2006 - Un flirt sans fin


Note de la rédaction : nous avons discuté de la nécessité d'étudier cet objet, et n'étions d'ailleurs pas d'accord entre nous. Malgré l'impossibilité d'éviter les répétitions pour notre lectorat régulier et une fatigue que nous vous confessons bien volontiers, il nous semblait nécessaire de revenir sur ce docu, qui est à ce jour le dernier (et seul) documentaire officiel sur Indochine, vendu en 2006 sur Hanoï et toujours présent sur la chaîne YouTube officielle. Reste que si vous nous lisez assidûment, ça va faire de la redite, soyez prévenu(e)s. 

***

Il faut seulement vingt secondes pour aborder la question du look. Nous débutons avec un court extrait chez Drucker au début des années 80, et n'attendons pas pour souligner à quel point Indochine était soi-disant pas comme tout le monde, et que leur look étonnait (à défaut de choquer) le bourgeois. Laisser la question et couper la réponse laisse imaginer la vacuité de cette dernière.

Les justifications quant à elles, commencent dès quarante secondes : nous nous situons déjà dans une grande tradition de Français qui se sentent originaux en écoutant du rock, et se pensent au dessus des habitudes culturelles de leur pays. Autrement dit, nous sommes les deux pieds dans un complexe d'infériorité typiquement français face à la culture anglo-saxonne. Et inévitablement, transparaissent les traditionnels inconforts et agacements face aux concepts de variété française et de culture rock.

"Pour ceux qui sont en France, et qui écoutaient plutôt, je sais pas Stone et Charden ou des choses comme ça effectivement ils ont dû se dire mais qu'est-ce que c'est que ces guignols, qui se prennent pour les groupes anglais qui polluent nos radios."

Olivier Gérard


"C'est vrai que le mélange des genres, c'était très important. Parce que Nicola Sirkis et ses copains, ils avaient pas du tout honte de venir ou chez Guy Lux, ou chez Drucker, hein. Parce que c'était ça aussi leur public."

Michel Drucker, Il était une fois Champs-Elysées de 1986 à 1990, 2022


L'exemple de Stone & Charden est donné totalement au hasard. Ces derniers n'étaient absolument pas à la mode dans les années 80, et s'il y a eu des gens pour qualifier les quatre garçons de "guignols qui se prennent pour les groupes anglais qui polluent nos radios", cela est bien loin de ne concerner qu'Indochine. De plus, pourquoi mettre l'accent sur ce fossé, alors que le décollage de la fusée Indochine avait été si réussi ?

Indochine au Palace, 1982

Ce dont ils parlent ici, tels des adolescents fâchés avec leurs parents, c'est d'un simple choc générationnel et il n'y a rien de plus banal voire constitutif dans l'histoire médiatique du rock... Sauf que pour le public visé par Un flirt sans fin, l'illusion créée est celle d'une bande de gars qui invente l'eau chaude. Surtout raconté par des intervenants plus âgés parlant au passé. Ainsi, tout est conté, avec autorité. Sans prendre de gants, il s'agit dès les premières minutes de créer un pays imaginaire où la mystique indochinoise pourrait germer, puis proliférer.


En 2006, les années 80 étaient déjà lointaines.

 "La musique française dans les années 80 y'avait quand-même pas grand chose. Donc là y'avait un truc différent, un son différent, une image différente, une voix différente aussi faut le dire."

Benjamin Locoge (né en 1979)

Indochine Mk1 était effectivement un groupe très original, mais il serait temps d'arrêter avec ce mythe d'un groupe venu de rien, influencé par rien. Une connaissance plus poussée de la musique du début des années 80 montre qu'Indochine pouvait être rapproché de nombreux autres groupes et artistes. Ce qui est tout sauf anormal, et cela porte un nom : l'air du temps.

Edith Nylon, Quatre essais philosophiques, 1980

En revanche pour la voix, tu m'étonnes. Personne ne chantait aussi mal et avec autant d'aplomb !


Qu'on se le dise : que ce soit musique, fringues ou pochettes, et à l'image d'un Nicolas cherchant à faire son trou chez les jeunes gens modernes, Indochine était totalement dans son époque. N'est-ce pas suffisant, pour ce Nicolas prêt à tout pour être reconnu, pour être le premier

"La fin de la vague pirate avec les Adam and the Ants et tous ces trucs-là. Et nous on avait été marqués par les Comateens qui étaient très maquillés."

Nicolas Sirchis


Eh oui, Indochine était - non pas exactement en pirate mais avec des vêtements amples et des foulards au Rose, et non pas "maquillés" ! L'influence visuelle des Comateens est arrivée certes rapidement mais plus tard. Et nous savons que les choix vestimentaires ont été extrêmement discutés et justifiés par Nicolas, dans tous les sens possibles. Alors que comme il le dit lui-même très bien : y'avait pas de quoi en faire un plat, surtout après une longue décennie marquée du sceau du glam.

Adam & The Ants (1981)
 
Sur le nom du groupe, Nicolas commence très sincèrement : Japan, les affiches maoïstes... Et se reprend, comme se souvenant d'un coup qu'il fallait rajouter l'immanquable mensonge durassien. Pas la peine d'épiloguer, c'est un des posts les plus lus du blog.
 
"En fait, ce nom d'Indochine était aussi empreint d'une appartenance à un courant international, un peu comme Human League et surtout Culture Club. Pour Boy George, un tel nom de groupe voulait signifier qu'il prenait en compte toutes les cultures du monde et que leur musique en était la résultante."

Nicolas Sirchis in Le Septennat, Marc Thirion, Carrère, 1988
(livre officiel)

 

3:06 : "On entendait vraiment les références. Bah, la musique new wave de l’époque, aux Cure, à Joy Division. On sentait vraiment l'école anglaise et ça c'était vraiment neuf."

