2000 - Génération Indochine

Indochine n'existe plus. Les compositeurs historiques sont partis. Au sortir du Dancetaria Tour, Nicolas Sirchis est en pleine création d'un nouveau projet musical qu'il nommera comme son précédent. 

Pendant cette période gestation, à la recherche de nouvelles références visuelles et sonores, un pavé tombe dans la mare : le 10 avril 2000, son ancienne maison de disques BMG sort une compilation rétrospective, sans aucune concertation avec les ex-membres du groupe.



Mettons de côté l'opportunisme de l'opération et penchons nous sur sa réception.
"Il ne faut pas oublier que pendant la même période (Nuits Intimes, ndlr) sortait cette fameuse compilation à laquelle j'ai tenté sans succès de m'opposer et qui ramène inlassablement le groupe comme pivot central de la 'nostalgie des 80's'."  
"Ce qui était le plus choquant dans cette compile sortie par BMG, c'était l'avoir appelé Génération Indochine ! Quel orgueil ! Moi-même, je n'aurais jamais osé !" 
Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001
 
Depuis le départ de Dominique, Nicolas a expérimenté diverses communications selon ses prévisions sur le sens du vent (grunge, britpop, alt rock, indus, goth), mais la pochette de la compilation ne rappelle qu'une seule chose : Indochine Mk1. Avec sa temporisation révolue et générationnelle dans les années 80, le trio des deux derniers albums et l'étoile rouge, sorte de logo tacite du groupe et évoquant la sensibilité politique de Stéphane Sirchis.

Et la compilation se vend à 240 000 exemplaires, plus qu'Unita, le best of "posthume" mais officiel, quatre ans plus tôt, où Nicolas avait déjà imposé un esthétisme discordant avec le contenu. L'opération sera reproduite pour Singles Collection 1981-2001 illustré par le fantasme de ce que le groupe aurait pu être. Il est dès lors assez cocasse de constater sa montée au créneau sur le visuel de Génération Indochine qui évoque l'univers indochinois bien plus justement qu'Unita

L'association de la marque "Indochine" avec ce passé glorieux encore dans les mémoires a toujours été à l'encontre de ce nouveau groupe mis sur pied avec son nouveau bras droit, Olivier Gérard. 
"Moi, je me fous de l'argent : je ne veux pas leur retirer le pain de la bouche, car le matériel leur appartient, mais juste qu'ils ne considèrent pas les artistes comme des vaches à lait ou des produits et qu'ils respectent les univers des uns et des autres. C'est cela l'objet de la négociation pour l'instant, qui risque d'aboutir." 
Nicolas Sirchis in Indochine de A à Z, Sébastien Bataille, 2003

Nicolas voulait du cryptique pour une nouvelle génération de fans, avec de nouvelles références dans l'air du temps, et non pas un résumé de sa vie passée. La colère que cette sortie a généré chez lui fut proportionnelle à l'énergie qu'il mettait déjà depuis plusieurs années à parler d'un nouveau public, rock, qui aime Suede, Blur, Oasis ou Marilyn Manson, et aux goûts duquel il fallait à tout prix faire correspondre la musique et les visuels d'Indochine.

"Avec Dancetaria, nous sommes parvenus à attirer les faveurs d'un nouveau public. Nous en avons vendu plus de 100 000 en France, ce qui est un bon score. Nous avons montré que nous allions toujours de l'avant. Et là, cette compilation renvoie complètement le groupe à sa situation antérieure, à un passé révolu. Et ça, c'est regrettable."

Nicolas Sirchis, La Nouvelle Gazette, 2000

"Or nous on s'était aperçu au contraire il y a déjà quatre ou cinq ans qu'il y avait un tout nouveau public, pour Indo, qui n'était pas là par nostalgie mais parce qu'il associe le groupe à Placebo ou aux Smashing Pumpkins."

Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001

Nicolas ne s'était pas aperçu qu'il y avait un nouveau public. Il avait tout fait pour attirer ses faveurs, obtenant même un bon score. Ce sont ses mots. Et patatras, Génération Indochine le renvoie à l'époque de Dominique !


La présence du mur de Berlin semble tout particulièrement indisposer Nicolas.
"En plus, mettre le mur de Berlin sur la pochette, c'est-à-dire de traîner le groupe vers le passé avec un visuel qui, de plus, n'a rien à voir - Moi je n'ai jamais écrit sur le mur de Berlin -, je pense que dans la bagarre, ils ont confondu avec Téléphone en plus !" 
Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001
 
"Visuel 100% eighties et inapproprié (pochette représentant le mur de Berlin !)
Sébastien Michaud, Insolence Rock, Camion Blanc, 2004
(Livre officiel supervisé par Nicolas) 

Sa réaction épidermique sur le mur de Berlin est assez ironique pour ce fan autoproclamé de David Bowie qui a repris plusieurs fois "Heroes", et ce depuis 1996. Savait-il, et le sait-il aujourd'hui, de quoi parle ce morceau, ou ne s'est-il arrêté qu'à cet héroïsme qui lui est si cher ? Le Mur sera même évoqué, bien plus tard, à deux reprises :
- "Le Dernier Jour" en 2009 : "Je vis caché à Berlin-Est et demain je passerai à l'Ouest"
- "Nos Célébrations" en 2020 dont le clip montre Nicolas dans un train, traversant un mur de Berlin démesuré. Nous pouvons aussi voir une Trabant et le violoncelle de Rostropovitch.

Si vous êtes lecteur de ce blog, vous avez dû remarquer que nous-mêmes nous demandons souvent quel est le rapport entre les visuels choisis par Nicolas et la musique proposée.

Il appellera même à la compassion, invoquera une certaine morale en citant la fille de Stéphane, comme si cette dernière alors âgée d'une dizaine d'années avait pu prendre une décision quelconque.
"Et, pour finir, ne même pas en parler à l'héritière de Stéphane ; ne même pas avoir ce petit brin d'humanité..." 
Nicolas Sirchis, Rocksound, février 2001

En avril 2000, "Indochine" assigne son ancienne maison de disques devant les prud'hommes pour n'avoir été ni informés ni consultés sur ce disque. Et finalement en septembre 2003, Indo.fr annonce :
Après 4 ans de procédures contre BMG, un accord a été trouvé entre la nouvelle direction, Dimitri, Nicola et l'héritière de Stéphane. La compilation "Génération Indochine" ne sera pas rééditée. L'exploitation du catalogue d'Indochine chez BMG se fera dorénavant en accord avec le groupe. 

Mais quid de Dominique Nicolas, non cité dans ce dénouement ? 

Par contre, ce dernier portera plainte en 2007 pour les CD et DVD d'Hanoï (2007) pour "une atteinte à son droit moral en tant que co-auteur et compositeur des titres les plus célèbres d'Indochine", regrettant qu'on ne lui ait pas demandé son avis.

Génération Indochine, sorte de Birthday Album amélioré avec les singles d'Un jour dans notre vie et Wax, reste une compilation intéressante, on lui doit d'avoir sorti Petit Jésus d'un oubli certain. Le morceau sera d'ailleurs régulièrement joué lors de la tournée Nuits Intimes en 2000.


Nous voyons parfaitement dans cet épisode l'importance immense accordée par Nicolas à l'image et l'univers, au détriment de la musique qui ne semble pas être davantage qu'un simple support à cet univers. Dès lors, en effet, en ce qui concerne les compositeurs "personne n'est irremplaçable". 


Voir aussi sur le blog :




Annexes : 
Rocksound en 2002
À propos du contentieux avec Dominique Nicolas sur Hanoï

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