Épilogue

Si vous ne découvrez ce blog qu'après la publication du présent post, nous écrivons cet épilogue pour vous dire que nous nous arrêtons ici. Une lecture de notre avant-propos vous est à ce stade chaleureusement conseillée. 
 
Ceci fait, soyez les bienvenus sur Soleywhy.

 
Nous retrouvant autour d'un esprit documentaire, d'une mentalité analytique et d'une sévère aversion pour le bullshit, nous avions commencé il y a déjà plusieurs années à prendre des notes. Allions-nous en faire quelque chose, écrire des chroniques, un bouquin, lancer un podcast...? Nous avons commencé tel un blog un peu humoristique, listant les calques grossiers du chanteur d'Indochine face à leur référence originale. Nous aurions d'ailleurs pu continuer de le faire longtemps, voire nous en contenter tellement c'est délirant.

Voir : Influences et références
 
U2, "I'll go crazy if I don't go crazy tonight", 2011 (Voir)
 
U2, "Where the streets have no name", 2017 (Voir)

Puis en quatre ans d'existence et de travail commun, c'est devenu l'espèce de livre augmenté que vous avez sous les yeux. Au fil de la pensée, l'humour a disparu pour laisser place à la gravité.

 
Que ce soit au sein des parutions en librairie, officielles ou non, ou même de blogs parfois travaillés, nous avons toujours constaté un manque de rationalité et de recul critique.
Nous-mêmes, il nous a fallu des années pour comprendre le fonctionnement du projet Indochine Mk2, que nous avons pourtant suivi de près pendant très longtemps. Jusqu'à ce que le besoin d'écrire devienne trop envahissant. 
 
Mais cela n'aurait pas dû être à nous de faire ça, surtout vu le nombre absurde de livres sortis sur le sujet, souvent écrits par des gens d'un certain âge, qui auraient pu se sortir un peu plus les doigts. Que cela soit d'ailleurs l'occasion ultime de le dire : l'argument typique de fan "J'étais là à l'époque" ne tient pas. Avoir vécu un phénomène culturel au plus près n'en implique nullement une compréhension juste et une meilleure légitimité à en parler, il est possible et même courant de se tromper toute sa vie.

 
Nous nous estimons chanceux d'être passés à travers les mailles du filet, mais tous n'ont pas eu le même parcours. Bien sûr, et nous n'en avons pas fait secret, notre point de vue est influencé par nos opinions, goûts et lecture politique du monde. Mais du mieux que nous avons pu, nous avons privilégié l'analyse la plus documentée possible à une collection d'avis personnels. Nos goûts nous sont familiers, et nous aurions été bien imbéciles de vouloir les étaler sur un blog, puisque clairement, tout le monde s'en fout. 

Mais lorsqu'on est fan, par définition, on manque d'esprit critique. Et si les fans d'Indochine Mk2 peuvent trouver le blog à charge et ne pas en saisir immédiatement la démarche et finalité de son contenu, c'est pourtant pour eux que nous avons travaillé et partagé nos résultats en ligne.

Par contre, nous n'incluons pas les quelques-uns qui ont fait le choix d'aller toujours dans le sens des versions officielles pour protéger leur place acquise au fil des ans dans les petits papiers de Nicolas. Les hiérarchies de fans et les grades de forums ne nous intéressent pas.


Les fandoms sont des niches culturelles aussi singulières que nombreuses, mais il est plus rare d'en trouver qui s'apparentent tant à une religion. Bien que certains fans puissent se montrer sectaires, ils s'y trouvent aussi en général les plus gros nerds avides de précisions, de recherche et d'analyse, capables de se montrer très exigeants avec leurs idoles, parfois dans des proportions démesurées. Ces fameux jamais contents qui provoquent tant d'incompréhension.

"Personnellement moi je m'occupe de mon, de mon Twitter, Instagram, c'est ça... Sur les forums euhhh... J'y vais un peu de moins en moins, parce que y'a beaucoup trop de critiques. Ça me saoule. Ouais, ça me... ça me saoule, héhé, donc... Mais nan mais c'est parce que c'est des, ils sont assez euh... - Exigeants ? - Non, jamais contents. Tséhahahaha ! Oui nan mais après les modérations... Nan mais après tout le monde peut dire ce qu'il veut. Mais bon euh... Par contre, sur mon Twitter tout le monde me félicite et tout, c'est cool."

Nicolas Sirchis, Virgin Radio, novembre 2013


Chez Indochine ceux-là existent, mais ne représentent qu'un pourcentage infinitésimal du fandom. Certains ont essayé d'amener de la réflexion sur divers forums, sans succès, ne rencontrant la plupart du temps que l'aversion des fidèles, avec le mot "critique" systématiquement réduit à une connotation négative. L'analyse reste la plupart du temps impensable, interdite voire carrément hors-sujet : il faudrait avoir compris Indochine, savoir que c'est bien, et c'est tout.