Stéphane Hervé

Pour les rares qui ont fait le lien entre Three Imaginary Boys et L'Aventurier, peut-être... Sinon, cette recontextualisation et recrédibilisation par des références institutionnelles qui ne concernaient pas Dominique date de la fin des années 90, où Nicolas réactualisait son image avec l'aide de gens qui entretenaient plus d'accointances avec la mode gothique d'alors, qu'avec les influences de Dominique, beaucoup plus variées, internationales et surtout moins lookées.
De plus, faisons ensemble un effort : n'y avait-il vraiment aucun autre groupe ou chanteur français au début des années 80, rendant compte d'une culture britannique ? Il est certes courant chez les fans de dire qu'il n'y a qu'Indochine lorsqu'on ne connaît qu'Indochine (dont le leader cultive cette exclusivité), mais soyons sérieux un moment.

Rudy Léonet donne justement des exemples quelques secondes plus tard, réfutant ainsi ce qui venait d'être dit : Taxi Girl, Jacno, auxquels on peut aussi ajouter Marquis de Sade, Niagara et bien sûr Étienne Daho (dont vous n'entendrez jamais le nom à côté de celui d'Indochine, allez savoir pourquoi).

Voir :
Étienne Daho

"Y'avait rien ! Y'avait que la variété, ou effectivement le rock qui était vraiment, vraiment underground."

Didier Wampas


Underground
comme par exemple la liste longue comme le bras de groupes que Dominique était allé voir au Gibus, un club extrêmement populaire de la capitale. Didier Wampas est souvent pertinent dans ses analyses, mais ici il s'emballe un peu.
Il touche en revanche quelque chose de plus juste sur le rock "sérieux, en France on est assez sérieux. Y'a ou les groupes sérieux, ou la chanson, ou la variété..."

Peut-être ne se rappelait-il pas la virulence de la critique rock britannique et américaine, et dont l'exigence et niveau intellectuel dépassent très largement tout ce que l'on connaît dans la francophonie. Mais oui, c'est vrai qu'en France on aime bien ne pas se prendre pour de la merde : ce Nicolas qui s'est, à toutes les époques, pris extrêmement au sérieux en est un très bon exemple. Sur les groupes sérieux, immanquablement il pense aux formations de Philippe Pascal, Theo Hakola, Rodolphe Burger ou Bertrand Cantat, aujourd'hui encore souvent considérés comme les groupes intelligents des années 80.

Voir : La menace du rock alternatif

À défaut de mener un groupe intelligent, Nicolas n'a jamais cessé de vouloir prouver à son monde qu'il était intelligent. Et Un flirt sans fin sert à ça, malheureusement non pas en disant des choses intelligentes, mais en proposant une croisade, une revanche triomphante. Cette manière de parler d'un paysage culturel hostile se retrouve à à peu près toutes les époques où Indochine (Mk1 et 2 confondus) a proliféré.

"C'est vrai qu'on a une tradition de chanson en France, où on parle de choses beaucoup plus intimes, où on exprime tout son réel mal-être, je me suis fait quitter hier, ça va pas du tout je sais pas comment je vais m'en sortir... Nicolas il est pas là-dedans, depuis toujours."

Benjamin Locoge


Benjamin Locoge n'est pas encombré par le processus de pensée. Plutôt que de perdre du temps à commenter ses crétineries, soulignons plutôt que la récente levée de bouclier face au livre (certes dispensable mais pas plus mauvais que les autres) de Frédérick Rapilly, au motif qu'il était journaliste pour Télé 7 jours, a de quoi interpeller. Le très régulier Locoge est bien plus habitué des papiers people pour Paris Match que de quelconque critique culturelle sérieuse. Mais lui est un ami personnel de Nicolas, vous comprenez. Ses âneries ont officiellement droit de cité et comme souvent dans les documentaires où il apparaît, il ne va pas s'en priver.
"La première fois que j'ai entendu les maquettes de Dominique j'étais sur le cul. J'étais sur le cul parce que y'avait tout."

Dimitri Bodiansky

Nous avons nos biais de sympathie, et avons conscience que cela pourrait nous être reproché. Mais Dimitri pourrait rappeler à Nicolas que la musique d'Indochine n'est pas arrivée par magie, mais parce que Dominique Nicolas travaillait sans relâche, souvent tout seul, avec clairement un talent impossible.

"Alors qu'on connaissait déjà des gens comme Taxi Girl, ou euh... ou Jacno qui étaient électro pure, ou alors des groupes qui étaient guitare pure, mais le mélange des deux était vraiment intéressant."

Rudy Léonet


Nous aimons bien Rudy Léonet (longtemps un des meilleurs amis de Nicolas, qui a coupé les ponts depuis !). Mais sortir des trucs pareils devient difficilement pardonnable passé un certain âge, surtout lorsqu'on est journaliste rock. Il n'est ni suffisant ni pertinent d'opposer Indochine à Téléphone, ce que Zégut appelle du rock'n'roll quoi. Ni Taxi Girl ni Jacno ne proposaient de musique "électro pure". Nous n'allons pas vous refaire le long Révisionnisme et malentendus, mais ce mythe d'un Indochine qui aurait été seul à avoir le génie de mélanger synthés et guitare est totalement hallucinatoire. Et pour rappel, Métal Urbain, que Nicolas a fréquenté, avait déjà mélangé synthé proto-indus et guitares punk dès 1977. Ils furent également le tout premier groupe à signer chez les anglais de Rough Trade, et le seul groupe français cité par Simon Reynolds dans son anthologie du post-punk.


