énergie électrique qui nourrit de nos jours la nostalgie de vieux fans, déçus par l'assagissement des propositions actuelles. La nostalgie typique des fans pour les premiers travaux, plus frais, sincères et authentiques.

"Ouais, je préférais le premier album..."


 


À écouter :

Paradize (Déphasé) sur la chaîne du blog, pour les curieux du son.



À voir également :

Paradize+10 au Zénith de Paris (2012), multicam réalisé par des fans.


Paradize Show (2004)

Enfer ou Paradis (Bonus de Paradize Show au nom absurde), communication longue de trois heures pour montrer à quel point le nouvel Indochine est jeune et cool et rock.

Interview de Nicolas Sirchis pour 5 Heures, 2002

Article sur le concert de l'Elysée-Montmartre par Yazid Manou (Rock&Folk, avril 2002)

Autopsie d'un succès, Rock&Folk, 2002

Article sur Paradize Show
(Rfi Musique, 2004)

"Marilyn" sur l'Alice&June Tour, 2006

 
Bonus science-fiction : Paradize Redux

Nous nous accordons à trouver Paradize trop long et dense, avec des titres encastrés au maillet pour remplir toute la durée du CD. La cohérence de la tracklist en pâtit, ainsi que le plaisir ressenti à l'écoute d'un disque au son aussi saturé que rudimentaire.

Au temps du vinyle, il était naturel que chaque face ait ses propres débuts et fins ainsi que son propre rythme, ses temps faibles, temps forts et effets de miroir. Le disque compact chamboula cette conception des choses, et finit par privilégier un maximum de musique (72 minutes max). Les rééditions vinyle des albums postérieurs à Un jour dans notre vie témoignent de tracklists imaginées en dehors de ces clous, et leur redécoupage pour les rééditions vinyle de 2015 apparaît comme parfaitement insensé. 


Imaginons donc un monde parallèle où, après le décès de Stéphane Sirchis, son frère Nicolas et son nouveau collaborateur Olivier Gérard constituent un nouveau groupe sur les cendres d'Indochine.

Nous ne connaissons pas le nom de cette nouvelle formation où les musiciens se présentent dans un esthétisme sobre, dans la lignée du Dancetaria Tour.

En 2002, ils sortent discrètement leur premier album quasi-autoproduit, les médias étant tout de même curieux d'avoir des nouvelles d'un vétéran de la french pop. La pochette est elle aussi, dépouillée et sans chichi :



L'album présente une face A power pop et une face B plus solennelle. Chaque face possède son début et sa fin. Deux singles apparaissent en milieu de face, et se répondent :

Face A
Face B
Paradize
La Nuit des Fées
ElectrastarLe Manoir
Mao Boy! (single) 
Popstitute (single) 
DunkerqueDark
Le Grand Secret
Comateen

Faces B :
"J'ai demandé à la lune"
"Like a Monster"

"Un singe en hiver", dans la version single cristalline que nous connaissons, est une piste cachée.

Certains titres n'existent que sur scène. C'est une manière de donner davantage de crédit aux albums live, et donc alléchant d'un point de vue marketing. "Glory Hole", "Le Doigt sur ton Etoile", la blague "Punker" et le jovial "Marilyn" remplissent ce rôle et plaisent aux fans, tant les nouveaux venus que les nostalgiques d'Indochine, amusés de voir Nicolas dans ce registre. 

"Marilyn" sort en single hors album quelques mois après le succès du Paradize Tour, et constitue une transition très logique vers le futur Alice et June. "Glory Hole" est en face B, et la pochette évoque un geste que Nicolas et Boris avaient l'habitude de faire sur scène durant la tournée.


 
Comme chacun sait, les choses ne se sont pas passées ainsi.

Voir : Paradize (Redux) sur Deezer


Annexes :

Petit mot sur "J'ai demandé à la lune", titre miraculeux sans lequel Paradize serait resté dans l'ombre et aurait même probablement eu moins de visibilité que Dancetaria, Stéphane ne pouvant pas remourir pour attirer médias et sympathie sur Indochine.

L'histoire du morceau est connue :
"Incroyable mélodie signée Mickaël Furnon, 'J'ai demandé à la lune' possède cette immédiate fraîcheur. Une ballade qui évoque 'Le soleil a rendez-vous avec la lune' de Charles Trenet, mais totalement revisitée. Hervé Lauzanne (producteur exécutif de Paradize) raconte : 'Lorsque Nicola m'a dit qu'il était prêt à faire appel à d'autres plumes, j'ai immédiatement pensé à Mickaël Furnon que j'avais découvert avec son premier groupe 3dK. Il m'envoie aussitôt deux chansons, celle-ci et une autre restée inédite 'C'est Mozart qu'on assassine' en hommage à Stéphane que Nicola ne retiendra pas, ne se sentant pas de chanter quelque chose en mémoire à son frère qu'il n'a pas écrit. Mais ça n'était pas gagné parce que les premiers essais de 'J'ai demandé à la lune' sont trop lents. J'ai alors l'idée de demander à un ami producteur, Jean-Christophe Concato, de l'accélérer et de s'inspirer de l'arrangement d'une chanson de Plaid, 'Eyen'. Et là miracle, le résultat sonne comme une évidence. C'est la bonne idée !'"

L'Aventure Indochine, Christian Eudeline, Prisma, 2018


1 commentaire:

  1. Bonsoir,
    Un grand merci pour cette publication extrêmement fouillée et pertinente. Sur le moment, je ne m'étais pas nécessairement rendu compte entre autres de ces emprunts iconographiques qui en disent long sur cette quête sans fin de crédibilité 'rock'. Je ne sais pas si ceci est une histoire de génération, mais pour moi Paradize a le goût de l'enfer (désolé, elle était facile). Trop long, faussement 'rock', influences patentes et mal digérées, c'est un chemin de croix. A part quelques titres, cet album m'a toujours laissé foncièrement froid. Ce qui me surprend, même après vingt ans, c'est ce succès commercial (et pas artistique). J'aime Indochine, autrement, je ne serai pas ici, mais Paradize est le commencement pour moi d'un détachement affectif progressif. Pour faire simple, je ne m'y retrouvais plus dans cet opportunisme patent . Votre site, je le ressens comme tel, expose bien ce sentiment. A trop minimiser, voire nier le rôle de certains et exagérer le rôle d'autres et réécrire l'histoire, l'Indochine des années 2000 n'est plus que l'ombre de lui-même et ne transmet quasiment aucune émotion.
    Bien cordialement,
    Richard SUBERBIELLE

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