Voir : Ceux qui n'aiment pas Indochine, Indochine par Nicola Sirkis et Rafaëlle Hirsch-Doran

"Que pensez-vous des blogs et sites sur Indo ?
[...] Euh, je consulte beaucoup plus en ce moment moi, les tweets qui me sont adressés, parce que c'est mon Twitter personnel, mais euh, je vais parfois, ou j'allais parfois effectivement sur le forum... Et euhhh... Comme je lis des choses un peu tristes, qui me... chagrinent un peu, c'est un peu plus difficile pour moi. Alors après l'expression est libre pour tout le monde et cætera, mais des fois je me demande sur certains forums, pourquoi ces gens sont là, et qu'ils ont qu'à aimer d'autres groupes, parce que c'est un peu dur. Voilà."

(Applaudissements du public)

Nicolas Sirchis, conférence, novembre 2014

Voir : 2013 - Black City Parade


Au bout d'un moment, s'il est si difficile pour Nicolas d'obtenir un plébiscite en dehors de ses fidèles, c'est peut-être qu'il y a des raisons, bien spécifiques à son propre cas. Ici comme au cours de dizaines d'autres citations présentes sur ce blog, nous ne pouvons pas imaginer de telles phrases dans la bouche d'un autre artiste. Une partie de l'explication, développée sur ce blog, réside dans le fait qu'Indochine Mk2 est une projection spectaculaire du psychisme complexe de Nicolas, et sa construction psychologique turbulente s'observe dans absolument tous les aspects de son projet, notamment les plus malsains.

"Indochine ça ne s'explique pas, ça se vit", parce que c'est comme ça. On ne sait pas vraiment expliquer, mais il faut y croire, et tout devrait se situer dans la foi et le ressenti. Un rejet primaire de l'analyse, typique des prédicateurs, gourous, et de nos dirigeants les plus autoritaires. Nicolas nous avait pourtant dit de nombreuses fois de ne pas faire confiance aux grandes personnes, et qu'il ne fallait pas être dupe - sans jamais nous dire de quoi. 
"Il n’y a que vous, la presse, pour lui dire qu’il a tort. Qu’il ment. Les gens gobent la plupart des trucs, c’est le dernier à parler qui a toujours raison. Eh bien non, il faut analyser."

Nicolas Sirchis à propos de Donald Trump, Le Bien Public, septembre 2017

Du temps où c'était à la mode de le faire, nous l'entendions également critiquer les religions et les nouveaux sauveurs, alors qu'aujourd'hui ses concerts s'apparentent plus que jamais à des célébrations évangéliques transformant les Zéniths en méga-églises.


Ce que semble apprécier un Olivier Gérard pas si antireligieux que ça :
"Être fan ça ne s'explique pas. L'art possède cette puissance inexpliquée de titiller violemment les sens de chacun. Une musique, un son, une parole, et nous voilà étincelants, transportés, rassurés, accompagnés. Être fan ça ne s'explique pas car l'Art (sic) ça ne s'explique pas. Juste un constat. Une voix "public" (? ndlr) qui scande des paroles comme des hymnes de pays imaginaires. Une grande messe, un recueillement, dévotion, euphorie. Fidèles respectueux, fidèles admiratifs, voire fidèles hardcore."

Olivier Gérard, préface de Indofans, Jean-Eric Perrin, Pop Culture, 2014

Pourtant, chacun parmi le public d'Indochine vaut mieux qu'un simple consommateur dévot. Nous connaissons aussi bien que vous le pouvoir irrationnel que peut exercer la musique sur l'esprit humain, et l'importance que ses créateurs peuvent revêtir dans la vie des auditeurs. Il nous tient à cœur en ce sens - quitte à passer pour des vieux cons qui ne comprennent pas - de rappeler que cette importance peut s'avérer moins inoffensive qu'il n'y paraît, et qu'on a trop vite tendance à arguer que ce n'est que de la musique. Ce n'est pas parce que "c'est bon, c'est que de la musique" que ça ne dit rien de vous et de votre rapport au monde. Et dans le cas d'Indochine Mk2, le constat fait très mal.