Plutôt que de rendre compte d'un paysage musical, certes bouillant et complexe mais explicable (et si cela prend du temps, les années 80 s'excusent), les intervenants préfèrent utiliser des formules simplistes, souvent subjectives voire totalement fantasmées, comme un dossier de presse. Et bien qu'il ne s'agisse que de musique, nous avons du mal à tolérer que des adultes mettent des bêtises dans la tête d'adolescents.

"C'était d'la new wave quoi."

Christelle Delamare

Vous connaissiez le "rock quoi" de Thomas VDB et la régulière "pop quoi" ? Ici donc la "new wave quoi" de la part d'une fan imbuvable et immanquable à l'époque. Enfin, "ex-fan hardcore" ce qu'elle exigea, puisqu'elle mettait à l'époque un point d'honneur à se distinguer des autres fans arrivés avec le succès d'Mk2, pour qui elle éprouvait un très grand mépris. Et vous savez que les hardcore ont beaucoup de mal à assumer ce passé une fois sortis du giron indochinois.


Bref, nous savons et regrettons qu'ici encore il faille entendre le mot new wave comme une musique synthétique, à clips et à vêtements, et dont les posters choquent vos parents.

"Sans grands discours, c'était une musique d'une approche facile, mais en même temps sophistiquée."

Rudy Léonet


Ici Rudy Léonet est totalement dans le juste, cela définit bien ce qu'est la pop et il est important de rappeler à quel point la musique de Dominique est sophistiquée. Mais au passé, "qui ne se revendiquait pas d'une crédibilité rock..." comme s'il avait saisi qu'avec le temps c'est ce que Nicolas s'était mis à faire. Sans parler des grands discours, qui aujourd'hui remplissent des livres entiers.

Voir : Indochine par Nicola Sirkis & Rafaëlle Hirsch-Doran, Les livres sur Indochine


Et Nicolas, chroniqueur et seul critique légitime de sa propre œuvre, nous dit ce qu'il faut penser, et décrit ses textes comme suit :

"Ma référence c'était beaucoup plus cinématographique, c'est vrai que les textes d'Indo étaient beaucoup plus symboliques. Beaucoup plus euh... On a l'impression de voir des petites nouvelles, des petits films quoi effectivement, des petites histoires."

Nicolas Sirchis


À qui pensait-il se comparer ? Nicolas appuie beaucoup sur le fait qu'il ne voulait pas parler du métro. Téléphone n'est certes pas un groupe parfait, mais à la fin ils n'ont pas chanté que "Métro c'est trop" ! De plus qu'en pensent les connaisseurs des textes de Daniel Darc, Hubert-Félix Thiéfaine, Jacques Higelin, Étienne Daho ou encore Bertrand Cantat ?


Francis Zégut, lui, est intéressant car il s'agit de quelqu'un qui détestait Indochine, et s'est branché sur eux à Paradize. Les auditeurs d'RTL2 en 2002 l'ont entendu dire : "Oubliez tout ce que j'ai dit sur Indochine !" après avoir entendu l'album. Il était devenu à l'époque un grand soutien, et il n'est pas exagéré de parler d'une prise de guerre vue sa crédibilité.

Nicolas et Francis Zégut, RTL2, mars 2009


C'est d'ailleurs lui qui nous offre ces cinq secondes de lucidité :

"C'est une conjonction de plein de choses je crois, euh... La mode, tout simplement.

Francis Zégut à propos de la perte de succès au début des années 90.


Merci, Tonton.

Indochine a été un groupe à la mode, et qui comme toutes les modes, ne l'a plus été. Point. Nicolas Sirchis est le seul à en faire une telle jaunisse, et à continuer de raconter, plus de vingt ans après la fin des années 90, qu'il a subi une persécution.


Depuis, Francis a coupé les ponts avec Nicolas qui lui avait reproché d'avoir posté une photo dans l'enceinte du Stade de France le jour du concert de 2010. Il lui avait ensuite refusé une entrée backstage car ce Zégut devenait décidément gênant à divulguer tant d'informations. Clap de fin donc, pour celui qui avait reçu une ovation à l'Olympia en 2009, pour avoir si souvent reçu Nicolas et pour en avoir dit tant de bien à l'antenne, ce qui changea donc assez rapidement.

"Comment réussir un concert ? Chanter sur tous les morceaux, ne pas oublier des couplets entiers, mettre en valeur tous les musiciens, composer une bonne setlist, ne pas communiquer qu'un concert est plein quand ce n'est pas le cas, car un visuel aussi beau soit il ne remplace pas l'essentiel, et en ce qui nous concerne c'est la musique !

Je n'aime pas l'ingratitude, ni le fait de revendiquer une unité alors qu'il n’existe que le fait du prince. Je n'aime pas non plus les exploiteurs/manipulateurs qui ont laissé tant de monde sur la route, et pour finir je n'aime pas les opportunistes autocentrés sur leur égos boursouflés. Je n'ai de respect que pour les musiciens et les chanteurs. 
Je ne suis qu'un exemple parmi tant d'autres, la foudre ayant touché les plus fidèles 'serviteurs'. Et puis que les choses soient claires, je respecte les musiciens de cette 'entreprise musicale' et je les plains."

Francis Zégut, ByZegut, 2014

Mieux vaut tard que jamais. Aujourd'hui, il considère la chose actuelle comme le groupe d'Oli de Sat et le dit même à l'antenne.

Voir : Pourquoi Indochine Mk2 ?

Sur la tentative d'explication de ce qu'est "l'Aventurier", version 2006 :

"C'était vraiment quelque chose de totalement second degré."

Nicolas Sirchis


Nicolas tente autant d'en convaincre le spectateur, que lui-même, qui se sait, et que les proches savent, incapable de second degré et d'autodérision. Cet excellent morceau, paroles comprises, était totalement premier degré. Nicolas avait expliqué maintes fois à l'époque son origine, et les collages avec les titres d'Henri Vernes. Trop occupé à vouloir montrer qu'il était intelligent, Nicolas dut aussi préciser qu'il avait pris les titres des romans et non des BD, et prétendit même plus tard n'avoir jamais été super BD. Il n'y a pourtant aucune honte à avoir aimé dans le même temps les bandes dessinées, les histoires d'aventures et les films avec Indy.

"Les sons exotiques peuvent s'intégrer au rock. À l'Olympia, on accentuera plus sur le côté aventure, nous sommes une réaction contre les groupes politiques, ce qu'on veut c'est privilégier à nouveau le mythe du héros ; la BD, les voyages nous intéressent. Si l'album L'Aventurier était assez BD, le prochain sera plutôt cinéma, ambiance Pépé le Moko, un peu. Il y a des textes sur le désert, des climats différents à chaque chanson."

Nicolas Sirchis, "Fièvre Jaune", Best, 1983

 
C'est difficile à imaginer aujourd'hui, mais dans les années 80 Nicolas était un gars très "world"...

"Les aventuriers de l'arche perdue" de Steven Spielberg (1981)
Oui, je l'ai vu. C'est un peu pour ça que j'ai fait "L'Aventurier"... J'adore Harrison Ford, dans le film il s'en sort toujours de justesse... Il y a une scène que j'aime bien, lorsque un immense Arabe fait virevolter son sabre pour l'impressionner : Indiana Jones prend son flingue et boum ! C'est très drôle. C'est un film très divertissant."

Nicolas Sirchis, les toiles de Nicola d'Indochine, 1991

Voir : Marguerite Duras et la bande dessinée

"Bowie et Patti Smith en permanence dans ma tête", oui bien sûr, lui qui n'en parlait quasiment jamais. Alors que la vraie origine de cette chanson sur les vêtements et les cheveux, c'est l'observation du look des jeunes. Notre lectorat a parfaitement compris ce qu'était "Troisième Sexe" et nous n'épiloguerons pas non plus là-dessus.

Voir : Troisième Sexe


Une fois les années 80 passées au crible de l'analyse de nos spécialistes, arrivent les années 90.

"Ce qui marchait en France c'était les chanteuses à voix, on n'attendait rien du rock français."

Benjamin Locoge


Mais oui Benjamin : Noir Désir au firmament avec Tostaky (1992), le plus gros album des Innocents (Fous à lier, 1992), le succès de Jean-Louis Aubert (H, 1993), le carton du Suisse Stephan Eicher avec Engelberg (1991) puis Carcassonne (1993), Mobilis in Mobile de L'Affaire Louis Trio (1993) et même un revival Téléphone avec la sortie de leur best-of Rappels en 1991... Peut-être ces chanteuses à voix (Patricia Kaas, puis Céline Dion, Lara Fabian ...?) étaient importantes pour le public variété qui écoutait volontiers les tubes d'Mk1, mais les auditeurs de rock francophone avaient très largement de quoi faire.

Mais non. Selon ce documentaire la justice aurait dû être une reconnaissance ininterrompue sur quarante ans, plutôt que l'intolérable présence d'autres artistes.

La question peut paraître bête mais se pose visiblement clairement : les autres ont-ils le droit d'exister ? Le monde n'est-il juste que lorsqu'il déroule le tapis rouge à Nicolas ? Avez-vous déjà entendus d'autres artistes entourés d'une assemblée, faire une telle jaunisse de ce qui marche autour d'eux ?

Indochine, 1993

Comme nous l'avons longuement étudié dans les articles dédiés, la période allant de Wax et Dancetaria montre une certaine hésitation dans l'hagiographie : faut-il considérer l'équipe comme un groupe indépendant, discret mais avec une solide base de fans ? Ou un groupe qui avait tout pour faire un carton national, et à qui l'on aurait chié dans les bottes parce qu'il n'y en avait que pour les boys band ? Visiblement, un peu des deux. Et aujourd'hui encore : Nicolas veut-il être une figure alternative ou la plus grosse star française ?

"Pour un artiste, le fait de pas être attendu, c'est le meilleur moyen d'arriver à être vraiment créatif."

Hervé Lauzanne

C'est une façon de voir les choses, mais Lauzanne est en train de nous expliquer que Wax serait le Achtung Baby d'Indochine. Indochine n'était donc pas vraiment créatif en plein succès ? De plus, les exemples abondent pour contredire cette formule. Il n'existe aucun règle ou loi observable expliquant les conditions optimales d'une meilleure production ou originalité artistique. Si ce n'est la pratique et une aptitude collective à faire les bons choix. Et clairement, les années 90 sont une période où Nicolas a énormément bûché.

"En pleine vague Placebo on m'a offert le disque, j'ai dit 'oh nan pas ça !' Et en fait en l'écoutant, oh bah c'est pas si mal. Un titre, deux titres, tout l'album, oh il se passe des trucs..."

Benjamin Locoge

Passée l'analyse redoutable de Locoge, notons une dissonance : nous sommes censés être à l'époque de Wax et la vague Placebo c'est 99-2001. Benjamin parle ici de l'époque de Dancetaria (où il avait vingt ans) et le montage fait croire qu'il parle de Wax ! Il n'est bien sûr pas impossible que le réalisateur se soit mélangé les pinceaux, mais que cela ait passé l'épreuve du final cut reste assez étonnant. Pour autant le documentaire continue, et toutes les difficultés d'Indochine (ou de Nicolas) doivent pouvoir trouver une explication. Plus les obstacles sont saillants, plus les justifications le sont également.