Ces problématiques ayant déjà été étudiées par des critiques, sociologues et journalistes, nous avons conscience d'enfoncer, d'une certaine façon, une porte ouverte depuis longtemps.
Il ne serait évidemment pas sérieux de dénoncer une dérive sectaire proprement dite, à l'heure où il est à la mode d'employer l'argument de la secte et où de nombreuses sphères osent se réclamer, elles aussi, de l'esprit critique... Un terme qui lui aussi devient malheureusement galvaudé. Mais il nous semble utile de souligner à quel point de trop nombreuses cases sont cochées : le rapport entretenu entre Indochine Mk2 et son public présente les mêmes problématiques d'isolement et de retranchement en communauté, à l'abri d'un monde extérieur perçu comme froid et intolérant. Avec des hiérarchies, des subalternes et des discours officiels bourrés de mensonges. Avec des hérétiques aussi, qui ne comprennent pas ce qu'il faut comprendre, soupçonnées d'être de mauvaises personnes, avec de mauvaises vibrations et parfois diaboliques.

Et ce, parce qu'ils n'ont pas adhéré, parce qu'ils ont osé critiquer.


Alors oui, les phénomènes d’idolâtrie sont courants dans la pop et ce depuis des décennies. Mais les contours d'Indochine Mk2 nous semblent dessinés d'une façon tout particulièrement pernicieuse. La carrière de Nicolas, valorisée selon des arguments essentiellement droitiers, est entièrement fondée sur la revanche, et un rapport extrêmement conflictuel à la réalité, couplé à un narcissisme délirant. Qu'il ait tant été décrit comme un gourou et parfois pire encore, n'est pas anodin. Les fans les plus hardcore quant à eux, se satisfont d'une telle influence sur leurs vies qu'en toute apparence, ils ne peuvent et ne veulent pas expliquer ni remettre en question. Et cela est extrêmement inquiétant, même si en apparence ce n'est que de la musique.


Il est pourtant possible de ne pas être
dupe. De ne pas croire aveuglément ceux qui se drapent des beaux habits de la supériorité humaine, culturelle et morale. De vérifier ce qui nous est dit, ce qui nous est promis et ce qui nous est servi derrière. On peut chercher à mieux savoir où l'on va, qui l'on suit et pourquoi, avant de laisser tout son temps et son argent dans un domaine culturel qui paraît séduisant et adapté à ses problèmes.

Alors certes, il y a des choses plus graves dans la vie sur lesquelles se focaliser. Oui, énormément de gens vivent au quotidien la manipulation, le mensonge, le chantage, la violence physique. Oui, Nicolas participe à rendre la vie de milliers de personnes moins terne, mais ce n'est pas un argument [1]: c'est le cas de prêtres, de gourous, manipulateurs et autres types de personnes influentes et peu recommandables. Ces derniers ont d'ailleurs systématiquement tendance à expliquer le comportement des sceptiques par la jalousie, et cela devrait être un red flag absolu. Loin de vraiment aider leurs adorateurs, ils leur font au contraire croire au Père Noël, en passant le chapeau derrière. Cela peut participer à expliquer pourquoi tant de fans d'Indochine Mk2 sortent un jour de cette période de leur vie avec le besoin ardent de ne plus y être ramenés. Comme de très nombreux déconvertis, quoi qu'ils aient cru. 

Il semble aussi que quelques uns, sachant trop de choses gênantes, préfèrent se taire pour protéger Nicolas, dont le contrôle drastique de l'image ne suffit pas toujours.


Oui les gens, vous aimez ce que vous voulez. Nous avons conscience que l'exposition des faits et les démonstrations, si sérieuses soient-elles, ne peuvent suffire à combattre des croyances si ancrées, surtout lorsqu'elles sont à la source d'un bien-être éprouvé. Nous ne remettons pas en question le besoin pour chacun de ressentir du plaisir dans la vie. À condition de se documenter un minimum pour savoir identifier un charlot. [2]

À votre tour, ne remettez pas en question notre droit de ne pas croire à l'aura mystique d'Indochine Mk2, à la personnalité supérieure et bienfaitrice de Nicolas Sirchis, et de vouloir expliquer et démystifier ce phénomène qui n'a rien de magique. "Il se passe vraiment quelque chose", "l'art ne s'explique pas", "lui remplit des stades" ou même la sempiternelle "carrière" ne sont pas pour nous des arguments suffisants pour obtempérer au catéchisme indochinois, et annihiler tout point de vue discordant.

Si cela se vit, alors cela s'explique.



Anciens fans comme il y en a tant, nous avons nous-mêmes dit par le passé un bon nombre de bêtises sur Indochine, et avons participé à des comportements que nous combattons aujourd'hui. Peu à peu, nous avons tâché de faire preuve d'humilité et d'exigence, et ne nous sommes jamais interdit une compréhension plus rationnelle du phénomène. C'est ce qui nous a permis de remettre en question ce qui avant, nous poussait à défendre becs et ongles cette entreprise de communication en ne faisant confiance qu'à notre seul ressenti. Depuis cette époque, nous avons réfléchi, et nous voulons croire que chacun d'entre vous partage la même préférence pour l'honnêteté et la justesse.   