Puis le caviar arrive : la naissance d'Mk2.


Vous n'avez pas entendu le nom de Jean-Pierre Pilot ? C'est normal, Nicolas n'a pas attendu la cancel culture pour le supprimer de l'histoire, lui qui était pourtant aussi omniprésent et important que l'est devenu plus tard Olivier Gérard.

"Il termine l'enregistrement de Dancetaria avec l'aide d'un nouveau venu Oli de Sat"

Benjamin Locoge


Nous avons beaucoup parlé sur le blog d'un Jean-Pierre Pilot totalement effacé de l'histoire du groupe, alors que Nicolas lui doit la survie d'Indochine. Dancetaria, avec Nuits Intimes, constitue à n'en pas douter sa réalisation la plus aboutie. C'est pourtant "Le Manoir" qu'on entend en fond, l'un des morceaux emblématiques du premier album d'Indochine Mk2, mais gageons que le réalisateur ne savait pas ce qu'il faisait.

À écouter les imbécilités de Locoge, et à supposer que l'on sache encore qui est Jean-Pierre Pilot, on croirait ici que ce dernier est parti pendant l'enregistrement, et qu'Oli serait venu du ciel pour parachever son œuvre et envoyer Indochine sur orbite. C'est bien ce que Nicolas aimerait qu'on croie, mais la réalité est différente : Jean-Pierre Pilot, sans qui Indochine n'existerait plus, épuisé par un Nicolas invivable, ne quitta le navire qu'en 2001 après avoir orchestré un Nuits Intimes phénoménal.

V
oir : 1996 - Wax, 1999 - Dancetaria, Holy Grail #5

"Les gens quand ils l'ont entendu à la radio savaient pas que c'était Indochine. Et finalement ils se sont dit 'ah bah y chante bien... ah bah y fait autre chose que Troisième Sexe ou L'Aventurier...' Ça a donné une autre image de lui... Et du groupe."

Christelle Delamare


Les analyses personnelles continuent, sur ce que se diraient "les gens" écoutant la radio dans leurs chaumières. Une ex-fan parle, un sociologue meurt. Ce n'est évidemment pas quantifiable, mais il y en a aussi qui ont trouvé ridicule ce revirement gothique et jeuniste.

 "Il était temps quoi ! Sur scène ils sont énormes, et s'il y a une victoire qu'ils méritaient c'était bien celle-là."

Christelle Delamare


Comme quoi, on peut la jouer alternatif, gothique, anglophile ou ce que vous voulez, il est difficile de renier son bagage franchouillard. Gagner une récompense octroyée par le nectar du métier pour bons services rendus au bizness ne doit en aucun cas être une finalité. Mais surtout, est-ce une nouvelle erreur de touriste, ou encore une fois une confusion délibérément provoquée par le montage ? Non, Indochine n'a pas gagné la victoire de la meilleure tournée (ils n'ont été que nommés, le lauréat fut Christophe pour Olympia 2002), mais celle du meilleur album pop-rock ! Ce qui n'est pas mal non plus pour Paradize.

Oh que l'époque d'Un flirt sans fin est différente de celle d'aujourd'hui, ses drapeaux arc-en-ciel, ses confettis multicolores et ses tables rondes sur le harcèlement scolaire. Oh non, ici il faut choquer vos vieux cons de parents, et faire grincer des dentiers avec une posture rock très blanche. En opposition au rap, bien sûr.

Indochine Mk2, 2002

"L'époque de Paradize c'était le rap qui dominait sur les radios, on en pouvait plus. Donc je pense qu'inconsciemment déjà euh... Dès les premiers maquettes y'avait de grosses guitares électriques. Peut-être inconsciemment pour se défouler, pour faire... Putain on va un peu se défouler."

Olivier Gérard

Non. Le rap français était effectivement à la mode, mais le rock aussi, y compris sur les radios et le papier glacé : c'était la grande époque de Rocksound et Rockmag, dans laquelle Indochine Mk2 s'est glissé au chausse-pied à grands coups de séances photo. Cette époque faite de rap, de r'n'b et de variété, où Indochine serait venu jeter un pavé, est une invention grossière des deux cerveaux d'Mk2 : un autre mythe qui ne vit sa vie que dans le petit monde fermé d'Indochine. Et puis c'est drôle à la fin, cette manie de toujours rajouter "inconsciemment". Voire "consciemment ou inconsciemment". Non les gars, vous faites les choses instinctivement, avec une part de maîtrise et une part de lâcher-prise, et c'est comme ça dans absolument tous les domaines artistiques.


Et les pauvres AqME, un peu forcés d'apparaître dans un documentaire sur Indochine alors qu'ils n'en avaient jamais rien eu à carrer. Il serait intéressant de savoir ce que les quatre compères du groupe néo-métal parisien pensent aujourd'hui.

"J'avais jamais vu Indochine, et j'ai compris. C'était juste un super gros concert quoi."

Étienne Sarthou (batteur d'Aqme)

Merci pour cette intervention.

Voir : 2005 - Alice & June

"Le rock'n'roll c'est une grande messe. J'pense que c'est un endroit... Quand on est dans un vrai grand concert de rock c'est un temple. Y'a une symbolique extrêmement forte, y'a... Y'a presque, j'dirais... Presque un contexte martial, religieux, y'a des gens qui crient, y'a un phénomène de masse."

Stéphane Hervé


Stéphane Hervé est dans le vrai. Mais en a t-il conscience, il relate des aspects malsains du rock. C'est peut-être ce qui l'attire lui, mais c'est également ce qui provoque les comportements les plus stupides et déviants, parfois dangereux.
En substance, il nous avoue qu'il n'est pas plus utile de discuter avec un fan d'Indochine qu'avec un bigot de la paroisse de son quartier.

"Et par rapport à d'autres groupes qui se la jouaient durs, Indochine avait toujours la proximité du danger, il y avait ce côté ambivalent, l'enfance, l'homosexualité... Ils cherchaient toujours de près le tabou, et ça m'a intéressé."

Stéphane Hervé in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011


Nous c'était plutôt la beauté de la musique et des textes bien trouvés, mais passons.

Voir :
Le dernier tabou, Indochine par Nicola Sirkis & Rafaëlle Hirsch-Doran

Petit aparté sur qui est Stéphane Hervé : un traumatisé de Nine Inch Nails (encore eux) parmi tant d'autres, et qui passa toutes ses années 90 à courir derrière cette tendance electro, industrial, trash (ajoutez tous les adjectifs que vous voulez en vous inspirant des noms des remix d'Olivier Gérard). Le duo Dead Sexy Inc se forma en plein retour du rock avec Emmanuel Hubaut (guitariste des Tétines Noires et LTNO), avec une proposition beaucoup plus accessible et tubesque.

Dead Sexy Inc et Indochine Mk2 se mirent à partager les mêmes buts, les mêmes amis et une communication très proche. Tous les qualificatifs à coucher dehors que vous avez entendus de la part de Nicolas : gothico-sexy-glam, gothic-trash, disco-night, etc, viennent de là. L'esthétique du clip de "Adora" et tout le folklore autour des Divisions de la pop en viennent aussi, et Hervé était devenu quelqu'un de très influent pour Nicolas, pour ainsi dire une sorte d'adjoint à la direction artistique.

Dead Sexy Inc.

Le chanteur d'Indochine fait d'ailleurs des "ouh ouh" sur "The Simple Things" et chante sur "Safetynet". Une fois le projet fané, Stéphane fit de la photographie, s'essaya au manga, faisant même intervenir son groupe dans ses histoires, mais cela n'intéressa pour ainsi dire personne. Aujourd'hui l'entourage (vieillissant) des deux compères de Dead Sexy Inc s'accorde d'ailleurs d'une seule voix pour dire qu'Hervé serait un homme très calculateur. Et ça s'entend dans ses interventions, tant dans Un flirt sans fin que le livre officiel de 2011 sur Indochine où il est notamment question d'aller les faire jouer au Japon... Un énième projet qui ne vit pas le jour. Aujourd'hui, malgré une pugnacité certaine et beaucoup d'apparitions à l'étranger, ils ne sont plus vaguement connus que pour leur proximité avec Mk2 dans les 2000's.


Passé cet aparté, nous allons voir que cet ami de Nicolas, lui aussi visiblement très adulescent, va nous gratifier d'un bon nombre d'énormités. Heureusement pour lui il n'est pas le seul, mais comme dans le livre de Jean-Eric Perrin, il met un point d'honneur à nous démontrer par A + B que Nicolas est vraiment, mais alors vraiment un mec extraordinairement cultivé, curieux et malin. L'angle d'attaque ? Il serait très pointu.

"Il écoute des trucs très très pointus..."

Stéphane Hervé

Emilie Cendlak nous fait le même coup dans Le Parisien douze ans plus tard :

"Il cherche tout le temps des nouvelles idées, veut lancer un parfum d'ambiance, écoute des nouveaux groupes sur Internet pour prendre le pouls de l'époque. Il m'emmène à des concerts dans des petites salles où il y a trente personnes et où il se cache sous son bonnet."

Emilie Cendlak, Le Parisien, 2018

Donc il faut décerner une médaille à Nicolas pour traîner sur YouTube et sortir à Paris chercher des groupes de filles à signer sur son label ? C'est même faux, cela fait bien des années qu'il ne sort plus voir de petits concerts. Des gros en tribune VIP avec invitation, ça oui par contre. Et après, qu'est-ce qu'on s'en fout ? Qui d'autre a tant besoin de prouver qu'il a une vie culturelle ?
"Ce n'est pas de la flambe, ce n'est pas de l'intellectualisme mal placé..."

Stéphane Hervé in Indochine, le livre, Jean-Eric Perrin, 2011

Non, bien sûr. Ce n'est que ça. De la pose et de la poudre aux yeux.

Voir : Influences et références et le reste du blog

Et un jour, il faudra nous expliquer ce que ça veut dire "très pointu", et surtout ce que nous sommes supposés déduire de cela. Écouter des choses dites pointues fait de vous une meilleure personne ? Un meilleur musicien ? Un artiste plus original que la moyenne ? Si c'était le cas ça se saurait : n'importe quel groupe hipster serait devenu Radiohead. Notre expert enchaîne sur le supposément pointu A&J :

"Il demande... un p'tit peu plus d'écoutes. J'pense c'est un disque, qui va vivre un peu plus avec son temps, sur la longueur..."

Stéphane Hervé


Pas du tout, Alice & June fonctionne direct et une base de fans multigénérationnelle l'a dit et montré. Au moment du tournage d'Un flirt sans fin, les intervenants venaient de découvrir l'album ! Il est vrai qu'en son temps la promotion autour du pseudo-concept et sa longueur participèrent à faire passer Alice et June pour plus "difficile d'accès" que Paradize, comme s'il s'agissait d'une œuvre totale entre alt-rock et art-rock... C'est pourtant totalement fantaisiste et son succès immédiat auprès d'un public très jeune, plus le recul permis par les années, devraient permettre de s'en rendre compte, et dénoncer précisément cet intellectualisme mal placé.