La musique est un domaine suffisamment important pour lui accorder du temps de cerveau.

Nous savons qu'il est vain, et parfois dangereux, de s'attaquer à des croyances à succès, même avec des preuves et des faits. Quoi que nous disions, pour beaucoup, nous serons toujours de sales cons aigris et jaloux, osant s'attaquer à un grand bienfaiteur. Pour certains, nous sommes même un monde extérieur malfaisant, diabolique. Comme dans d'autres situations très proches, à aller chercher... du côté des sectes. Nous voyons Nicolas profondément habité, remplaçant la réalité par un narratif malléable, mais nous ne savons pas dans quelle mesure il croit vraiment à ce qu'il dit. Notre héros semble s'être emberlificoté dans un tissu de complexes, de revanche, de romance et de fantasy. Ce n'est pas là le travail d'un critique culturel.

"Non, le bonheur absolu n'existe pas, sinon ça se saurait ! Il faut juste se fabriquer son paradis à soi... Envers et contre tout."

Nicolas Sirchis, Rocksound, avril 2002


Envers et contre tout, mais jusqu'où et à quel prix ?


Autocritique :

Oui, il est possible que le blog ait un côté indigeste, voire comme nous avons pu le lire : imbitable. Vue la complexité de chaque épisode de cette longue histoire, il n'a pas été possible de proposer une réflexion déjà ordonnée. Nous comprenons que l'absence de chronologie, l'aspect fouillis ainsi que les répétitions qui peuvent en résulter, puissent décourager. Nous avons plusieurs fois reçu des messages où il nous était conseillé de faire un livre. Nous pourrions, mais ce n'est pas dans nos projets. Nous entendons aussi pouvoir donner l'impression de gens qui se branlent, n'ont que ça à faire ou parlent du travail des autres alors qu'ils font pas mieux. Pire encore, donner l'impression d'étaler une grande morgue, un comportement de hater, et vouloir délibérément s'en prendre à quelqu'un.


Pourtant, une lecture patiente de notre travail devrait dissiper en partie ces impressions.
Nous avons souhaité réaliser une critique sur le fond : nous déplorions que de très nombreuses choses n'aient jamais été dites, cependant ce boulot a été réalisé avec enthousiasme. Nous avons tâché de montrer que l'analyse était non seulement possible mais bienvenue, passionnante et même marrante. Comme dit dans l'avant-propos, nous souhaitons que ce blog vous fournisse de nouvelles clefs de compréhension, que vous soyez d'accord ou non avec ce que vous lisez. Une nouvelle fois, nous n'avons pas fait ce travail pour élaborer une nouvelle autorité et vous la servir toute prête, bonne à recopier ou à flanquer dans la figure d'un(e) jeune fan.

Du mieux que nous avons pu - et surtout sur la fin - nous avons tâché de ne pas nous mettre à faire du Soleywhy. Nous ne sommes évidemment pas parfaits et avons nos propres biais : des contradictions, vous en aurez peut-être trouvé chez nous à votre tour. Les commentaires restent ouverts, vous pourrez donc toujours nous indiquer où nous nous serions possiblement trompés ou contredits, et comment nous pourrions améliorer le contenu du blog si tant est que nous trouvions l'énergie de remettre les mains dans le cambouis. Nous tâcherons de vous lire avec attention et éventuellement de vous répondre. Et si vous vous sentez l'énergie, poursuivez le travail en faisant mieux !


Vous verrez à la suite de nombreux posts se succéder, sur un grand nombre de sujets distincts mais tous liés entre eux.
Quant à nous, en ce qui nous concerne, nous avons vraiment, mais alors vraiment autre chose à faire.

Un immense merci de nous avoir lus et encouragés, bonne lecture aux nouveaux arrivants. Bisous.

L'équipe de Soleywhy.
 

2. "L'anti-intellectualisme a été un fil conducteur qui serpente à travers notre vie politique et culturelle, nourrie par la fausse idée que la démocratie signifie que 'mon ignorance vaut autant que vos connaissances'". (Isaac Asimov)

3 commentaires:

  1. Bonjour,
    En voici une nouvelle triste pour la réflexion et le monde indochinois.
    Merci à vous dans tous les cas pour ce blog toujours très stimulant, réfléchi et en aucun cas pour moi "à charge". La richesse des thèmes abordés et la rigueur du propos en ont assurément fait un site unique.
    Excellente continuation à toute l'équipe !
    Bien cordialement,
    Richard SUBERBIELLE

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  2. Je rajouterai à la liste autocritique : le titre du blog, dont je n'ai toujours pas saisi le sens ! :-D

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  3. Peut-on espérer vous voir revenir un jour ? Il y aurait beaucoup à dire sur la campagne actuelle pour le prochain album !

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