Alice & June, 2005

L'ex-fan hardcore elle, nous explique qu'ils seraient allés très loin, dans les sons, dans les paroles. Ben, non, pas particulièrement. En tout cas, pas plus qu'avant. Et Alice et June n'est pas l'album le plus généreux comme le dit Rudy Léonet, c'est un album normal d'Mk2 et en effet, le plus long. Ce qui n'est ni un gage de qualité, ni franchement une bonne chose vu le résultat.

Voir : 2005 - Alice et June


Et de nous asséner, vaguement agacée, que :
"Oui ils ont aimé les les concerts de Marilyn Manson... certains (lol, ndlr), ils ont aimé les concerts de Nine Inch Nails, ils ont aimé ces albums... Oli il est plutôt, rock indus, goth et caetera..."

Christelle Delamare

Et alors ? Comme plein de gens, car c'était à la mode. Correspondre aux codes d'une subculture bien installée n'est un gage ni d'indépendance, ni de sincérité, ni de qualité. Il est inutile, malhonnête et irritant d'essayer de faire passer ces gens pour plus sincères (ou pointus) que leurs voisins en soulignant des goûts supposément plus alternatifs que la moyenne. Écouter Nineinchnailsdestrucscommeça n'est en rien plus valorisant qu'autre chose.

C'est même plutôt un red flag.

Voir : 1999 - Dancetaria


De même, nous nous moquons éperdument que Stéphane Hervé ait eu la même sensation que quand il a vu U2, car cela n'est valable que dans son expérience et ses souvenirs personnels.

 "Si tous les référents que N... que Indochine utilise font pas partie de votre mode de vie.... Si quelqu'un qu'aime pas Marilyn Manson, Placebo, les Cure, Joy Division, qu'a jamais lu un comics de Ted Naifeh ou je sais pas moi, qu'a jamais lu, je sais pas, Baudelaire ou Barbey d'Aurevilly... effectivement : Indochine, c'est pas pour lui."

Stéphane Hervé

Nous vous rappelons qu'il s'agit d'une communication officielle. Quel est le but d'y mettre de telles élucubrations ? Le mode de vie indochinois implique d'être connaisseur de Baudelaire et Barbey d'Aurevilly ? Quelle drogue prend Stéphane Hervé, histoire de ne jamais y toucher ? Calmons-nous : il s'agit d'auteurs étudiés au lycée et à la fac, tel Nicolas qui lisait Hugo en seconde mais n'arrive pas à finir les livres qu'il commence (Le Septennat).


Le documentaire entier montre un collectif de personnes (disons-le, une bande de potes) s'acharnant à expliquer à quel point les goûts de Nicolas sont spéciaux et parfaits. Pourtant, nous l'avons déjà dit : Nicolas a les goûts normaux d'une personne de sa génération. Il est même plutôt en dessous, pour quelqu'un qui traîne dans des milieux artistiques depuis plus de quarante ans.

Nous devrions pouvoir compter sur les doigts d'une seule main les fans de Nicolas qui ont lu attentivement Baudelaire et encore moins ceux qui connaissent Barbey d'Aurevilly. Quant à Ted Naifeh, ne cherchons pas plus loin, l'auteur de Gloomcookie est connu pour des histoires vaguement gothiques, et Hervé explique avec le plus grand sérieux qu'il faut avoir lu ça pour apprécier Alice et June. Quelle est cette manière grossière de se distinguer ? D'évoquer des pré-requis, des choses à connaître voire des rites de passage pour savoir apprécier un groupe aussi facile d'accès qu'Indochine ? Pensez-vous vraiment que le public du Central Tour en est là ? Mais comme à son habitude, Nicolas laisse les autres insérer un capital subculturel fictif, à grandes doses de namedropping.

"C'est sûr qu'il est plus Virgin Suicides que... que... La Boum."

Peggy M.
Le mépris de classe n'est même pas dissimulé dans cette sortie, que l'on pourrait traduire par "Il a des goûts raffinés lui, c'est pas un beauf !"... Mais quoi qu'il en soit on l'aurait deviné rien qu'avec les titres.

34:47 "Même des chansons qui paraissent toutes simplissimes comme 'Okinawa' (...) Ca m'étonnerait pas qu'il ait vu le Chris Marker qui s'appelle comme ça et que, en regardant de près ça a un rapport très très direct avec les suicidés d'Okinawa."

Chloé Delaume

  

Chloé parle-t-elle de Level Five, réalisé par Marker en 1996 ? La capacité au voyage dans le temps de Nicolas est-elle si contagieuse ? Et quel rapport avec les suicidés d'Okinawa, dans cette chanson sur une fille qui lave des draps ? Si ce n'est qu'il y a le mot "Okinawa" ? Pourquoi faire des liens abusifs lorsqu'il n'y en a pas, quelle est la raison de ce comportement ?

"C'est assez atypique mes goûts."

Nicolas Sirchis


Toujours de la part d'un Nicolas qui s'autochronique et analyse son propre personnage, se voyant apparemment comme quelqu'un de très spécial. Pour un lecteur de Rock Mag, oui peut-être... En plus, pour illustrer cela, il cite trois films 70's pas vraiment inconnus et un réalisateur indépendant plus récent, et récompensé.
La maison tient à vous rassurer : vous n'avez besoin d'être érudits (ou pointus) en rien pour apprécier ce que fait Nicolas.

Voir : Influences et références


Une référence importante est citée au demeurant, d'où viennent aussi toutes ces images - dégueulasses et irritantes - d'adolescents foutant le bordel, se maquillant et autres...

"...et ça m'a vraiment influencé sur Wax, Dancetaria, Paradize tout ça."

Nicolas Sirchis sur Kids (Larry Clark)

Les gens qui vont voir Indochine en famille devraient tenter l'expérience de voir Kids ensemble, surtout ceux qui ont des filles adolescentes, histoire de comprendre où se situe notre héros, qui avait confié sur ce film des analyses assez personnelles. Même voir Un flirt sans fin en famille ne devrait pas être évident pour tout le monde. Les fans sont-ils nombreux à avoir été curieux ?

Voir :
Le dernier tabou

Sur l'Alice & June Tour, 2006


Ce docu officiel, qui n'a rien d'un documentaire, ne fait pas de la pédagogie, mais du prosélytisme.

"Moi j'aime bien être détesté. Je trouve que ça donne une certaine humilité".

Nicolas Sirchis

Allons-y donc pour l'humilité : Un flirt sans fin n'est rien de moins qu'une publicité, officielle, sortie en DVD, pour le génie de Nicolas - et même pour son physique. Et pour quelqu'un qui soit disant n'a "rien à prouver à personne...", il se donne tout de même bien du mal.
"Respect quoi. J'peux rien dire d'autre. Peu de gens ont la chance d'avoir ça en eux quoi, cette espèce de capacité à quoi qu'il arrive... 'j'lâcherai pas l'histoire'."

Boris Jardel

Non, Boris ne peut rien dire d'autre et il le sait. François Soulier et Marc Eliard eux, sont muets et le resteront dans le futur. Comme tous les autres zikos passés par le truc.

En 2006, ce documentaire réalisé à destination d'un public jeune, celui-là même que visait Alice et June, montrait déjà une histoire réécrite. Il est très amusant de constater que plus de quinze ans après, cette longue publicité ne correspond plus à l'Indochine que nous connaissons. De nombreuses personnes qui y interviennent ont rompu le lien avec Nicolas, les références qui y sont montrées ne sont plus d'actualité, et les thèmes abordés sont obsolètes.

"Y'a peu de gens, peu de journalistes, qui ont enfin compris ce que c'était réellement, Indochine".

Nicolas Sirchis

C'est possible, mais ce n'est toujours pas ce docu qui va le leur expliquer. D'autant que la suite de l'histoire a montré qu'il fallait continuer d'expliquer et d'actualiser... Et fustiger "ceux qui ne comprennent pas", jusqu'en 2021 et plausiblement encore dans le futur, sans jamais dire ce qu'il faut tant comprendre. Comment blâmer les journalistes de ne pas comprendre ce qui, sous un intitulé, désigne des choses totalement différentes ? Stéphane Hervé en rajoute d'ailleurs une couche.
"On peut pas trouver Indochine sympa quoi ! Ou on adhère au trip..."

Stéphane Hervé

Ou on trouve juste ok, et on peut même s'en foutre royalement.

Bien sûr qu'on peut trouver Indochine "sympa quoi", sinon ils ne rempliraient pas de stades. Il n'y aurait pas tant de gens qui vont au concert "en famille", ni d'autres contre qui s'offusquer parce qu'ils vont chercher des bières pendant les morceaux moins connus. Il n'y aurait pas non plus tant de gens qui disent "Ah ouais, Partenaire Particulier j'aime bien".

"C'est ça, les pro vont te dire : c'est formidable, c'est d'une naïveté qui touche à l'essentiel immédiatement, d'une simplicité universelle... les anti vont te dire : c'est d'une NIAISERIE abominable..."

Rudy Léonet


Léonet est dans le vrai, mais il n'existe pas que les pour et les contre. Et contrairement à ce que Nicolas donne l'impression de penser : les gens ne deviennent pas des ennemis ou des traîtres à partir du moment où ils ne sont pas ou plus fans, ou pire encore n'aiment pas.
Combien de gens se fichent d'Indochine comme de leur première paire de chaussettes, vous n'imaginez pas.

Voir : Ceux qui n'aiment pas Indochine


Que ce soit l'occasion de dire une fois pour toutes que le public d'Indochine est en fait un large public variété, typiquement français, entretenant bien davantage de connivences avec Farmer, Goldman ou Vianney qu'avec d'autres artistes anglo-saxons - et ce n'est pas un mal. Ce "public" n'a pas de spécificité particulière, on n'y observe pas de tendance plus marquée à gauche qu'ailleurs, une culture musicale plus poussée que la moyenne et surtout pas une meilleure aptitude à la tolérance que Nicolas aime pourtant souvent rappeler. Le contraire est même souvent observé.


En d'autres termes, l'esprit Indochine est un mythe grossier. Si ce n'est, comme observé précédemment, une certaine jouissance à emmerder le monde et défier une autorité jamais franchement nommée.


Un flirt sans fin ne parle évidemment pas, même entre les lignes, de quelconque féminisme ce qui est parfaitement normal pour qui se souvient de cette époque quelque peu sordide. Il est aussi amusant de se rappeler les contorsions de Rafaëlle Hirsch-Doran dans son parpaing, pour faire correspondre cette époque entièrement centrée sur la sexualité féminine adolescente, la provocation et un gigantesque male gaze, avec un discours dit féministe. C'est pourquoi l'autrice - qui a découvert son groupe préféré l'année de ce docu - est en ce moment même au boulot. Comme son livre avait déjà réinventé l'histoire sur le papier, il reste maintenant à le faire sur écran, avec des gens qui soutiennent encore Nicolas.

Lorsque ce nouveau documentaire officiel sortira, amusez-vous à noter les différences avec Un flirt sans fin.


"Nous avons retrouvé plein de documents qu'on ne pensait jamais avoir. Par exemple, le son du premier concert d'Indochine, enregistré sûrement par des fans."

Nicolas Sirchis

Non, par Dominique.

Ça promet.

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